OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les 12 milliards de Google en Irlande http://owni.fr/2012/10/31/12-milliards-google-irlande-fisc-redressement/ http://owni.fr/2012/10/31/12-milliards-google-irlande-fisc-redressement/#comments Wed, 31 Oct 2012 13:56:52 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=124584

Selon Le Canard Enchaîné de ce mercredi 31 octobre, la Direction générale des impôts réclame à Google une ardoise de près d’1 milliard d’euros. En cause : quatre années d’activités commerciales durant lesquelles une large part du chiffre d’affaires généré en France aurait été transféré vers une fameuse filiale située à Dublin, Google Ireland Limited, sans être déclaré à l’administration fiscale.

Le rapport de 125 pages présentant le bilan comptable de Google Ireland Limited pour l’année 2011, que nous nous sommes procuré, donne la mesure de ce montage. Le document a été certifié par le cabinet Ernst & Young le 21 août 2012, et enregistré un mois plus tard, le 28 septembre, au greffe des autorités commerciales de Dublin.

Au total, pour l’exercice 2011, les comptables de Google Ireland Limited présentent une société qui atteint un chiffre d’affaires de 12,4 milliards d’euros, et un bénéfice brut de 9 milliards d’euros. Des chiffres vertigineux, à lire en prenant en considération deux réalités : d’une part, Google est devenu la première régie publicitaire de la planète – tout en demeurant, subsidiairement, un moteur de recherche. D’autre part, Google Ireland Limited, via quelques finesses comptables, recueille donc sur ses comptes en banque une large part des ventes de l’espace publicitaire commercialisé par Google en Europe, et notamment en France.

Multimilliardaire

Sur place, à Dublin, les liens entre cette tirelire et les diverses succursales de Google s’organisent par l’entremise d’autres sociétés. En particulier la société Google Europe, également domiciliée en Irlande, et qui compte parmi ses dirigeants l’entreprise Google France et les diverses filiales européennes et africaines. Ainsi que le montre un procès-verbal de cette autre structure irlandaise.

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Et grâce aux participations détenues dans une autre filiale de Google, située aux Îles Bermudes cette fois, une partie des dividendes rassemblés en Irlande s’envole ensuite vers ce paradis fiscal de l’Atlantique, comme nous l’avions autrefois raconté.

C’est l’ensemble de ces montages qui ont provoqué le courroux des fonctionnaires des impôts contre le groupe multimilliardaire. Après des vérifications demandées sur l’exercice 2008, achevant d’étayer leurs soupçons, les enquêteurs du fisc ont perquisitionné le 30 juin 2011 les bureaux parisiens de Google France, avenue de l’Opéra, rue de Londres, rue Louis-le-Grand, et rue de Clichy.

Pour la Direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF), la société Google Ireland Limited agit comme le véritable propriétaire et bénéficiaire de la succursale française, sur la base d’un contrat daté du 1er juillet 2004, mais sans rien dire au Trésor Public – la coquille irlandaise n’ayant pas pris soin de satisfaire aux obligations fiscales des sociétés étrangères déployant des activités en France, qui doivent se déclarer auprès d’un service spécialisé des impôts.

Ritournelle

Une version qu’a contesté en justice Google France, dont le directeur général Jean-Marc Tassetto n’a pas répondu à nos sollicitations, tout comme Maria Gomri, responsable juridique pour la France ni Yoram Elkaïm, directeur juridique pour l’Europe.

En lieu et place d’éléments d’explication, la responsable de la communication de Google France, Anne-Gabrielle Dauba-Pantanacce, nous a adressé un email affirmant que “Google se conforme aux législations fiscales de tous les pays dans lesquels l’entreprise opère” et rajoutant “nous sommes convaincus d’être en conformité avec la loi française”.

Sauf que cette ritournelle de communicants a été balayée par la Cour d’appel de Paris, dans une ordonnance du 15 mai 2012, mis en ligne par nos confrères de BFM TV.

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Les magistrats ont confirmé la légalité de la perquisition et les présomptions de fraudes. Contactée par Owni, l’avocate de l’administration fiscale dans cette procédure, Me Dominique Hebrad a indiqué qu’à cette heure que “les avocats de Google n’ont pas engagé de recours” contre cette décision de justice. Supposant ainsi qu’ils en acceptaient les conclusions.

Lundi, les responsables de Google France accompagné du grand patron, Eric Schmidt, rencontraient à l’Élysée François Hollande et la ministre déléguée de l’Économie numérique. Pour parler de la taxe Google. Mais aussi, selon Le Canard Enchaîné, pour discuter du redressement fiscal hors norme qui menace l’entreprise ; un sujet que les représentants de Google démentent avoir évoqué à cette occasion.

Pour la circonstance, l’équipe Google était accompagné d’un grand commis de l’État discrètement converti au charme de l’industrie de la publicité en ligne. Francis Donnat, maître des requêtes au Conseil d’État, conseiller auprès de la Cour de justice des communautés européennes, a rejoint Google France au mois de septembre dernier en qualité de lobbyiste en chef.

Pour parler d’égal à égal, au nom de la firme, avec ses anciens condisciples de l’ENA (promotion Valmy) évoluant aujourd’hui à la Direction générale du Trésor ?


Le bilan comptable de Google Ireland Limited pour l’exercice 2011 :


Le procès-verbal de la société irlandaise Google Europe :


Illustration par Artamir [CC-byncnd] modifiée avec son autorisation par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Mega enjeu http://owni.fr/2012/10/22/mega-enjeu/ http://owni.fr/2012/10/22/mega-enjeu/#comments Mon, 22 Oct 2012 05:42:14 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=123439

Sûr de ses talents de communicant, Kim Schmitz (alias Dotcom) faisait mine vendredi dernier de confier à Wired le nom de son nouveau site de partage de fichiers.

Sans dévoiler l’adresse du nom de domaine, il laissait supposer qu’il s’intitulerait “Mega”. En lieu et place de MegaUpload, fermé à la suite d’une retentissante opération judiciaire menée par le FBI sur plainte de plusieurs majors américaines.

Mais les responsables qui travaillent sur le projet, et avec lesquels nous nous sommes entretenus, se montrent plus nuancés. Tel Emmanuel Gadaix, l’un des cerveaux de la nouvelle (et de l’ancienne) infrastructure, précisant que “Mega” se retrouvera bien dans la nouvelle marque mais attaché à d’autres mots.

Il nous assure que l’offre existera avant “la fin de l’année”, avec des ambitions considérables pour le marché de la musique et du cinéma en ligne :

Nous mettons en place des nouvelles mesures de sécurité. En particulier, un “client-side cryptosystem” qui chiffrera, de manière transparente pour l’utilisateur, toutes les données transmises sur le cloud. Lors du lancement, d’ici la fin de l’année 2012, nous dévoilerons nos API qui permettront aux développeurs de créer une multitude d’applications innovantes, qui utiliseront la puissance et la sécurité de cloud Mega [...] Nous allons respecter les règles du DMCA qui protègent les hébergeurs contre les actions de leurs utilisateurs.

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Services secrets

Si la trajectoire de Kim Dotcom dresse le portrait d’un bonimenteur 2.0 pas toujours de très bon goût, comme le montre une enquête fouillée du site Ars Technica, celle d’Emmanuel Gadaix, plus discrète, présente le profil d’un visionnaire de la sécurité des réseaux.

Entre 1993 et 1998, ses talents l’amenèrent à être régulièrement sollicité par la DST (les services secrets de sécurité intérieure français, devenus la DCRI) pour organiser diverses opérations et en particulier des tests d’intrusion.

