OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La chaîne alimentaire des médias http://owni.fr/2011/07/17/la-chaine-alimentaire-des-medias/ http://owni.fr/2011/07/17/la-chaine-alimentaire-des-medias/#comments Sun, 17 Jul 2011 15:53:40 +0000 Mary C Joyce http://owni.fr/?p=73884


Article initialement publié sur The Meta-Activism Project, repéré par OWNI.eu et traduit par Marie Telling. Sauf mention contraire, tous les liens de cet article sont en anglais.


Peu de dichotomies ont survécu au printemps arabe dans le monde des médias. Celle entre producteurs et consommateurs est déjà morte. Les blogs ont commencé la bataille il y a quelques années quand ceux qui étaient alors des lecteurs ont commencé à produire leur propre contenu. Aujourd’hui, ils créent du contenu partagé au sein de la communauté et relayé par les médias traditionnels. A quoi ressembleraient 24 heures d’infos sans des vidéos YouTube et des sources Twitter ?

La dichotomie entre anciens et nouveaux médias devient de plus en plus trouble. Oui, les médias sociaux sont nouveaux, fonctionnent en réseaux et en peer-to-peer, mais les médias traditionnels utilisent aussi ces protocoles et outils de partage. Des chaînes de télé internationales comme Al Jazeera fonctionnent en réseaux. Elles ne considèrent pas les médias sociaux comme des phénomènes marginaux mais comme des sources à part entière. Elles reconnaissent les citoyens comme des collaborateurs dans la fabrication de l’information, plus seulement comme des cameramen amateurs tributaires des professionnels pour valoriser leur travail.

Comment comprendre l’environnement médiatique du 21e siècle si celui-ci ne s’envisage pas en termes de dichotomie ? Une métaphore biologique est utile : celle du réseau trophique. « Trophique », vient du grec trophē – la nourriture – et fait référence aux mouvements et aux échanges de nutriments dans la nature. Une plante produit de l’énergie grâce à sa photosynthèse. Un rongeur mange la plante et absorbe son énergie. Le rongeur est ensuite mangé par un faucon ou un ours… ou meurt d’une attaque cardiaque.

Une dualité consommateur/producteur complémentaire et contemporaine

Pourquoi comparer l’environnement médiatique actuel à un réseau de chaînes alimentaires ? D’abord, l’information se comporte dans les médias comme la nourriture dans les chaînes : toutes deux sont des unités discrètes qui passent d’organismes en organismes, évoluant à chaque étape du processus, mais gardant des aspects essentiels de leur identité comme des images, des interprétations, des dates ou des histoires.

Ensuite, tout comme aucun organisme n’est uniquement un producteur ou un consommateur de nourriture, aucun média n’est uniquement un producteur ou un consommateur d’informations. L’herbe produit de l’énergie pour le lapin et consomme l’énergie du soleil. Un journaliste citoyen filme depuis son portable la vidéo d’une manifestation qui sera diffusée par une chaîne de télé quelques heures plus tard. Contrairement aux dichotomies mentionnées précédemment, qui sont mutuellement exclusives, la dualité entre consommateur et producteur est devenue complémentaire et contemporaine : chaque consommateur d’informations est potentiellement aussi un créateur d’informations, de celui assis sur son sofa au rédacteur en chef de journal.

Comme les chaînes alimentaires, les réseaux d’informations sont chaotiques et imprévisibles. Un cochon pourra être mangé par un ours (mais aussi par Mark Zuckerberg) ou bien mourir de vieillesse. De même, un tweet ou un post de blog pourra être repris par CNN, par quelques blogs locaux, ou ne jamais quitter son audience initiale. Les réseaux d’informations sont même plus chaotiques que les chaînes alimentaires. Une calorie ne peut être consommée que par un seul organisme au même moment, alors que chaque élément de contenu digital peut être copié infiniment et simultanément. Dans un environnement composé d’« organismes » médiatiques complexes et variés, le chemin qu’adoptera une information est difficile à prévoir… ou à contrôler.

