OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Après 4chan, Moot va-t-il tuer l’esprit du LOL avec Canv.as ? http://owni.fr/2011/05/03/apres-4chan-moot-va-t-il-tuer-lesprit-du-lol-avec-canv-as/ http://owni.fr/2011/05/03/apres-4chan-moot-va-t-il-tuer-lesprit-du-lol-avec-canv-as/#comments Tue, 03 May 2011 07:24:12 +0000 Boumbox http://owni.fr/?p=59699 Moot, pour les deux du fond, c’est Christopher Poole : le créateur de 4chan et aujourd’hui de Canv.as.

Moot a été rendu célèbre en tant que responsable de 4chan. 4chan a été rendu célèbre par sa profusion d’images en tout genre, et particulièrement par celles de son board le plus célèbre : /b.

/b a elle-même été rendue célèbre par deux choses : son armée de l’ombre Anonymous (une bande d’allumés électriques à la conscience sociale particulière) et par sa condition de générateur numéro 1 de mèmes sur les Interwebs.

Les mèmes ont été rendus célèbres par les lolcats. Parce que les mecs de /b, ils ont des chats et ils les aiment, alors ils font des blagues avec eux. Ça leur rappelle leur innocence perdue.

Christopher Poole et la tentation de la censure

Moot, depuis quelques années, est sorti de l’ombre et se balade dans les congrès Web du monde pour défendre l’un des grands principes qui fit de 4chan un succès et un moteur créatif à l’échelle mondiale : l’anonymat de ses membres. Il est d’ailleurs particulièrement délicieux de voir Moot défendre l’anonymat alors que vous aurez besoin d’un compte Facebook (le truc le moins anonyme du monde) pour valider une invitation Canv.as.

A vrai dire, ma petite théorie sur l’hypocrisie de Moot ne date pas d’hier. Elle est apparue lorsque le bon Christopher s’est mis à modérer 4chan il y a quelques mois, pour éliminer les attaques trop brutales des allumés de /b envers la plate-forme de blogs Tumblr. Le mot Tumblr lui-même y était censuré. Moot est copain avec David Karp, fondateur de Tumblr, il vit à New York et traîne dans les mêmes cercles techno-happy few que lui, d’ailleurs Canv.as a un blog Tumblr.

Moot donc, le garde fou du champ de mines qu’est 4chan, ne voit aucun souci à laisser les schtroumphs de /b ruiner la santé mentale de gamine de 13 ans ou de chrétiens tristes, mais par contre : pas touche aux hyps de Tumblr ! La seule sortie de Moot sur le terrain de la modération n’aura clairement pas brillé par sa noblesse. Le chantre du free speech, châtrant sa propre communauté pour ses objectifs de réseautage. Classe, le gars.

Bref, passons à Canv.as.

La bouffe-minute de l’Interweb ?

Canv.as n’est pas une board, c’est une machine à publier des images. Tout le monde peut facilement publier une image, puis les gens votent pour ces images grâce à une sélection de stickers (lol, étoile, coeur, serious, gross…) qu’ils apposent dessus en glisser-déposer. La page d’accueil du site met en avant les images les plus votées. Sinon tu peux aller dans l’énorme page des « nouvellement postées » pour essayer de les faire émerger. Ouais, ça marche comme Digg, le feed RSS participatif des ringardos du web.

Premier inconvénient, inhérent à cette dynamique de publi-vote : les doublons. Les trucs qui apparaissent 15.000 fois, ou ceux qui resurgissent des profondeurs, là où la fatigue mentale de la multi-répétition les croyait définitivement enterrées. Là ou /b, avec son système de 15-pages-actives-puis-l’oblivion permet de faire tourner assez vite les resucées, Canv.as de par son fonctionnement, semble nous offrir un contenu seulement très partiellement renouvelé. Un comble pour un site qui se veut générateur de mème : la bouffe-minute prête à partager du grand fast-food des Interouèbes.

Bah oui, là où /b avait une sorte de contexte, avec une organisation sous forme de forum où les discussions se créaient, Canv.as apparaît comme une forme simplifiée, happy minded et abêtie de la célèbre usine à mèmes. Moot a du bol d’avoir eu sa communauté de channeurs pour remplir les colonnes de Canv.as en début de course, mais petit à petit, l’ouverture du site fait doucement dériver la qualité du site vers la collection de jpeg débiles d’un lolimg.net.

Pourquoi ? Parce que Canv.as est un site sans contexte, sans histoire, sans réputation. Canv.as est l’instrument du lol inoffensif parce que (ok, ça va être tricky), contrairement à /b, Canv.as ne défend pas de… valeurs.

De valeurs ?