Une tranche de vie qui se trouve résumée dans une décision de relaxe prise par la 13ème Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris, le 2 novembre 2000, pour une visite à l’intérieur d’un serveur du groupe pétrolier Exxon, réalisée à la demande des services français. Et donc pardonnée. Il était alors âgé de 33 ans.

Depuis, établi entre la Thaïlande et Hong Kong, Emmanuel Gadaix participe comme consultant à d’importants chantiers en sécurité des systèmes, loin des institutions. En marge de ses projets avec Kim Schmitz, il collabore à des travaux de recherche avec la société française P1 Security, dirigée par Philippe Langlois, l’un des papes en sécurité des systèmes d’information – le 8 octobre dernier, ce dernier présentait quelques résultats pointus en compagnie de Gadaix, lors de la dernière Hack in the box Conference de Kuala Lumpur.

Abusive

Grâce à Gadaix, sur le nouveau Mega, les administrateurs du site ne pourront pas déchiffrer les données et les opérations des personnes qui utilisent leurs services – contrairement aux responsables de Google ou de Dropbox. Avec un gros objectif à court terme : concurrencer iTunes, ni plus ni moins, grâce à une base juridique et technique sans équivalent.

Les serveurs seront dans de multiples juridictions y compris en Europe. Comme toutes les données stockées sur le serveur ne pourront être décryptées, nous pourrions même en héberger aux Etats-Unis. Nous ne le ferons pas, à titre de sanction économique tout d’abord, mais aussi par respect pour nos millions d’utilisateurs dont les données sont toujours otages du gouvernement américain.

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Car l’homme, ainsi qu’une partie de l’entourage de Kim Schmitz, considère que l’opération judiciaire du FBI de l’hiver dernier a servi de manière abusive les majors de la musique et du cinéma. Intervenue le 19 janvier, elle précédait de deux jours le lancement de Megabox, prévu le 21 janvier.

À ce moment-là, dans un entretien accordé par Emmanuel Gadaix au site CitizenKane.fr, Megabox était présenté comme un futur iTunes sans intermédiaire, permettant aux artistes d’être directement rémunérés par leur public.

Coïncidences

Le 26 septembre dernier, Kim Schmitz s’en amusait sur sa chaîne YouTube, en diffusant une bande-annonce de Megabox qui semble avoir été produite pour le lancement initialement prévu le 21 janvier, avant d’être annulé.

Gadaix sourit. Dit qu’il ne croit pas aux coïncidences. Peu de temps avant l’arrestation de ses partenaires, il s’était rendu le 11 janvier à une invitation du Sénat français pour discuter droits d’auteur et libertés numériques – les internautes français, à eux seuls, apportaient 12% du chiffre d’affaires global de MegaUpload.

À cette occasion, il avait – nous assure-t-il – pris des premiers contacts avec les responsables d’Hadopi, en coulisses, pour préparer des négociations futures, envisagées début février. Du côté de l’Hadopi, a priori personne ne semble s’en souvenir.

Selon Emmanuel Gadaix, “pour Mega, l’objet de la discussion était de trouver des moyens de travailler ensemble pour réduire la piraterie sur le Net et pour étudier des méthodes de rémunération des auteurs grâce aux nouveaux services de Mega”, avec notamment la possibilité de domicilier en France une partie des revenus dans l’attente de définir la meilleure clé de répartition.

Pas sûr que la renaissance de MegaUpload ne ressuscite les mêmes intentions.


Illustration et couverture par Cédric Audinot pour Owni /-)

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Washington chinoise sur le cyberespace http://owni.fr/2012/10/11/huawei-zte-nsa-cisco-intelligence-renseignement-espionnage-chine/ http://owni.fr/2012/10/11/huawei-zte-nsa-cisco-intelligence-renseignement-espionnage-chine/#comments Thu, 11 Oct 2012 06:48:05 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=122146 fair play.]]> Festival of lights, Photo CC by Rene Mensen

Festival of lights, Photo CC by Rene Mensen

En début de semaine, le Congrès américain frappait d’ostracisme les filiales américaines des groupes chinois Huawei et ZTE, en convoquant une conférence de presse pour inviter l’industrie américaine à ne plus travailler avec ces entreprises spécialisées dans les infrastructures de télécommunications. Huawei et ZTE équipent des data centers, des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou vendent des composants de la téléphonie mobile. Des technologies considérées comme autant de menaces potentielles par le Congrès.

À l’appui de cette attaque en règle, un rapport émanant de la Commission du renseignement de la Chambre des représentants. Dont les membres, depuis plusieurs mois, ne cachent pas tout le mal qu’ils pensent de la présence – encore modeste – de Huawei et ZTE sur le marché américain.

La version finale de leur document de 60 pages – que nous avons lu, ici en PDF – multiplie les affirmations quant à l’opacité de ces deux géants chinois des télécoms et du numérique, à la fois fabricants et prestataires de service. Sans toutefois apporter de preuves matérielles convaincantes.

Une absence regrettable dans la mesure où ces attaques contre Huawei et ZTE interviennent sur fonds de tensions économiques sur le marché des télécoms américains, en raison de la concurrence que ces groupes représentent. Peu après la conférence de presse du Congrès, la direction de Huawei a d’ailleurs répondu en laissant entendre qu’il s’agirait d’un mauvais procès motivé par la course vers de juteuses parts de marché.

Opérations militaires

Sur un plan matériel, le document s’appuie le plus souvent sur des informations déjà publiées dans la presse, même si une note de bas de page mentionne l’existence d’annexes classifiées, portant sur le travail des services américains de renseignement quant à la réalité de ce risque.

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Le rapport a été rédigé par deux élus suivant régulièrement “la communauté du renseignement” et ses enjeux, Dutch Ruppersberger et Mike Rogers.

Alors que ce dernier a fait une partie de sa carrière au FBI, Ruppersberger, pour sa part, passe pour un parlementaire très attentif aux questions de souveraineté nationale. Au Congrès, depuis plusieurs législatures, il représente le second district du Maryland, la circonscription où campe la National Security Agency (NSA), à Fort Meade, ainsi que la plupart des commandements américains impliqués dans les opérations militaires sur les réseaux numériques. En particulier le US Cyber Command. Dans ce second district du Maryland on compte ainsi près de 38 000 personnes travaillant pour l’appareil sécuritaire du gouvernement.

Et plusieurs dizaines de milliers d’autres employées dans des sociétés privées sous-traitantes. Tout un monde qui vit – à tort ou à raison – sur la base d’une économie du soupçon ciblant les acteurs chinois dans des technologies de l’information.

365 Day 256, Photo CC by Collin Harvey

365 Day 256, Photo CC by Collin Harvey

À défaut de preuves irréfutables à l’encontre de ces entreprises chinoises, la démarche des parlementaires américains peut paraître un rien étonnante. En effet, le géant américain Cisco semble entretenir les mêmes ambiguïtés que celles reprochées à Huawei et ZTE – contrats avec les militaires de leur pays d’origine et partenariats avec des agences de renseignement.

Espionnage

Avec des conséquences tout aussi préoccupantes pour le citoyen. Depuis le début des années 2000, à travers le monde, Internet se développe grâce à des routeurs fournis par Cisco ou par les cinq autres sociétés américaines ou franco-américaine (Alcatel-Lucent) qui maîtrisent ces technologies et travaillent parallèlement avec le complexe militaire de leur pays – jusqu’à l’arrivée d’Huawei qui les concurrence.