Interconnexion et double nature de ses acteurs

Malgré le chaos, des catégorisations des chaînes alimentaires sont possibles et cela vaut aussi pour l’univers des médias. On retrouve deux types de consommation/production de l’information :

  • La nutrition autotrophique convertit la lumière du soleil en unités d’énergie utilisables par d’autres organismes. Dans la nature, les plantes sont autotrophes. Dans l’environnement médiatique, il s’agit de convertir des phénomènes physiques (événements, témoignages …) en informations utilisables. Il y a quelques années, seuls les journalistes professionnels pouvaient effectuer cette conversion. Il est maintenant de plus en plus simple d’enregistrer et de transmettre des informations. Tout le monde peut avoir un rôle d’autotrophe.
  • La nutrition hétérotrophique utilise l’énergie qui a déjà été transformée en forme utilisable par un autre organisme. Dans la nature, les animaux sont hétérotrophes. Dans l’univers médiatique l’hétérotrophie est la consommation d’informations créées par d’autres organismes. Comme quand vous lisez un post de blog ou écoutez une émission de radio. Ou comme lorsqu’un producteur de télé choisit une vidéo de citoyen pour son émission. La chaine hétérotrophique peut être très longue. Tout comme une calorie peut être transmise du soleil à une carotte à un lapin et vers un être humain, une information part d’un témoin, se transforme en post de blog, puis en tweet pour finir en article de presse. Chaque information peut prendre une multitude de chemins différents. On peut tracer ces unités sur des plateformes discrètes (voir les sets de données de tweets avec le hashtag #Jan25 sur Engine Room par exemple) mais nos méthodes d’analyses échouent dès lors qu’une information passe d’une plateforme à une autre ou d’un média à un autre.

Bien sûr, la symbiose n’est pas parfaite. Oui, les professionnels des médias auront tendance à agir en autotrophes et à convertir leurs propres informations. Oui, la plupart des citoyens seront plus enclins à consommer des informations existantes plutôt que d’en créer. Mais chacun peut choisir d’être autotrophe ou hétérotrophe à tout moment. C’est ce qui rend les choses intéressantes.

L’analogie entre chaînes alimentaires et médias résisterait-elle à une analyse plus détaillée des mécanismes spécifiques ? Bien sûr que non. Mais la métaphore est toujours intéressante pour décrire l’environnement médiatique de plus en plus inter-connecté et la double nature de ses acteurs.


Crédits Photo FlickR CC by-nc-sa NHBD

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Menaces sur l’Etat moderne http://owni.fr/2011/05/01/menaces-sur-letat-moderne/ http://owni.fr/2011/05/01/menaces-sur-letat-moderne/#comments Sun, 01 May 2011 16:00:30 +0000 Mary C Joyce http://owni.fr/?p=59795 Article initialement publié sur OWNI.eu

Sauf mention contraire, tous les liens contenus dans cet article sont en anglais.

Les révolutions au Moyen-Orient tiennent du darwinisme politique. Les États autoritaires post-coloniaux, si bien adaptés au XXe siècle, se retrouvent absolument inadaptés au XXIe siècle. La télévision par satellite a comblé le vide de l’information ôtant ainsi aux tyrans la possibilité de déterminer seuls la réalité politique, tandis qu’Internet a permis des mobilisations réelles autour de revendications partagées dont on ne prend souvent conscience qu’une fois que les gens sont véritablement dans la rue. La stabilité politique et la légitimité des gouvernements tels qu’on se les représentait jusqu’à maintenant sont dès lors chamboulés.

La chute des États post-coloniaux est moins perçue par les démocraties occidentales comme une surprise que comme une menace. Pressées par le haut par les entreprises, et par le bas par un pluralisme en développement constant, les démocraties occidentales – ces chantres du progrès – sont extrêmement mises sous pression.

C’est économique, abruti

La première origine de cette angoisse existentielle est évidemment l’économie. L’État moderne n’est plus auto-suffisant. En mars dernier, les dirigeants de l’Union Européenne ont annoncé la création d’un filet de sécurité permanent de 700 milliards de dollars afin de rassurer les investisseurs. L’annonce est passée quasi inaperçue en raison de la démission du Premier Ministre portugais à cause du rejet du budget d’austérité par le Parlement, présageant une nouvelle faillite en Europe après celles de l’Irlande et de la Grèce.

Il y a plusieurs causes à ces difficultés économiques. Elles sont en partie dues à la perte de compétitivité et au ralentissement de la croissance économique parce que les sociétés financières et de service restent dans les pays occidentaux alors que l’industrie se délocalise vers à l’Est et le Sud. L’essentiel du problème est qu’en réponse à leurs citoyens, les démocraties Occidentales se sont engagées à payer des services alors qu’elle ne peuvent plus se le permettre. En Europe, ce sont les pensions du secteur public, aux États-Unis les dépenses publiques pour les programmes Medicare et Medicaid.

Aux États-Unis, des entreprises comme General Electric et Google trouvent des moyens toujours plus ingénieux de ne pas payer d’impôts alors même que le coût des dispositifs pour le troisième âge augmente avec le vieillissement de la génération du Baby Boom. Ce qui signifie qu’il y a moins d’argent qui rentre, et plus qui sort des caisses de l’État. Et la débauche d’emprunt qui a permis aux États-Unis et autres de se maintenir, ne pourra pas durer éternellement.