La mort de l’esprit du Lulz

Et oui, le mot peut paraître fort, mais c’est bien de ça qu’il s’agit. Les narvalos de /b, entre les blagues faussement racistes, les images de naines nues et les montages de poissons-missiles, défendent une certaine idée du Web : du troll, de la bêtise, du très mauvais goût… le lulz, quoi.

La critique et les blagues de l’actualité, le détournement et la violence morale qu’il impose parfois à la lecture. Des choses dont Canv.as n’est qu’un pâle reflet, parce que le site a une politique de modération et d’identification… Deux choses dont l’absence, selon son créateur même, ont permis à 4chan de rester un bastion de la liberté d’expression. Moot n’en est pas à une hypocrisie près, lui qui cherche une façon de monétiser son grand succès : le couvrir de pastels et de pastilles, en faire une version mois choquante.

Le risque ? Que Canv.as soit un succès. Que par son accessibilité, Canv.as s’impose comme référence et, avec sa philosophie de poney rigolard, devienne le standard moral de la moquerie et du mème sur le Web… Qu’il supplante son aîné et attire à lui la lumière du projecteur… /b a besoin de cette lumière pour conserver son niveau de créativité, quoi qu’en disent les Anonymous. Les flingués qui créent les images de 4chan veulent se voir exposer. Si les spectateurs vont ailleurs, dans un rade plus classe aux verres moins sales, les amuseurs changeront de théâtre. Tristesse et larmes de terreur.

Alors, la prochaine fois que vous voyez quelqu’un sur Canv.as, une seule chose à faire…


Billet publié initialement sur le blog Boumbox sous le titre Canv.as peut-il tuer le mème ?

Photo : FlickR CC Andrew Dupont ; London in flames ; David Singleton ; andresmh ; Shawn Carpenter.

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Libertalia numérique http://owni.fr/2011/02/25/libertalia-numerique/ http://owni.fr/2011/02/25/libertalia-numerique/#comments Fri, 25 Feb 2011 09:40:22 +0000 Théo Crevon http://owni.fr/?p=47885 Internet est la possibilité d’une île. Un espace neutre sans représentation figée, sans régulation, sans frontières. Le lieu commun de toutes les libertés ; le repère volatile où, comme WikiLeaks aura su nous le démontrer, rien ne saurait être dissimulé. Il est la possibilité d’une évasion au milieu du système. Une Zone Autonome Temporaire, éphémère et permanente ; sauf-conduit où transitent sans censure les discussions sulfureuses de 4Chan ; où cohabitent les égos et les idéaux sans besoin de les codifier ; où se bâtissent des projets et des utopies à la seul force de l’envie et de l’enthousiasme.

Un espace qui fait peur au pouvoir

Alors évidemment Internet est une cible. Toutes les politiques sécuritaires, qu’elles soient de gauche comme de droite, du Nord comme du Sud, vous le diront. Ce terrain vague numérique où coexistent toutes les idées, toutes les aspirations et toutes les velléités est un danger pour la sécurité des États et des peuples nous dit-on. Car y circulent librement les informations, hors de tout contrôle. N’importe quel abruti de quinze ans un peu dégourdi peut se déclarer hacker, rejoindre un groupement de terroristes numériques qui se fait appeler “Anonymous” et prétendre défendre la liberté d’expression. Vous imaginez le foutoir ?

Comme cette situation s’avère être dangereuse pour l’ordre mondial, et par conséquent inacceptable, partout Internet se doit d’être bridé, limité, et minutieusement observé. Tous les paquets suspects seront tracés, analysés pour votre sécurité. En Chine, des salariés sont rémunérés pour s’adonner à la censure des sujets “sensibles” ; en France, la loi autorise le pouvoir à injecter des données espionnes sur le réseau. A l’instar de ce qui se passe dans le monde “réel”, le système voudrait obtenir le contrôle de ce nouveau monde dématérialisé où la liberté d’expression n’est pas un mot vain, pouvoir choisir ce qu’il s’y entend, ce qu’il s’y échange et ce qu’il s’y dit.

Parce qu’elle est un espace de liberté où ne siègent ni lois, ni codes moraux, ni assemblée décisionnelle, cette île numérique devient une cible. Le succès du réseau lui vaut de s’attirer les foudres de ce monde autour qui, bien que régit par l’ordre, les systèmes, et la diplomatie, ne parvient pas lui-même à trouver la paix des idées. Au final, Internet souffre de ce qu’on veuille le comparer toujours aux recettes et aux mécanismes qui ont fait l’Histoire de l’humanité passée. L’omniprésence et la permanence libertaire permise par le miracle du web enfreint toutes les règles jusque-là établies et offre le choix à tout un chacun d’y bâtir son univers.