À ce titre, pour les observateurs américains, les accointances entre Cisco et la NSA sont légions. Selon l’enquêteur James Bamford, auteur de plusieurs livres qui font autorité sur la NSA et les technologies d’espionnage, cette proximité relève de l’essence même de la NSA, au regard de ses missions de surveillance globale des réseaux. Lors d’un entretien avec des journalistes de la chaîne PBS Bamford affirmait :

L’une des choses que la NSA fait c’est de recruter beaucoup de gens venant de l’industrie des télécoms, donc de gens qui connaissent comment Internet fonctionne, qui savent comment certains systèmes à l’intérieur d’Internet sont construits. Par exemple, ils pourraient recruter des gens de Cisco qui construisent divers routeurs, et les intégrer dans la NSA pour ensuite déconstruire le fonctionnement des routeurs.

Les routeurs de la discorde

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Les enjeux financiers provoqués par le gonflement des budgets militaires après le 2001 ont accentué cette dynamique. De nos jours, le groupe Cisco, via un département spécialisé – dénommé Federal Intel Area -, propose des services de surveillance et de traitement du renseignement sur-mesure à l’ensemble des services secrets américains ; comme le montre cette brochure commerciale [pdf]. Une relation qui semble parfaitement assumée ; nous avons retrouvé sur LinkedIn le CV détaillé de l’un des responsables de ce programme actuellement en poste chez Cisco.

Finalement, ces relations entre entrepreneurs du numérique et appareil sécuritaire s’inscrivent dans la tendance naturelle de tous les États à contrôler et surveiller tous les réseaux de communication – depuis le télégraphe jusqu’à Internet. Le 14 août dernier près de Baltimore, lors d’une conférence réunissant des agences du département américain de la Défense impliquées dans le renseignement électronique, Keith Alexander, patron de la NSA, a rappelé cette évidence lors d’une intervention de près de 40 minutes consacrée aux opérations de la NSA dans le cyberespace.

S’exprimant sur quelques détails des missions de son agence sur le numérique, il a évoqué les 18 câbles sous-marins reliant les États-Unis au continent européen et permettant aux connexions Internet de traverser l’Atlantique grâce à de multiples relais technologiques… Et les partenariats avec des pays comme la Grande-Bretagne ou la France permettant de surveiller l’ensemble.

Ces acteurs technologiques étant les clients des appareils sécuritaires de leur pays d’origine, il est difficile des les imaginer ne bâtissant pas ces ponts qui facilitent leur tâche – au nom de l’idée qu’ils se font de leur propre sécurité nationale, et des intérêts qu’ils partagent.


Festival of lights, Photo CC by Rene Mensen | 365 Day 256, Photo CC by Collin Harvey.

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La terreur dans le miroir http://owni.fr/2012/10/05/la-terreur-dans-le-miroir-antiterrorisme-manuel-valls/ http://owni.fr/2012/10/05/la-terreur-dans-le-miroir-antiterrorisme-manuel-valls/#comments Fri, 05 Oct 2012 12:53:36 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=121593

En France, l’agenda de plusieurs années d’antiterrorisme triomphant devrait suffire à convaincre les responsables politiques de sa perversion, pour peu qu’il soit feuilleté.

Mais ce devoir d’inventaire-là n’est pas convoqué. La force des habitudes sûrement. Et donc depuis mercredi Paris annonce plein de confiance un renforcement de son “dispositif antiterroriste” – déjà le plus draconien d’Europe – par l’entremise du projet de loi proposé par le ministre de l’Intérieur Manuel Valls.

Depuis les lois de 1986 qui ont institué une justice d’exception pour sanctionner les crimes terroristes, jusqu’aux cinq dernières années au cours desquelles l’État a encouragé le développement d’une police secrète – la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) – dotée de prérogatives et de moyens comme la France n’en avait pas accordé depuis 1945 à un service de sécurité intérieure, avec une belle régularité, le droit commun et des principes républicains ont été sommés de se tordre pour rendre l’antiterrorisme plus efficace.

Corses

Les rapports de la DCRI sur Anonymous

Les rapports de la DCRI sur Anonymous

Depuis un an, la DCRI enquête sur un collectif d'Anonymous dans le cadre d'une procédure ouverte au Tribunal de grande ...

Avec quels résultats. L’honnête citoyen a pu s’alarmer de cette calamiteuse procédure contre les militants d’extrême-gauche de Tarnac, un peu vandales – à la manière de ces syndicalistes abimant des voies ferrées pour marquer leur mécontentement – mais placés sous le coup des lois antiterroristes. Mêmes sentiments avec les procédures, plus récentes, contre des Anonymous. Sentiment qu’une justice d’exception dévisse.

Le même citoyen s’est montré incrédule, à raison, en découvrant ces missions hautement stratégiques menées par la DCRI consistant à identifier les sources des journalistes du Monde ou du Canard Enchaîné qui travaillaient sur des sujets agaçants aux yeux de l’Élysée.

Ou encore ces investigations financières révélant l’implication personnelle de Bernard Squarcini, patron de la DCRI, dans le fonctionnement du Wagram, un cercle de jeu parisien contrôlé par des criminels corses et connu pour sa capacité à dégager d’épaisses enveloppes de cash.

Quant au scandale Merah, il montre, au fil des semaines, l’ampleur des duplicités que s’autorise une telle police secrète qui sans craindre la confusion recrute ça et là, manipule tantôt autant qu’elle surveille parfois des personnalités susceptibles de verser dans la criminalité terroriste. Et avec une inquiétante régularité.

En décembre 2008 déjà, l’affaire Kamel Bouchentouf avait montré comment les agents de ce service secret incitaient des jeunes arabisants des cités à fréquenter des jihadistes, avant de les lâcher pour mieux ficeler par la suite des dossiers judiciaires les incriminant.

Cosmétique

Ce sombre tableau se voit parfois opposer un discours sur la notion de pertes et profits. Oublieux de la sentence de Benjamin Franklin – “Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre” – il tente de nous convaincre que l’efficacité de notre machinerie sécuritaire contre les “vrais” terroristes (supposant qu’il en existe des “faux”) compense les graves dérives des dernières années.

Réponses clés en main pour la DCRI

Réponses clés en main pour la DCRI

L'instruction du dossier antiterroriste du physicien Adlène Hicheur n'a pas été clôturée mardi. Nouvelle pièce au ...

Mais même là, il est permis de douter. Le procès le 5 mai dernier du physicien Adlène Hicheur, présenté comme un gros poisson par les cadors de la DCRI, a pointé de nombreux dysfonctionnements et une instruction judiciaire très orientée.

Avec un bilan aussi dramatique, une réflexion distancée sur l’ensemble du dispositif antiterroriste paraissait s’imposer après l’alternance de la présidentielle. En lieu et place, nous devrons donc nous satisfaire d’un nouveau texte supposé permettre d’interpeller de dangereux ressortissants français qui s’illustreraient à l’étranger mais pas encore sur le sol national.

Cette loi permettra d’incriminer un garçon – comme Mohamed Merah – parti s’entraîner dans un camp en Afghanistan ou au Mali. Opération de cosmétique bon marché pour rassurer l’opinion. Puisque plusieurs procédures pénales ouvertes en France ont déjà permis de mettre en examen des individus au motif qu’ils avaient séjourné en Irak, près de la frontière syrienne ou en Afghanistan en compagnie de jihadistes notoires, grâce aux multiples possibilités offertes par notre justice d’exception. Ils s’appellent Rany Arnaud ou Peter Cherif.