C’est un problème existentiel pour les démocraties occidentales parce que les retraites du secteur public et autres dépenses de sécurité sociale ne sont pas clientélistes ou le résultat de lobbying privé : elles bénéficient vraiment aux citoyens. Si ces programmes prenaient fin (improbable) ou étaient réduits à son plus simple appareil (plus probable), les classes moyennes perdraient un soutien capital qui leur permet de connaitre leur niveau de vie actuel, ceci au profit de ceux qui ne sont plus en âge de travailler. Le renforcement des classes moyennes – avec ses effets positifs pour la culture, la santé publique, la stabilité politique et le bonheur humain – n’était-il pas justement l’une des grandes victoires de la démocratie occidentale ? Si les démocraties ne peuvent plus se permettre de subventionner les classes moyennes, le modèle de développement économique de la Chine basé sur l’autocratie risque bien d’apparaitre plus attrayant encore.

Et le réseau n’aidera pas

Alors que les deux structures hiérarchiques traditionnelles – les gouvernements et les entreprises – se battent pour la domination, le réseau ajoute de la complexité. Si le pouvoir au peuple peut signifier la fin de l’autocratie dans les dictatures, dans les démocraties la liberté du peuple de former des associations conduit à la formation de groupes d’intérêt divers. Nous voulons cette liberté qui permet à 37 groupes de protection de la Côte du Golfe [ndlr: du Mexique] et 520 groupes pour l’alphabétisation des enfants d’exister, ce pluralisme signifie en réalité fragmentation, puisque l’argent et l’assistance sont divisés dans des unités infiniment plus petites et forcément moins puissantes.

Dans un État avec quelques organisations hiérarchiques de lobbying comme l’AARP (pour les personnes âgées aux US) et le Sierra Club (organisation environnementale), les membres du gouvernement espèrent s’engager avec ces groupes de façon utile. Mais avec l’émergence du réseau et de l’accessibilité des outils de publication, de donation, et de mobilisation, la fragmentation ne fait que s’accélérer. La volatilisation des grandes organisations engendre plus de groupes de citoyens, plus de campagnes, plus de revendications, plus de pétitions en ligne, et toujours plus d’emails. Même un homme politique consciencieux ne dispose que d’une attention et d’un temps extrêmement limités. Et compte tenu de l’intensité des demandes des citoyens, ils auront tendance à se concentrer sur les intérêts de ceux qui peuvent leur donner l’argent dont ils ont besoin pour se faire élire, renforçant ainsi involontairement les intérêts de ceux qui ont de l’argent.

Et bien sur, le pluralisme sera aussi assujetti à une étiquette de prix, chaque groupe demandant son dû pour telle subvention ou tel programme gouvernemental, mettant ainsi une pression économique supplémentaire sur l’État..

Et ensuite ?

L’État démocratique moderne fait face à une double menace : les déficits fiscaux et le surplus d’information. Il est ainsi soumis à une pression extrêmement forte, de la part des intérêts des hiérarchies traditionnelles ainsi que de la part des campagnes en lignes. Et alors que la crise à court terme est avant tout fiscale, elle concerne à long terme la gestion de l’abondance d’information et de voix citoyennes.

De nouvelles institutions seront nécessaires pour faire face aux demandes des citoyens. Mais déjà les capacités financières des États se réduisent à mesure que la capacité des citoyens de se faire entendre augmente.

Le théoricien biologiste Stuart Kaufman parle d’un “possible adjacent”, qui est déjà à un stade plus loin que le présent. Aujourd’hui il semble – du moins aux États-Unis – que les forces hiérarchiques des entreprises soient plus fortes que les gouvernements et que les groupes citoyens, fragmentés. Du coup, la résolution des problèmes existentiels des démocraties Occidentales sera dans la diminution du pouvoir et des ressources financières de l’État, qui aboutira à une augmentation du fossé entre une minorité de riches et la masse de pauvres, renvoyant ces riches nations à l’état de pays en développement. De fait, un “possible adjacent” dans lequel les peuples des démocraties Occidentales seraient en mesure d’exploiter la puissance du réseau et de parler d’une seule voix – comme l’ont fait récemment les Égyptiens – semble très improbable.