Internet est insondable. Nous n’en voyons finalement, comme de l’iceberg consacré, que la partie émergée. Un espace uniforme composé de quelques services leaders, et une foule d’individualités greffées sur, ou au sein, de ceux-ci. Google, Facebook, Twitter, MSN, Ebay, comme Michael Jackson ou John Wayne, sont des marques qui ont su s’imposer dans les esprits des deux milliards de personnes connectées quotidiennement au web en 2010.

Incontrôlable par essence, c’est un média ubique entre les êtres humains, où tout un chacun peut à loisir se répliquer, se volatiliser et réapparaître. Il permet la multiplicité des formes et des supports pour de mêmes messages. Laissant cohabiter de la fiction écrite par des fans de Justin Bieber pour assurer la gloire de leur idole, avec l’ensemble des cours sur la Grèce antique dispensés dans la célèbre université américaine de Princeton en passant par la formule permettant de fabriquer du Napalm. On trouve de tout sur Internet, sans distinctions morales, sans classement par ordre d’importance, et dans toutes les langues.

Un nouveau système de pensée

Il est la possibilité d’une véritable liberté, réussissant là où tous les autres modèles ont échoué : l’auto-régulation. Car contrairement aux idées reçues, si la liberté sur le web n’est pas l’absence de contraintes, elle correspond beaucoup plus à la création et la réinvention perpétuelles des codes qui le régissent. Internet se compartimente spontanément, laissant tout le loisir des extrêmes à 4Chan, des interactions sociales à Facebook, et du partage du savoir à Wikipedia. Sans tyrannie aucune, si ce n’est celle du bien commun, si bien décrite finalement par la célèbre marque de fabrique de Google : “Don’t do evil”. Il trie, compartimente et range les informations, les personnalités et les collaborations selon ses propres modèles, en perpétuelle réinvention.

Sur Internet tout s’invente, même la liberté. Alors nécessairement, la tentation est forte d’y apposer les lois, les règles, les diktats de notre chère troisième dimension. Mais tout s’y oppose naturellement parce qu’Internet est plus qu’un réseau : il est un nouveau modèle de pensée, un système qui n’aspire pas au contrôle mais plutôt à l’ouverture à l’échange universel. Les règles y apparaissent et y disparaissent sans remords, sans besoin d’une action extérieure et explicite, ne répondant qu’au besoin d’évolution et de préservation de cette “société alternative”.

Finalement, Internet, c’est la possibilité d’une île. D’un delirium libertaire ici et maintenant. Un banc de terre perdu sur un océan d’identités, de différences et de conflits, qui comme ses alter-egos de la troisième dimension se trouvent menacées par la bêtise humaine, les raccourcis et l’avidité. Internet c’est la preuve que d’autres idées et d’autres mondes sont possibles, si on se donne une chance de les envisager comme autant d’îles.

Billet publié initialement sur Mon écran radar sous le titre Internet ou la possibilité d’une île

Illustrations Flickr CC Leonard John Matthews, Matt Westervelt et Guineves

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Culture porn japonaise : 4Chan se frotte au Hentai http://owni.fr/2011/02/14/4chan-manga-porn-hentai/ http://owni.fr/2011/02/14/4chan-manga-porn-hentai/#comments Mon, 14 Feb 2011 10:00:04 +0000 Patrick Peccatte http://owni.fr/?p=46091 Quand on lit les articles consacrés à 4 chan, y compris ceux publiés sur ce blog, on pourrait croire que ce site de partage d’images ne présente guère d’intérêt que par son célèbre board /b/. Cependant, si /b/ est bien le groupe le plus populaire et génère une grande partie du trafic de 4chan, la plate-forme demeure comme elle l’était à son origine un moyen actif d’échange et de discussion sur les mangas et animes japonais ainsi que sur l’ensemble de la culture populaire associée à ces productions graphiques. Il existe ainsi plusieurs boards regroupés sous le titre Japanese Culture qui ne sont d’ailleurs pas tous dédiés à l’échange de mangas. Ainsi, le groupe Cosplay & EGL (Elegant Gothic Lolita) est destiné aux discussions et images de jeux costumés sur les personnages de mangas.

Avertissement: le texte qui suit décrit de manière explicite certaines productions pornographiques dessinées ou enregistrées (photos, films) et contient plusieurs liens vers des images réservées à un public adulte (NSWF comme on dit en argot Internet).

Parmi les groupes réservés aux adultes, 4chan en propose 5 dédiés au hentai, c’est-à-dire aux mangas et animations à caractère pornographique: un board Hentai générique, Ecchi (plutôt érotique, non explicite et considéré comme la version soft du hentai), Yaoi (homosexualité masculine), Yuri (homosexualité féminine) et enfin Hentai/alternative. Ce dernier board regroupe les personnages les plus étranges parmi lesquels nous nous intéresserons ici uniquement au Futanari (figure féminine ayant un pénis masculin démesuré et capable d’éjaculations niagaresques), au Bakunyuu (figure féminine dotée de seins gigantesques et prolifiques) et enfin au genre Shokushu ou Tentacle représentant des monstres lubriques dotés de tentacules et dont l’origine remonte peut-être à un célèbre dessin d’Hokusai.