Rany Arnaud a été mis en examen et incarcéré en France le 20 décembre 2008 sur la base de ses drôles de périples en Syrie et de ses messages favorables à la guerre sainte postés depuis l’étranger sur un site dit islamiste dont les serveurs sont également situés à l’étranger. Même Moez Garsallaoui, régulièrement présenté comme un responsable d’Al Qaïda évoluant entre le Pakistan et l’Afghanistan, pourrait être appréhendé sur la base des condamnations prises par des tribunaux en Belgique et en Suisse.

Le sociologue Dominique Linhardt, auteur de plusieurs travaux sur la violence politique et sur les épreuves qui marquent la vie des États, appartient à cette génération de chercheurs en sciences sociales qui se sont penchés sérieusement sur l’antiterrorisme, en tant qu’objet social.

Économie

Avec d’autres, depuis plus de dix ans, il étudie l’économie du soupçon, propre à la lutte antiterroriste. Par essence, dans un champ juridique qui accepte la justice d’exception, celle-ci suppose de sans cesse installer dans l’espace social des capteurs permettant de discriminer les honnêtes gens des terroristes, ceux-ci ayant pour caractéristique principale de se dissimuler au milieu des paisibles citoyens et d’évoluer parmi eux.

26 ans de lois antiterroristes

26 ans de lois antiterroristes

Description en une infographie interactive de la mécanique antiterroriste française, mise en place en 1986 au lendemain ...

D’où la propension d’une telle démarche à multiplier les dispositifs de surveillance destinés à mettre au jour des menaces, coûte que coûte, puisque l’absence de menace identifiée, signifie que les terroristes sont partout.

Les dernières recherches de Linhardt portent notamment sur la manière dont les structures de l’État allemand ont réagi aux crimes de terrorisme perpétrés entre 1964 et 1982 (voir ici le pdf du compte-rendu de ses travaux). Le recul conféré par le temps et l’accès à des archives facilité par la fin de ces affaires permettent aujourd’hui, à travers le cas allemand, d’approfondir les réflexions sur ces enjeux. C’est-à-dire de réfléchir au-delà de l’émotion que suscite le terrorisme, telle que la provoquent, sciemment, les organisations criminelles ayant recours à ces tactiques terroristes.

Selon Linhardt, de manière évidente, la menace qu’exerce le terrorisme contre l’État “réside moins dans l’horizon d’une possible destruction [de l'État] que dans celui du sapement de sa légitimité”.

Le terrorisme ne devient une arme de guerre que si l’État et ses dirigeants le placent devant un miroir déformant, jusqu’à en transformer leur propre perception du réel, jusqu’à laisser se développer un sentiment de menace constant de nature à justifier autre chose qu’une société démocratique surveillée a minima. Le courage, c’est avancer quand on a peur.


Photo de Manuel Valls via la galerie flickr de fondapol [CC-BY-SA] remixée par Ophelia Noor pour Owni.

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La Justice condamne sa base de données http://owni.fr/2012/10/01/la-justice-condamne-sa-base-de-donnees/ http://owni.fr/2012/10/01/la-justice-condamne-sa-base-de-donnees/#comments Mon, 01 Oct 2012 13:48:11 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=121042 Owni sur l'existence d'une base de données autorisant les interventions politiques dans les dossiers judiciaires, le ministère s'engage à modifier l'arrêté qui avait créé cette vilaine machine.]]>

La garde des Sceaux Christiane Taubira n’aura pas longtemps hésité quant aux suites à donner à l’arrêté du 11 avril 2012 – publié au Journal Officiel du 8 mai 2012, deux jours après la présidentielle – officialisant une base de données permettant de gérer les interventions du cabinet ministériel dans les dossiers d’instruction. Ce texte sera modifié, nous assure le ministère.

La Justice ne se signalera plus

La Justice ne se signalera plus

La ministre de la Justice veut en finir avec les "affaires signalées", donc avec les interventions politiques dans les ...

Installée sur les ordinateurs de la Direction des affaires criminelles et des grâces, au sein du ministère de la Justice, cette base de données permet aux membres du cabinet d’intervenir dans des enquêtes judiciaires sur la base de critères individuels – donc à partir du nom des victimes ou des personnes mises en cause, qu’il s’agisse d’adversaires ou d’alliés politiques – comme notre article du 21 septembre dernier (“La Justice ne se signalera plus”) le montrait.

Cette base de données, répondant à l’appellation très rassurante de Bureau d’ordre de l’action publique et des victimes, contredit de manière manifeste la circulaire de Christiane Taubira qui fixe un objectif de neutralité et d’impartialité. Un paradoxe qui n’échappe pas à son cabinet. Pierre Rancé, porte-parole de la Garde des Sceaux nous a confié :

Le ministère estime qu’il faut modifier cet arrêté consacré à cette base de données, et revoir précisément la nature des informations qui y sont stockées, car en l’état cet arrêté, signé quelques semaines avant les échéances électorales, contredit la circulaire ministérielle du 19 septembre notamment sur la question des instructions individuelles.

L’arrêté rendu public le 8 mai 2012, signé par l’ancien ministre Michel Mercier, conférait une légitimité réglementaire à un système qui existait depuis 1994 – et dont les fonctionnalités ont réjoui la plupart de ses prédécesseurs. Dans le jargon du ministère, les magistrats l’appellent la “Base des données des affaires signalées”.

D’un point de vue très théorique, les “affaires signalées” représentent des délits, des crimes ou plus généralement des procédures, dont les caractéristiques soulèvent des problèmes de droit ou mettent en évidence la nécessité de modifier la politique pénale.

À titre d’exemple, des sources proches de magistrats évoquent la récente tuerie de Chevaline, devenue une “affaire signalée” en raison des difficultés particulières de l’enquête.

Le mois dernier, 18 notes de synthèse et rapports divers ont été échangés avec les procureurs intervenant sur ce dossier, afin de contourner ces difficultés et d’en tenir compte pour qu’elles ne se présentent pas à l’avenir, dans d’autres affaires du même type.

Cependant, telle que la base de données fonctionne actuellement, elle permet aussi de lancer des requêtes sur des noms de personnes ou de sociétés citées dans les dizaines de procédures signalées chaque année. Afin notamment d’influencer des procureurs généraux pour que le glaive de la justice s’alourdisse ou s’allège, selon les individus. Une pratique condamnée à plusieurs reprises par le Syndicat de la magistrature.

Dans sa circulaire qui fixe le cadre de sa politique pour les prochains mois, la ministre de la Justice entend rompre avec de telles habitudes, comme elle l’écrit :

Afin de mettre fin à toute suspicion d’intervention inappropriée du ministre de la Justice ou d’un autre membre de l’exécutif dans l’exercice de l’action publique, je n’ai pas adressé d’instructions individuelles aux magistrats du parquet depuis ma prise de fonction (…) Il appartient en effet au garde des Sceaux, ministre de la Justice, de définir la politique pénale au travers d’instructions générales et impersonnelles et aux magistrats du parquet d’exercer l’action publique. L’impartialité du parquet lui sera rendue par cette politique.

Intention louable. Qui pourrait connaître un heureux développement avec la modification de l’arrêté du 11 avril, et, surtout, avec une plus grande indépendance (d’esprit) des procureurs à l’égard des fonctionnaires de la Direction des affaires criminelles et des grâces.

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La Justice ne se signalera plus http://owni.fr/2012/09/21/affaires-signalees-direction-affaires-criminelles-graces-procureurs-justice/ http://owni.fr/2012/09/21/affaires-signalees-direction-affaires-criminelles-graces-procureurs-justice/#comments Fri, 21 Sep 2012 13:44:40 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=120460

C’est peut-être une révolution de palais. La Circulaire ministérielle du 19 septembre adressée à tous les procureurs généraux de France proclame la fin des instructions individuelles. Une manière élégante pour la ministre de la Justice d’indiquer qu’elle ne favorisera plus la pratique des “affaires signalées”.