Mais même s’il semble que nous nous dirigions vers un état anémique avec des entreprises surpuissantes et une société civile fragmentée, cette voie là n’est pas non plus un avenir certain. Tout comme les états arabes post-coloniaux se sont retrouvés inadaptés face à des citoyens informés, connectés, et unis d’une seule voix, les citoyens Occidentaux peuvent aussi exiger que leurs dirigeants prennent des décisions financières pour l’intérêt général. Mais cela signifie aussi de changer le mode de vie occidental que nous ne pouvons plus nous permettre aujourd’hui. Cela implique des changements radicaux au niveau de chaque individu.

En tant que citoyens, nous pouvons maintenant élever nos voix plus efficacement que jamais, mais nous ne savons pas toujours quoi dire.


Cet article a été initialement publié sur Meta-Activism Project sous le titre : “Moderne State Under Attacks”

Crédit illustrations Michael Thompson (Freestylee)

Traduction Stanislas Jourdan & Pierre Alonso

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La politique, le sexe et Dieu dans Google Books http://owni.fr/2011/01/09/la-politique-le-sexe-et-dieu-dans-google-books/ http://owni.fr/2011/01/09/la-politique-le-sexe-et-dieu-dans-google-books/#comments Sun, 09 Jan 2011 15:00:15 +0000 Mary C Joyce http://owni.fr/?p=41574

Ce billet de Mary C Joyce a d’abord été publié sur Meta Activism Project, et repris sur OWNI.eu.

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La semaine dernière, Google a lancé un puissant outil de visualisation des tendances culturelles. Modestement nommé Books Ngram Viewer, il vous permet de chercher la fréquence de n’importe quel mot dans les 5,2 millions de livres que comporte la base de données Google Books, depuis les années 1800.
La semaine dernière, le site Read Write Web a publié un article [en] présentant dix fascinants graphs de mots, en utilisant cette application. En voici trois exemples de plus.

Guerre et Paix

Le premier graphique montre la fréquences des mots guerre, paix et démocratie depuis 1800. Sans surprise, les plus grand pics d’occurrence pour le mot guerre ont lieu durant la Première et la Seconde Guerre mondiale.
Chaque fois que de nombreux écrits sont consacrés à la guerre, une petite quantité parlent de paix, légèrement plus lors de la Première Guerre mondiale que pendant la Seconde. Il est intéressant de constater la façon dont les écrits à propos de la démocratie entraîne la production d’écrits sur la guerre et la paix durant ces grands conflits, avec la fréquence la plus importante durant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi un tel constat ? A mon avis, ce sont ces livres relevant de la catégorie : “Pourquoi nous nous battons ?”, qui réaffirment les valeurs culturelles des pays anglophones pour essayer de motiver les populations à se battre respectivement contre le fascisme et le communisme.

Gay, queer et homosexuel

La base de donnée révèle les tendances culturelles, incluant les changements dans la façon de percevoir les personnes GLTB. Au début du 20ème siècle, “queer” est lentement devenu péjoratif. Le terme gay a alors commencé a être attribué à des personnes qui n’étaient pas engagées dans une relation hétéro, y compris des femmes hétérosexuelles aux mœurs légères.

Dans les années 40 et 50, ces termes ont été de moins en moins utilisés, tandis que le mot homosexualité gagnait du terrain. La médicalisation de l’identité LGBT a été renforcée par la publication du premier Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) publié par le National Institute of Mental Health [en] en 1952, dans lequel l’homosexualité est considérée  comme maladie.

Cette tendance se poursuit au début des années 80 quand les mouvements pour les droits des gay ont commencé à apparaître, et a connu un élan fort à la fin de cette décennie, en grande partie à cause de la crises du sida.
Depuis, le terme gay est monté en flèche dans les usages, alors que l’utilisation du terme homosexuel est de plus en plus faible. Queer, dans une moindre mesure, a également fait l’objet d’une réappropriation.

Et Dieu dans tout ça ?

Le dernier graphique que je souhaite vous présenter est celui montrant la très forte baisse de la présence du mot Dieu dans les livres anglais, qui peut être assimilée au déclin de la religiosité. Loin d’être un constat récent, selon cette mesure la religion est en déclin dans les pays anglophones depuis le milieu du 19ème siècle, diminuant durant la révolution industrielle, pour atteindre son niveau actuel autour des années vingt. Même les récentes périodes de conservatisme social dans les années 1950 et de libéralisme social des années 1960 ne sont que des soubresauts dans un contexte de déclin général des religions dans cette partie du monde. Alors que le conservatisme religieux semble de plus en plus important, nous devrions être conscients, du moins aux États-Unis, que c’est une vogue dans une société fondamentalement laïque.

Ce billet de Mary C Joyce a d’abord été publié sur Meta Activism Project, et repris sur OWNI.eu.

Illustration FlickR CC another.point.in.time

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