Tako to ama (Le poulpe et la chasseuse de perles, plus connu sous le titre: Le rêve de la femme du pêcheur), Hokusai vers 1820

Cette description rapide des certaines formes de hentai ne prétend pas être exhaustive ni même très précise. Elle reprend simplement une typologie couramment utilisée sur les multiples sites et blogs spécialisés. Ainsi, le site d’imageboards pornographiques fapchan [sic], dédié à la fois aux photos et aux dessins, utilise deux catégorisations distinctes pour chacun de ces types d’images et reprend une nomenclature hentai pour les dessins. Les catégories et sous-catégories du genre hentai sont cependant bien plus compliquées que cet aperçu, et pour en savoir plus, on lira avec intérêt l’excellent article A Short History of Hentai par Marc McLelland, les billets consacrés au japorn sur Le Tag Parfait (le site de la « culture porn »), ou bien encore cette liste de termes de hentai. Toutes les associations et mutations entre ces propositions graphiques sont aussi représentées, et le lecteur plus audacieux peut aussi consulter quelques sites: ici (en français), ou et (en anglais).

Si l’on se tourne maintenant du côté des sites probablement plus connus qui diffusent des contenus pornographiques enregistrés (photos ou vidéos), on constate par contre qu’ils ne proposent guère, dans le meilleur des cas, qu’une seule catégorie fourre-tout pour le hentai alors que leurs typologies des contenus non dessinés sont bien plus élaborées – cf. par exemple ces différents tubes: ici, ici, ici, ou ; l’un des plus connus ignore même totalement le hentai.

On constate donc une ligne de partage assez nette entre le hentai qui dispose de ses canaux internet spécifiques et la pornographie habituelle, proposant des contenus enregistrés, qui ne s’est pas encore véritablement approprié les productions dont nous parlons. Ceci reflète très certainement un clivage entre deux publics bien distincts.

Le hentai incarné

Le hentai utilise toute la palette des médias modernes: animations, dessins, jeux vidéos (eroge), Second Life, montages photoshops, etc. Il existe aussi certaines adaptations soi-disant cosplay, c’est-à-dire jouées par des femmes et des hommes (plus rarement) vaguement déguisés selon les productions graphiques de référence. À vrai dire, la dénomination cosplay semble dans ce cas usurpée puisque ces adaptations, qui relèvent de facto de la pornographie enregistrée (photo ou vidéo), mettent en scène des actrices et acteurs rémunérés (probablement des professionnels de l’industrie pornographique dans la plupart des cas).

Eroge

Ces transpositions photographiques ou vidéos d’univers dessinés, ces hentais incarnés, ne peuvent être réalisées qu’à partir de certains types d’images dessinées qui ne soient pas trop invraisemblables (exemples ici, ici, , ). Les genres ecchi, yaoi et yuri en particulier se prêtent mieux à ces adaptations que des hentai particulièrement extravagants où la figuration humaine serait impossible, sauf à utiliser de très coûteux effets numériques incompatibles avec la rentabilité à court terme recherchée par l’industrie pornographique. Les genres tentacle et futanari en particulier n’échappent pas aux inventions graphiques improbables dont l’adaptation avec des êtres humains reste inaccessible et surtout non rentable (voir respectivement ici et ).

Les versions dessinées et photographiques du hentai sont très souvent diffusées sur des supports internet distincts. Elles semblent s’adresser à différents publics, un peu comme si chacun de ces média générait un univers fantasmatique autonome. Les hentais dessinés et les hentais incarnés se côtoient mais ne se mélangent pas vraiment. Ainsi, il n’est pas bien vu de publier des versions photographiques sur les groupes mangas de 4chan; on s’expose alors à des commentaires désobligeants. Et pour le genre futanari, le site fapchan dont nous avons déjà parlé distingue soigneusement deux boards, drawn futanari d’une part et dickgirls, trans et photoshopped d’autre part.

Les productions de hentai incarnés les plus extravagantes sont pratiquement toutes nippones et mettent en scène des actrices et acteurs japonais. Pour nombre d’entre elles, disons-le franchement, elles semblent véritablement grotesques et même un peu perturbantes pour un public non japonais. Le genre tentacle en particulier parait être totalement autochtone et n’a apparemment jamais intéressé l’industrie pornographique occidentale (lire aussi ce billet sur Le Tag Parfait).