Dans le jargon de la justice, cette expression – “affaires signalées” – désigne les dossiers trop sensibles aux yeux du pouvoir exécutif pour qu’il ne transmette pas de discrètes requêtes et d’amicales suggestions aux magistrats chargés de les suivre. Les fameuses instructions individuelles.

Intrinsèquement, la gestion de ces “affaires signalées” viole – au moins dans les principes – la sacro-sainte séparation des pouvoirs, supposée garantir l’impartialité de la Justice. Tandis qu’elle conditionne de facto la carrière des procureurs, nommés par le pouvoir politique. Ce dernier appréciant, c’est humain, les agents serviles. La ministre de la Justice Christiane Taubira, désireuse, semble-t-il, d’en finir avec ces pratiques un peu déshonorantes pour la République, a décidé de limiter les prérogatives de son propre cabinet. Désormais, selon sa circulaire :

Le garde des Sceaux (…) définit la politique publique du ministère, au premier rang de laquelle se trouve la politique pénale. Il fixe des orientations générales et impersonnelles. Les instructions ne porteront donc plus sur un dossier individuel, de manière à rompre avec les pratiques antérieures sur ce point.(…) Absence d’instructions individuelles : la clarté de cette politique implique qu’elle soit sans exception.

En termes pratiques, il s’agit d’enquêtes judiciaires en cours que le pouvoir politique s’autorise à connaître par l’entremise de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, au motif que les personnes citées dans ces enquêtes, de part leurs responsabilités, leurs amis ou leur trajectoire, justifierait un traitement dérogatoire.

Dans de tels cas, les procureurs généraux – à la tête de l’administration de la Justice dans chaque circonscription – s’informent des développements de l’enquête et l’orientent selon les vœux du cabinet du ministre, à travers les fameuses instructions individuelles que transmet la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG).

Longtemps tabou, l’institutionnalisation des interventions politiques par le biais des “affaires signalées” a commencé à préoccuper les milieux judiciaires en novembre 2010. Lorsque la revue J’essaime, éditée par le Syndicat de la magistrature, a publié un témoignage éloquent d’un membre de la DACG, décrivant comment sur tel ou tel dossier les procureurs s’arrangeaient pour plaire au pouvoir en place.

Au fil de cet entretien, où l’identité du magistrat a été protégée, se révèlent quantité de petits arrangements qui ponctuent d’ordinaire leurs réunions. On y apprend comment les membres du cabinet ministériel, les procureurs et les fonctionnaires de la DACG s’échangent – certes dans de rares occasions – des messages et des bons conseils pour épargner un justiciable ou en accabler un autre :

Parfois on nous demande de faire une fiche sur une personne dans une affaire. Là on comprend bien que c’est un usage privé, soit que la personne est reçue par le garde des Sceaux, soit qu’il y a une demande d’intervention le concernant (…) Souvent la DACG est informée de faits très sensibles. Un jour, un parquet général nous apprend qu’une perquisition allait avoir lieu chez un homme politique du même bord que le garde des Sceaux. Le chef de bureau courageux avait pris soin de n’en informer le cabinet qu’une fois que la perquisition avait commencé. Le procureur général ne s’était pas posé de questions, il avait informé la Chancellerie dès qu’il l’avait su.

Un coup de tonnerre. D’autant que la parution de ce témoignage choc précédait de trois semaines un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme condamnant la France pour le manque d’indépendance de ses parquets.

Le 23 novembre 2010 en effet, la Cour de Strasbourg examinait une affaire criminelle instruite à Toulouse et confirmait qu’un procureur français ne pouvait se prévaloir d’être indépendant dans l’exercice de ses fonctions. À l’époque, ces deux épisodes avait achevé de convaincre les professionnels de la justice des effets pervers de la suppression du juge d’instruction, alors proposée par la ministre Michèle Alliot-Marie.

Un peu plus tôt, le juge Renaud Van-Ruymbeke, au détour d’une discussion avec les lecteurs du site lemonde.fr portant notamment sur l’existence de pressions à l’encontre des fonctionnaires de la Justice, avait illustré ces réalités :

À titre personnel, je n’en ai jamais subi [de pressions]. Par contre, au niveau du parquet, elles sont possibles. Dans les affaires sensibles, dites “signalées”, le parquet doit rendre compte. Je rappelle que les juges d’instruction ne peuvent instruire des dossiers que lorsqu’ils en sont saisis, et les affaires politico-financières qui se sont développées dans les années 1990 ont montré que les parquets étaient réticents à confier des dossiers au juge d’instruction et à étendre en cours de route leur saisine. Ces mécanismes ont montré des risques d’étouffement en amont des affaires signalées.

La circulaire de Christiane Taubira, annonçant la fin des instructions individuelles, marque une rupture évidente avec les pratiques passées. Cependant, pour être crédible, ses services devront tirer toutes les conséquences de cette orientation. En particulier en fixant le sort de la base de données des “affaires signalées” récemment mis à jour dans les serveurs du ministère de la Justice.

C’est une délibération de la Cnil du 16 février 2012 qui a révélé son existence. Susceptible d’enregistrer des données individuelles depuis février 1994, “ce traitement a pour objet l’enregistrement et la conservation des informations relatives aux affaires signalées à la direction [la DACG] par les procureurs généraux, et contribue à la définition de l’action publique du ministère de la justice” affirme la Cnil. Un système contre-nature dans un ministère soucieux d’en finir avec les instructions individuelles.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photo originale par Pulpolux [CC-bync]

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L’argent caché d’Ennahdha http://owni.fr/2012/09/10/l-argent-cache-d-ennahdha-tunisie/ http://owni.fr/2012/09/10/l-argent-cache-d-ennahdha-tunisie/#comments Mon, 10 Sep 2012 15:26:29 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=119760

Le rapport de la Cour des comptes tunisienne sur les élections à l’Assemblée constituante renforce les soupçons quant à l’existence de financements occultes au profit du parti Ennahdha, sorti vainqueur de ce scrutin. Sur les 217 sièges à pourvoir, le mouvement islamiste en avait remporté 89 il y a près d’un an, le 24 octobre 2011.

Or, dans ce document de 168 pages, diffusé le 8 août dernier en langue arabe, les magistrats tunisiens livrent une analyse très critique des opérations financières qui ont pu mener à cette victoire.

Durant plusieurs mois, ils ont passé au crible les bilans comptables – quand ils les ont reçu – des 1 624 listes de candidats qui se sont présentées à travers tout le pays. D’abord dans le but de vérifier l’utilisation des 8,3 millions de dinars tunisiens (environ 4 millions d’euros) de financement public débloqués pour les différents partis, pour un pays comptant 7 millions d’électeurs.

Selon les éléments transmis par Ennahdha à la Cour, le parti aurait dépensé 400 000 dinars tunisiens (DT) pour ces élections, dont 171 000 DT au titre du financement public. Un montant qui ne semble pas convaincre plusieurs membres de la Cour, au regard du coût moyen de fonctionnement d’une liste. Tandis que 69 000 DT engagés par Ennahdha dans ces élections ont été justifiés par des factures non conformes.

En outre, onze listes Ennahdha en lice dans la trentaine de circonscriptions n’ont pas enregistré de dépenses liées à plusieurs manifestations publiques qui ont bel et bien été tenues. De même, huit listes Ennahdha ne présentent aucune dépense de transports, et dix-sept listes Ennahdha ne font figurer aucune dépense au titre de la communication électorale – laissant donc supposer que ces frais étaient supportés par d’autres structures.

Dans la même veine, la Cour note que les opérations au débit du compte bancaire d’Ennahdha ne comprenaient pas toutes les dépenses réalisées par le parti durant cette campagne. Autant de lacunes et d’incertitudes qui relancent les soupçons d’un financement en provenance d’hommes d’affaires et d’organisations islamistes basées dans le Golfe.

Au mois d’avril dernier, des Anonymous avaient révélé des milliers de mails des dirigeants d’Ennahdha, dont certains mettaient en évidence de curieuses discussions financières. À l’image de Kamel Ben Amara, élu d’Ennahdha, ancien membre de la Commission à l’énergie, qui semble disposer d’un compte ouvert dans une banque islamique du Qatar. Sur ces sujets cependant, les enquêteurs de la Cour se sont heurtés aux reliquats du système Ben Ali, qui ne fut pas vraiment conçu pour faciliter la transparence dans les choses de l’argent. Ils remarquent ainsi :

Les investigations sur le financement en provenance de l’étranger se caractérisaient par la longueur des procédures et la difficulté de suivre ces opérations puisque la douane se réfère au numéro de passeport pour suivre le bénéficiaire d’un mouvement financier en provenance de l’étranger, mais les banques utilisent le numéro de la carte d’identité nationale pour l’ouverture des comptes, empêchant ainsi un suivi automatique de telles opérations.
(Page 34)

Les Anonymous dévoilent Ennahdha

Les Anonymous dévoilent Ennahdha

En deux semaines, des Anonymous, avec lesquels OWNI s'est entretenu, ont installé sur des serveurs plus de 3 000 ...

L’hypothèse de financements étrangers venus remplir les caisses d’Ennahdha sort renforcée après cet examen par la Cour des comptes. Dans ce contexte, le 15 août dernier, l’Association tunisienne pour la transparence financière publiait un communiqué accusateur. Faisant en particulier référence à deux importants contrats confiés à des intérêts qataris ; l’exploitation de l’usine de phosphate de Sra-Ouertane, et la concession du marché de la raffinerie Skhira – confiée à Qatar Petroleum.

Ennahdha a répondu à ces diverses accusations lors de son dernier congrès. En promettant que ses ressources financières sont d’origine nationale. De manière plus détaillée, le parti a annoncé que durant la période de mars 2011 à juillet 2012, la totalité de ses ressources s’est élevée à 3,4 millions DT, pour 3,3 millions DT de dépenses.

Les autres formations politiques tunisiennes, dans leur apprentissage de la transparence, ne sont pas exemptes de reproches. Ainsi, Takatol, le parti du président de l’Assemblée constituante Mustapha Ben Jaâfar a effectué des versements en liquide de 21 000 DT ce qui est interdit par la loi. Takatol a aussi dépensé 55 000 DT sous forme de dons et de cadeaux soit 11% de la totalité de ses dépenses alors que la loi n’autorise que 5% (page 50 du rapport).

Dans la phase de transition démocratique qu’il a connu, le législateur n’a pas encore fixé de sanctions en cas de fraude ou d’irrégularité dans le financement d’une campagne électorale. En cas d’absence de dossier comptable, la sanction maximale pour un parti présent dans toutes les circonscriptions n’est que 5 000 DT.


Photo d’un graff de Banksy par ESSG (CC-byncsa) remixé par Ophelia Noor pour Owni ~~~~=:)

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Le tueur en série, la DGSE et les Talibans http://owni.fr/2012/09/05/le-tueur-en-serie-la-dgse-et-les-talibans/ http://owni.fr/2012/09/05/le-tueur-en-serie-la-dgse-et-les-talibans/#comments Wed, 05 Sep 2012 17:19:13 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=119337

Charles Sobhraj, alias “Le Serpent” : vedette des séries estivales consacrées aux grands criminels. Officiellement, c’est un tueur en série de nationalité française et d’origine vietnamienne ayant sévi en Inde dans les années 80.

Et enfermé depuis 2003 dans une prison du Népal, pays où de fins limiers l’ont interpellé pour un énième assassinat dont les détails nous échappent à la lecture de son parcours, tel que le décrit L’Express, au mois d’août, ou comme le raconte France Info dans son feuilleton Histoires criminelles. Les jugements et les preuves en relation avec son incarcération à Katmandou manquent dans les différentes sagas. Mais qu’importe sa culpabilité véritable.

Bollywood

L’homme est déjà entré dans cet étrange Panthéon réservé aux pires salopards qui incarnent le mieux les côtés sombres de notre petit monde. Au printemps dernier, des producteurs de Bollywood en Inde ont annoncé le lancement d’une superproduction retraçant les méfaits et surtout les évasions de Charles Sobhraj à travers le sous-continent, en particulier celle de la prison de Tihar, en 1986 – demeurée célèbre dans les annales de la police locale. La vedette du cinéma indien Saif Ali Khan tiendra le rôle du criminel présumé.

La trajectoire de Charles Gurmurkh Sobhraj, né le 6 avril 1944 à Saigon – alors colonie française – emprunte des chemins pourtant bien plus étranges, plus complexes aussi, que ceux montrés par ces scénaristes ou dans les multiples récits livrés par la chronique criminelle. Ainsi, comme nous pouvons le détailler, divers documents des services secrets français, méconnus jusqu’à présent, lui sont consacrés. Non pas en raison de ses escroqueries ou de ses meurtres présumés.

L’intérêt qu’il suscite se situe à un niveau plus stratégique. Il s’explique par le rôle que lui prêtent les agents de la DGSE dans des transactions illicites de matériels d’armement financées au début des années 2000 par deux importants narcotrafiquants afghans. Là, dans ces pages couvertes par le secret défense, le portrait du tueur en série un peu maniaque disparaît au profit de celui d’intermédiaire en relation avec des personnalités des services secrets pakistanais de l’Inter Services Intelligence (ISI).

Un homme qui se balade à travers l’Asie centrale en se prévalant lors de certaines rencontres, semble-t-il, d’une relation de confiance avec des dignitaires Talibans. Et qui fréquente quelques professionnels du cinéma français lui permettant d’utiliser des cartes de visites et des noms de société inspirant confiance. Une toute autre histoire. Une note de la DGSE que nous publions plus bas affirme ainsi :

Au cours du printemps 2001, Charles Sobhraj a repris contact avec le courtier non autorisé en armement Philippe Seghetti afin de se procurer des mini-réacteurs de type R-36 TRDD-50 de conception russe. Cette demande lui aurait été adressée par deux intermédiaires pakistanais de l’Inter Service Intelligence (ISI). Par ailleurs, Charles Sobhraj, souhaitant se procurer de la drogue en paiement des équipements livrés, le financement de cette transaction pourrait être assuré par des ressortissants afghans agissant dans le domaine des narcotiques, MM. Hâdji Abdul Bari et Hâdji Bachar.
Charles Sobhraj, qui a probablement été évincé de cette transaction, continue de soutenir les Talibans. En effet, ces derniers l’ont invité à se rendre dans la région de Peshawar (Pakistan) pour effectuer des transactions. Le laissez-passer devra être rédigé au nom de la société française Victor Productions, derrière laquelle M. Sobhraj abrite ses intérêts commerciaux.