Futanaria et Mastasia

L’incarnation du futanari a d’abord été effectuée de manière basique sous la forme de fakes, d’images photoshoppées (ici, ici, ). Le procédé a même reçu le nom de futinization.

Les progrès réalisés par les équipementiers spécialisés ont ensuite permis l’apparition de vidéos qui mettent en scène des actrices grimées en futanari. Futanaria est le site commercial le plus connu proposant ce type de matériel graphique; plusieurs de ses productions sont disponibles sur différents tubes, par exemple ici, ici et .

Futanaria existe depuis 2008. Le site commercialise actuellement plus de 70 clips vidéos qui mettent en scène une trentaine de modèles dont l’accoutrement rappelle le cosplay hentai. Un site associé, Mastasia, propose également des clips inspiré du bakunyuu.

Ces courtes vidéos constituent de rares exemples d’adaptations de hentai réalisées par l’industrie pornographique occidentale. Les codes les plus évidents des genres dont elles s’inspirent sont respectés: engins démesurés et sécrétions démentielles, mises en scènes très approximatives, habillements stéréotypés et couleurs vives, absence de décors dans des intérieurs unis qui rappellent les aplats du dessin, cohérence des personnages d’une scène à une autre (les modèles disposent toujours du même équipement pneumatique personnalisé). Aucun « bêtisier » ou bonus n’est proposé, comme pour laisser croire qu’il s’agit de scènes tournées sans trucages. L’objectif est de rendre crédibles ces personnages et leurs activités improbables. Pourtant, l’artifice est manifeste non seulement dans les proportions des ustensiles employés mais aussi dans leur irréalité. Leur taille en effet ne varie pas au fur et à mesure de la progression de la scène vers l’acmé prolifique. Les mutations et croisements sont aussi au rendez-vous et quelques dispositifs à double pénis ou associations futanari+bakunyuu figurent aussi dans ces propositions filmiques.

Les amateurs de hentai dessinés sont partagés envers ces adaptations: ils apprécient ou détestent franchement.

À la différence d’autres adaptations de hentai au monde réel, comme pour le genre tentacle évoqué plus haut, les performeuses de ces sites ne sont pas japonaises mais représentent la variété de la société américaine – les modèles sont blanches, noires, métis, latinas, asiatiques.

L’appropriation occidentale de la porn culture japonaise

Dans un récent billet, André Gunthert compare quelques rares images fixes du prochain film de Spielberg sur les aventures de Tintin avec leurs modèles chez Hergé. Il aborde brièvement les conditions du succès de l’adaptation au cinéma d’une bande dessinée et conclut qu’ « un bon film est d’abord une proposition d’imagerie qui convainc en dehors de tout référent ».

Débarrassé de toute connotation esthétique, de toute allusion à ce que peut être un “bon” film et aux moyens mis en œuvre pour parvenir à une adaptation accomplie, ce sont ces concepts d’imagerie convaincante et de référent que l’on retrouve en fait à propos de la transposition du hentai en vidéo.

Le hentai incarné oscille entre fake et réalité. Certains genres demeurent essentiellement japonais (tentacle) tandis que d’autres ont réussi une migration et ont été adaptés au public occidental par l’industrie pornographique (futanari, bakunyuu). Ces adaptations peuvent fonctionner avec un référent ténu et même imperceptible pour le spectateur qui découvrirait ces productions sans connaître leurs modèles dessinés.
La récupération par l’industrie pornographique devient possible et commercialement rentable parce qu’elle a été précédée par une appropriation de certaines variantes bien spécifiques du hentai qui apparaissent comme des extrapolations de catégories « classiques » bien connues du spectateur habituel. Exprimé de manière triviale, Futanaria c’est du shemale++ et Mastasia du bigboobs++.

L’imagerie proposée ne convainc peut-être pas vraiment, mais elle fonctionne, elle est efficace selon le seul critère qui compte dans ce secteur, rappelé par l’illustration 4chan de l’adage The Internet is for porn. Elle s’insère dans une catégorisation bien établie, créant ainsi les conditions de l’adoption de nouveaux référents. Nous assistons bien ici à une récupération de certaines formes spécifiques de la porn culture japonaise par une industrie capable d’en proposer des variantes recevables sur son marché.