Sobhraj DGSE

Nous avons retrouvé la trace de Victor Productions, à Londres, au 18 Wigmore Street. La société ne paraît plus active mais elle a été enregistrée par un producteur français, François Enginger. Celui-ci apparaît notamment au générique de la saison 2 d’Engrenages, la série vedette de Canal Plus, cuvée 2008. Nous avons contacté la société Son & Lumière, une quasi institution dans les milieux du cinéma français, qui a produit les différentes saisons d’Engrenages. Nos interlocuteurs nous ont répondu qu’ils ne connaissaient pas François Enginger et qu’ils ne voulaient pas nous parler.

Pas plus de chance avec Philippe Seghetti, nous n’avons obtenu aucune réponse aux sollicitations envoyées pour entrer en contact avec lui. Et aucun élément matériel ne nous permet de corroborer les soupçons que nourrissent les services secrets à son encontre. Selon nos informations, cet homme d’affaires est intervenu à plusieurs reprises sur les marchés de la sécurité en Afrique, notamment en République démocratique du Congo.

Armement

La Lettre du Continent, spécialisée sur les réseaux de la Françafrique, mentionne l’existence d’un partenariat entre Philippe Seghetti et une structure appartenant aujourd’hui à la Sofema, une entreprise spécialisée dans l’accompagnement des contrats d’armement pour le compte des industriels français de la défense.

Les mini-réacteurs de type TRDD-50 qui intéressent la DGSE dans sa note sont produits à une échelle importante en Russie, en particulier dans les ateliers de la société OJSC, basée à Omsk et spécialisée dans la fabrication de moteurs et de systèmes de propulsion pour l’aéronautique. Entre les mains de professionnels de l’armement, ces minis-réacteurs peuvent servir au développement de missiles de croisière – à l’image du missile chinois HN-2 – ou servir à construire des drones artisanaux.

La note de la DGSE, rédigée début 2002, quelques mois avant l’arrestation de Charles Sobhraj au Népal, précise que ses commanditaires pakistanais ont pris contact avec la société géorgienne Indo-Georgia International, également en mesure de produire les fameux mini-réacteurs TRDD-50.

À la même époque, cette entreprise apparaît impliquée dans d’importantes livraisons d’armes de guerre aux indépendantistes en Tchéchénie ; que soutenaient l’Arabie Saoudite, le Pakistan et les réseaux Talibans. Une constante, de nos jours encore, les séparatistes ouzbeks et tchétchènes s’entraînent et combattent en Afghanistan.

Dans ce contexte, le 13 septembre 2003, tandis qu’il était domicilié en France en toute légalité (malgré un passé judiciaire chargé), Charles Sobhraj effectue un voyage au Népal pour affaires. Avec un visa en bonne et due forme délivré par le consulat du Népal à Paris. Il n’en repartira jamais. Ce jour-là, il est interpellé par la police de Katmandou dans le cadre d’un contrôle d’identité. Et après une vingtaine de jours de détention, de manière plutôt surprenante, il est inculpé pour un assassinat crapuleux commis au mois de décembre 1975.

L’accusation repose principalement sur les photocopies de deux cartes d’enregistrement dans un hôtel réservé aux étrangers, remontant à décembre 1975 et qui désigneraient Sobhraj. Près d’un an après cette inculpation, et malgré des expertises mettant en cause la fiabilité de ces photocopies, et sans aucune autre preuve matérielle, la Court de Katmandou condamne Charles Sobhraj à la prison à vie, le 12 août 2004.

Preuves originales

À Paris, Maître Isabelle Coutant-Peyre, avocate hors normes, familière des dossiers difficiles, assurant la défense du terroriste Carlos, prend en charge l’affaire Charles Sobhraj, en relation avec les avocats népalais. À titre bénévole, pour des questions de principe, nous explique t-elle. Après avoir consulté le dossier de l’accusation, elle introduit un recours devant la Commission des Droits de l’Homme des Nations unies. Qui se transforme en plainte contre l’État du Népal.

Et elle gagne. Dans un avis du 27 juillet 2010, que nous reproduisons ci-dessous, la Commission des Droits de l’Homme des Nations unies condamne sans réserve l’État du Népal pour avoir violé des dispositions du droit interne népalais, et surtout pour avoir mené une procédure sans respecter les principes judiciaires les plus élémentaires, en particulier la nécessité de mener une instruction contradictoire, à charge et à décharge, d’accorder la possibilité à l’accusé d’écouter les griefs qui lui sont adressés dans une langue qu’il comprend, et de fonder les actes d’accusations sur des preuves originales et non sur quelques copies dont l’authenticité est sérieusement contestée.

Charles Sobhraj United Nations

Onze ans après son arrestation, Charles Sobhraj dort toujours dans une prison népalaise. Son casier judiciaire chargé, sous d’autres juridictions, revient parfois comme un ultime argument pour tenter de cautionner une condamnation vide de raison juridique. Mais peut-être pas de raison d’État. Le 25 octobre 2010, le chef de cabinet de l’Élysée, Guillaume Lambert a rédigé une lettre – que nous avons pu consulter – dans laquelle il exprime toute l’empathie de l’État français pour le cas Sobhraj. Sans vraiment convaincre.


Serpents par Caravsanglet et ggalice sous licences Creative Commons via Flickr

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http://owni.fr/2012/09/05/le-tueur-en-serie-la-dgse-et-les-talibans/feed/ 8
Les rapports de la DCRI sur Anonymous http://owni.fr/2012/06/14/les-rapports-de-la-dcri-sur-anonymous/ http://owni.fr/2012/06/14/les-rapports-de-la-dcri-sur-anonymous/#comments Thu, 14 Jun 2012 16:48:05 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=113347 Owni, dont nous publions de larges extraits, et qui illustrent la perception des nouvelles formes d'activisme par l'appareil sécuritaire français.]]>

Selon des sources au sein du Tribunal de grande instance de Paris, vendredi 8 juin le juge David Benichou a achevé ses investigations dans la première procédure judiciaire menée en France contre des Anonymous, et confiée à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Ce dossier avait été ouvert à la suite d’actions menées par des Anonymous, il y a près d’un an, contre les serveurs des géants du nucléaire.

DCRI contre Anonymous

DCRI contre Anonymous

La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) part en guerre contre les Anonymous. Jeudi, deux membres supposés ...

Owni a obtenu tous les rapports d’enquête et procès-verbaux, 211 au total, retraçant les missions de la DCRI dans cette affaire. Au-delà des méthodes et des techniques d’enquête qu’ils révèlent, ces documents mettent surtout en évidence la disproportion entre la perturbation provoquée par des Anonymous et les moyens mis en œuvre par ce service spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et dans la protection des intérêts fondamentaux de la nation – enfin a priori.

L’histoire débute le 20 avril 2011. Une attaque par déni de service est lancée par des Anonymous contre plusieurs géants de l’électricité impliqués dans l’industrie nucléaire. Nom de code : Operation Greenrights. Après la tragédie de Fukushima au Japon, les activistes entendent alors protester contre les dangers du nucléaire civil. Le Français EDF, l’Américain General Electric et l’Italien ENEL sont visés.

Le lendemain à Paris, l’Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information (Ansi) alerte la DCRI “du déroulement d’une attaque informatique visant le portail Internet de l’Opérateur d’importance vitale (OIV) EDF”, selon un compte rendu de la DCRI.

Cette notion d’opérateur d’importance vitale, définie en France dans une Instruction générale interministérielle de septembre 2008, crée des relations exceptionnelles entre les industriels et les services de sécurité.

En conséquence, branle-bas de combat chez les fins limiers du renseignement intérieur. Ses agents se mettent en quête de vilains Anonymous susceptibles d’avoir commis le coup. Dans un cadre légal pas très clair.

Mais par chance, le 2 mai, EDF dépose plainte contre ces attaques et se dépêche de transmettre quantité de données techniques à la DCRI – permettant donc l’ouverture officielle d’une enquête préliminaire. Un service avec lequel l’électricien entretient des relations institutionnelles comme l’illustrent les mails échangés entre le directeur sécurité de l’entreprise, Jean-Marc Sabathé (qui n’a pas répondu à nos sollicitations), et ses interlocuteurs au sein de la DCRI.

Au plan du droit, l’opérateur avance le motif que durant 14 heures ses sites bleuciel.edf.com ou entreprises.edf.com ont été indisponibles. La société chiffre le préjudice à 162.000 euros. Les autorités prennent l’affaire très au sérieux. La DCRI de son côté rédige des procès-verbaux dans lesquels elle livre sa définition des collectifs Anonymous et du Parti Pirate, dont il sera vite question dans l’affaire.

Une semaine plus tard, le Tribunal de Bobigny initialement saisi est écarté au profit de la Juridiction inter-régionale spécialisée (Jirs) de Paris, regroupant des magistrats experts es organisations criminelles.  Au parquet de Paris, le vice-procureur Catherine Sorita-Minard, d’ordinaire chargée de traquer les gros bonnets, supervise les recherches.

Gros poisson

Au siège de la DCRI, à Levallois, les geeks de la maison exploitant “un micro-message émis sur le réseau social Twitter” découvrent que l’opération Greenrights trouve une justification dans un manifeste publié sur un site rattaché au Parti Pirate allemand. Un parti qu’ils ne semblent pas vraiment connaître, comme l’indique un procès-verbal synthétisant leurs “recherches sur Internet sur ce mouvement”.

Convaincus qu’ils ont ferré un gros poisson, ils sollicitent une organisation méconnue : le réseau G8/24-7 dédié à la cybercriminalité. Également connu sous l’appellation Groupe de Lyon, il agit comme une instance informelle de coopération entre les services de sécurité des États membres du G8, spécialisée dans la surveillance des réseaux. Un réseau dont le fonctionnement a été validé par les ministres de l’Intérieur du G8 lors d’une réunion tenue il y a dix ans, à Mont Tremblant en mai 2002. Dans chaque pays, une adresse email est réservée à cette coopération entre services, pour la France c’est : cyber-france24-7@interieur.gouv.fr

Par ce biais, une coopération judiciaire accélérée est établie avec le BKA – les homologues allemands de la DCRI. Pour les Français il s’agit d’obtenir dans des délais records un enregistrement des données contenues sur les serveurs du Parti Pirate allemand, et correspondant à l’écriture du texte collaboratif de revendication de l’opération Greenrights. Pour identifier les fauteurs de troubles sous le masque des Anonymous.

Le 23 mai le BKA crie victoire et avertit les collègues de la DCRI. Leurs agents sont parvenus à récupérer des données sur http://piratenpad.de, l’un des sites utilisé par le Parti Pirate pour la rédaction en ligne de textes collectifs. Non sans faire de dégâts. Ils ont ainsi rendu indisponible le site du mouvement pendant près de six heures mais surtout ils ont déconnecté 255 adresses IP, une manœuvre qui a dû provoquer ce jour-là quelques perturbations.

Talentueux

Ces recherches approfondies en Allemagne ne permettent pas de remonter aux auteurs du manifeste diffusé lors de la première vague de l’opération Greenrights. Les administrateurs du Parti Pirate ayant pris la bonne habitude d’effacer quantité de données. Tant pis pour la DCRI. Mais le 31 mai, des Anonymous repassent à l’action contre les géants de l’électricité nucléaire, dont EDF. Cette fois-ci, les agents de la DCRI aux aguets repèrent un flyer des Anonymous faisant référence au nom de domaine irc.lc/anonops/operationgreenrights.

Celui-ci appartient à un Français, Pierrick Goujon, présenté par les enquêteurs comme “un technicien talentueux”. Selon la DCRI : “ce brillant dilettante, tout en reconnaissant que son site offrait une ampleur supplémentaire à l’attaque, limitait sa responsabilité à la mise en relation et non au contenu. La copie et le début d’exploitation du serveur de M. Goujon menés durant le temps de sa garde à vue confirmaient ces éléments”.

Placé en garde à vue par la DCRI, Pierrick Goujon a été mis en examen par le juge David Benichou, le 26 janvier dernier, pour “Entrave au fonctionnement d’un système automatisé de données”. Après un an d’enquête menée par la DCRI, sa culpabilité dans l’attaque par déni de service des sites d’EDF n’a pas été formellement établie, corroborant en cela les propos qu’il nous avait tenus peu après sa garde à vue. De la même manière, la deuxième personne mis en examen dans ce dossier, Matthieu O. a reconnu avoir fait œuvre de prosélytisme lors de l’opération Greenrights, sans toutefois participer à des attaques par dénis de service, comme l’a confirmé l’enquête.


Photo de Jacob Davis [CC-byncnd] via Flickr

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Le who’s who interactif du gouvernement http://owni.fr/2012/05/17/le-whos-who-interactif-du-gouvernement/ http://owni.fr/2012/05/17/le-whos-who-interactif-du-gouvernement/#comments Wed, 16 May 2012 23:35:41 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=110499 Owni met en ligne le trombinoscope interactif du nouveau pouvoir. Cliquez sur cette image et découvrez le C.V détaillé de chaque membre de ce premier gouvernement Hollande. Faites apparaître leurs réseaux d'affinité, selon leurs études, leur ancrage local, leur génération et leur rôle dans la campagne présidentielle. Sans perdre de vue les casseroles et les médailles de chacun. Tout un gouvernement déchiffré. ]]> Toutes les vies du nouveau gouvernement, toutes ses identités, réunies en une seule application interactive, ci-dessus. Image cliquable, riche des passés de chacun, de leurs études, de leurs savoirs, de leur habilité politique, de leurs mandats, de leurs alliances, de ces projets qu’ils servent ou qu’ils trahissent. De leurs bons et mauvais côtés. Un who’s who sans chiqué du premier gouvernement Ayrault.

Les titres de gloire et les mauvaises actions agrégés, comme dans la vraie vie, répertoriés derrières les pictogrammes “casseroles” et “médailles”. Un trombinoscope interactif qui met en évidence les trajectoires du Premier ministre et des 34 nouveaux ministres, ministres délégués et secrétaires d’État ; pour déceler les biais de leurs futures réussites ou les raisons de leurs prochains revers.

Sélectionnez les critères : la génération (les moins de 40 ans, les plus de 60 ans) ; les écoles (ENA, Université de Toulouse, Science Po), les ancrages locaux (Paris, le Nord, l’Aquitaine) ; la présence dans l’équipe de campagne d’Hollande, l’expérience gouvernementale… De quoi passer au crible la physionomie des nouveaux maîtres de l’exécutif.

En quelques jours, ce travail a été numérisé par les développeurs Christophe Khaldi, Abdellilah el Mansouri, Tom Wersinger et Lucas Heymès, il a été dessiné par le directeur artistique Loguy, aidé d’Ophelia Noor ; il a été conçu et piloté par Marie Coussin, Anne-Lise Bouyer, Nicolas Patte, Julien Goetz et Sylvain Lapoix, enrichi par Claire Berthelemy, Rodolphe Baron, Pierre Leibovici, Thomas Deszpot et Florian Cornu /-)

N’hésitez pas à compléter votre lecture en visitant les autres trombinoscopes réalisés par nos confrères, en particulier celui de Rue89, celui de France Info, ou celui du Monde, ou encore celui du Télégramme.

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