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Publié initialement sur le blog Déjà Vu-Culture Visuelle, sous le titre : Dessins incarnés, le cas du Hentai
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Crédits photos : Via Wikimedia Commons [Domaine Public] par Hokusai : The dream of the fisherman’s wife et Shunga-Masturbation-Voyeurisme ; Via Flickr en cc-by-nc-sa : Persocomholic ; Knowyourmeme

Photo de Une Marion Kotlarski, CC pour OWNI :

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“Bonjour, vous avez demandé les Anonymous” http://owni.fr/2011/02/01/bonjour-vous-avez-demande-les-anonymous/ http://owni.fr/2011/02/01/bonjour-vous-avez-demande-les-anonymous/#comments Tue, 01 Feb 2011 14:07:03 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=44895 Petit génie du web, “soupçonné d’avoir participé à une cyberattaque internationale”, passionné par l’informatique depuis qu’il a 6 ans, et même cerveau des vengeurs de WikiLeaks. Depuis quelques jours, la presse s’emballe autour du cas d’un adolescent auvergnat de 15 ans, entendu par la police il y a six semaines à propos de son rôle dans la réponse pro-WikiLeaks: au mois de décembre, alors que plusieurs organismes bancaires tels que Visa ou MasterCard avaient décidé de couper l’approvisionnement du site de Julian Assange, les Anonymous avaient massivement riposté en lançant une série d’attaques par déni de service (DDoS), paralysant les sites des entreprises incriminées. Et à en croire certains, c’est un hacker français pas encore majeur qui aurait coordonné l’opération depuis l’ordinateur familial, “au milieu des t-shirts et des chaussettes sales”.

Ca vous rappelle quelque chose? En mars, François Cousteix, un jeune Auvergnat – déjà – répondant au nom de Hacker-croll, avait été interpellé, soupçonné de s’être introduit frauduleusement sur un système de données, en l’espèce le compte Twitter de Barack Obama. Et tandis que le FBI arpentait les vallons clermontois, le procureur lui-même dégonflait la baudruche. “Ce n’est pas un pirate, le costume est trop grand pour lui”, reconnaissait-il.

Dans un contexte médiatique où l’attention se concentre sur les “mystérieux Anonymous”, la fascination inhérente au secret qui les entoure percute de plein fouet les grilles d’analyse traditionnelles. Première représentation: tout mouvement a un leader, et les Anonymous ne devraient pas échapper à la règle. En dehors du fait que l’article du Figaro ait été écrit par un journaliste membre du Groupe de contrôle des fichiers de police et de gendarmerie présidé par Alain Bauer, déjà célèbre pour ses dithyrambes pro-sécuritaires (qui sont loin de faire l’unanimité), force est de constater que les strates d’Internet n’ont pas encore révélé tous leurs secrets aux journalistes-spéléologues. A titre d’exemple, personne ne s’est demandé comment ce jeune homme avait pu être tracé par les autorités, alors même que LOIC (Low Orbital Ion Cannon), le logiciel qui permet de lancer des attaques DDoS en deux clics, a montré de cruelles failles de sécurité, dévoilant l’adresse IP du belligérant.

“Certains contrôlent l’infrastructure”

Selon Gabriella Coleman, anthropologue et professeur à la New York University et spécialiste du phénomène, “il faut se méfier du sensationnalisme et de la mythologie”. Si elle reconnait que ces erreurs d’appréciation “ont été dans l’air du temps depuis des décennies, et devraient persister encore longtemps”, il est plus que nécessaire de faire un effort d’analyse dès lors qu’on se penche sur le cas très particulier des vengeurs-masqués-transfuges-des-interwebs.

“Les Anonymous ne sont pas un groupe structuré ou homogène, mais ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de rôles définis, précise d’emblée Coleman, qui avait publié un article très intéressant sur The Atlantic au mois de décembre, embarquée avec les Anon pendant l’Operation Payback. “Certains ont un rôle technique, ils contrôlent l’infrastructure, les serveurs IRC (Internet Relay Chat, services de messagerie en temps réel utilisés pour planifier et coordonner les attaques, NDLR)”. Car c’est sur ce genre de plateformes collaboratives, à laquelle on peut ajouter PiratePad, que se “noue le consensus” entre tous ces internautes hétéroclites.

Sophistication politique

Mais alors, comment expliquer ce regain d’intérêt pour les Anonymous, dont le dernier fait d’armes remontait à 2008 et ce grand combat contre l’Eglise de Scientologie? En décidant de défendre WikiLeaks au moment où les projecteurs étaient braqués sur Julian Assange et son organisation, ils ont donné une nouvelle ampleur à la fameuse Operation Payback, lancée en septembre contre les sites américains d’ayants-droit. Et depuis, ils accompagnent les soulèvements arabes, en Tunisie ou en Egypte, jouant les trouble-fêtes quand l’Internet s’éteint. Gabriella Coleman y voit un phénomène de diversification:

Les Anonymous sont politiquement plus sophistiqués qu’avant. Ils sont passés du statut de troll à celui de militants. Les utilisateurs de 4chan (l’imageboard qui a vu naître le mouvement) ne sont plus seuls, on recense également des geeks lecteurs de Boing Boing ou des activistes technophiles locaux.

Finalement, le meilleur moyen d’appréhender la présence et l’action des Anon, c’est d’évoquer les chiffres plus que d’organiser le storytelling autour de l’arrestation d’un adolescent, qui tend à faire croire que les Anonymous sont des millions de soldats numériques connectés en armée invisible. Selon les estimations de Coleman, on a recensé des milliers d’Anon au plus fort de la bataille contre les organismes bancaires. Aujourd’hui, dans les nuages entre Le Caire et Tunis, 252 canaux IRC sur le serveur principal draineraient entre 365 et 400 personnes.

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Crédits photo: Flickr CC Anonymous9000, Ben Fredericson

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La fabrique des images sur 4chan http://owni.fr/2010/11/22/la-fabrique-des-images-sur-4chan/ http://owni.fr/2010/11/22/la-fabrique-des-images-sur-4chan/#comments Mon, 22 Nov 2010 15:52:21 +0000 Patrick Peccatte http://owni.fr/?p=36620 L’Internet vient de vivre une guerre picrocholine entre le board /b/ de 4chan et la plateforme de micro-blogging tumblr. Plusieurs channers ont en effet reproché à des utilisateurs de tumblr de mettre en ligne sur leurs blogs des images provenant de 4chan sans mention de leur origine. Ils ont alors organisé une attaque par déni de service contre tumblr. Les observateurs du phénomène étaient un peu consternés de découvrir à cette occasion un réflexe d’appropriation de contenus visuels produits collectivement et anonymement.

Les /b/tards de 4chan ont en effet la réputation de créer et de faire circuler de nombreux mèmes visuels. À tel point que le site dans son ensemble est parfois qualifié d’usine à mèmes. Le créateur de 4chan, Moot (Christopher Poole), a lui-même décrit la plateforme en ces termes lors d’une intervention partiellement retranscrite

Si la question de l’accès à la notoriété des créations graphiques de 4chan retient nombre d’observateurs, les processus de création des nouvelles images sont par contre très rarement abordés et jamais réellement expliqués, sauf à utiliser l’expression vague de « création collective ». À lire certains articles, 4chan serait une sorte de chaudron magique produisant sporadiquement des mèmes visuels issus d’une sorte de cerveau collectif dont le fonctionnement est obscur et ne présente guère d’intérêt.

Nous avons montré dans un article précédent que les images qui transitent par 4chan proviennent pour l’essentiel du Web ouvert habituel. Nous écrivions en conclusion de nos observations que le caractère sulfureux de ce site provient en grande partie de l’accumulation d’images en un endroit unique et de leur détournement, malaxage et transformation sur cet espace. Mais pourquoi et comment sont constamment réalisées ces transformations, ces fabrications de nouvelles images sur 4chan ?

The Internet and /b/ (sélection)

Nous décrirons ici les principaux procédés qui conduisent à l’apparition de nouvelles images ou de nouveaux usages iconiques sur 4chan et tenterons d’expliquer les conditions de leur succès sur le site lui-même. Cette activité soutenue mais brouillonne, faite de tâtonnements et d’essais plus ou moins heureux, est en effet préalable dans bien des cas à la constitution (éventuelle) de nouveaux mèmes visuels sur Internet.

Rappelons tout d’abord que les contenus postés sur 4chan sont extrêmement volatiles. Plusieurs centaines de posts arrivent chaque jour sur le board /b/ et un thread (un fil de discussion, nous conserverons le terme anglais dans la suite de ce billet) ne reste visible que très peu de temps, de quelques heures à quelques jours. Il n’est pas possible dans ces conditions de mentionner ici directement des références à des threads ou à des images. Nos observations ont donc été réalisées en grande partie (mais pas seulement) sur le site d’archives partielles 4chanarchive qui effectue une sauvegarde des threads les plus intéressants (les epic threads) sélectionnés par des participants et par un collectif de “curateurs” (plus de précisions ici).

Tous les liens que nous mentionnons par la suite renvoient ainsi à des threads archivés sur 4chanarchive. Ils sont cités ici avec leur titre tel qu’il figure sur ce dernier site, mais ce nom bien sûr ne figurait pas à l’origine sur 4chan.

Il est important de comprendre la structure d’un thread qui commence toujours par une image accompagnée d’une invitation à discuter. Celle-ci est souvent formulée de manière stéréotypée : Discuss, X thread, Tell me X, Rate my X, How is X, It’s X time, X tiem (altération de X time), Your face when X, Sauce, Dump, Hey /b/, /b/rother, What does /b/ X, Any X fags here, etc., où est X est le sujet du thread.

Pour comprendre les modes de fabrication de ces images, on ne doit pas négliger les discussions associées qui éclairent bien souvent les orientations et les choix iconographiques effectués par les participants. Il existe par ailleurs des threads pratiquement dénués d’images. Ce sont essentiellement des discussions, des joutes ou des concours, par exemple de poésie farfelue (Poetry), de chanson (Song Time), de résumés d’œuvres littéraires en quelques mots (Story Summaries), des séries d’histoires sur un thème (Retarded Customer Stories), ou même des propos émouvants dont on ne peut savoir s’il s’agit de fakes (brother Says His Goodbye), etc.

Image issue du thread "Birds!!!"

Même les threads peu imagés sont rythmés par des méta-illustrations qui les ponctuent de temps à autre. Il s’agit d’images figurant l’approbation (brilliant, I like this thread, X approves, etc.), la désapprobation, le rire, l’identification d’une provocation (troll), des avertissements (no spam), etc., ou même des images analogues aux signes phatiques du langage et qui n’ont d’autre but que de « relancer la machine ». Pour certains threads, ces méta-illustrations sont parfois plus originales que les images en contexte.

Un thread archivé comporte en moyenne de 50 à 150 images. Toutes ne sont pas, loin de là, en rapport avec le post l’ayant initié. De même que les réponses textuelles au post initial et les conversations qui s’ensuivent peuvent être en contexte ou totalement hors contexte, il existe de nombreuses “pic unrelated” dans les threads (en plus des spams déjà mentionnés). Tant en ce qui concerne le texte que l’iconographie déployée, le point d’arrivée d’un thread peut être tout à fait différent du sujet de départ. Les changements fréquents de sujet constituent l’une des caractéristiques de /b/ dont la dynamique principale, sur le plan visuel, est bien la recherche des images exploitables, celles qui possèdent un fort potentiel de détournement.

La focalisation sur ce type d’images entraine aussi parfois la manifestation explicite ou implicite d’une volonté de “faire du même à tout prix”, concrétisée par les forced memes.

Après ce bref rappel sur la constitution des threads, examinons quelques mécanismes utilisés pour fabriquer de nouvelles images. Nous en avons recensé une trentaine décrits ci-dessous suivis de quelques exemples:

Collections

Ces nombreux threads sur des sujets très divers constituent d’importants lieux de découvertes d’images « brutes » qui seront ultérieurement transformées dans d’autres threads.
Become Useful, Thor, Stencilfags, BIRDS!!!, Ladies Tied To Other Ladies,  Knock-Off Bootlegged Shit, Mods Are Asleep; Post Tea Cozies, George Bush’s handshakes, Robot Unicorn Attack Comics, Infothread (voir aussi Info Thread No. 9001),  Epic Art Thread , accident gifs (gifs animés d’accidents).

Images curieuses

Atypical Photography, Weird, But Fascinating Pics, Kick Shoop (jouets et gadgets curieux)

Image issu du thread "Weird but fascinating pics"

Wallpapers

Epic Wallpapers, Scenic Route Wallpaper

Collections lol sur un thème

Stormtroopers, Lolporn (gifs animés), Nostalgia Tiem (thème revenant plusieurs fois, cf. Moar Nostalgia), Cornography,  Overthrowing Our Metallic Overlords, Oldfags Inherit the Earth

Ajouts de légendes sur une image proposée

Courage Wolf’s Son (à partir du même Courage Wolf et avec une incitation à produire un nouveau mème), Advice Shepard, GTA: SA Nostalgia

Ajouts de légendes sur des images choisies selon un processus pseudo-aléatoire

Cancer Cure et Cancer Cure Part 2, images réalisées à l’aide du cadre Motivator (autre outil fréquemment utilisé: Memegenerator)

Sujet variable, manifestation du hasard

Epitome of Random,  random band names, most random thread of 2007

Ajouts de légendes et titres sur des dessins détournés

Asshole Jesus (devenu mème sous le nom Jesus is a Jerk), SoniComics (et son mème Sandwich Chef), Tapestry (avec de nombreuses reprises: tapestrybayeaux [sic] tapestry time; devenu une image-macro, voir ici)

Image issue du thread "Asshole Jesus"

Modèles à compléter, stéréotypes

4chan Drinking Card Game (Updated), Spidey/Venom OC,  Division By Zero

Montages selon une règle imposée

Combo Advice

Détourage et collage

Keanu et Sad Keanu,  Let’s Have Some Fun (la partie vide est un modèle), Face replace (remplacement de visages), Kick Shoop, Cool Guy Is Cool, Shearing Teeth, Kobr ’shopped

Ajout d’éléments sur des images

Iz Dat Sum OC? (ajout de lunettes, v. aussi les parties 2 et 3, devenu le mème Holdy), draw rockets on fish, Awesome Animals With Frickin’ Laser Beams Attached To Their Heads

Ajouts d’éléments et déformations

Can You Make Me Look Less Fat?, Shooping Girls

Associations d’images sur un thème

Pee Wee’s Secret Word: “Nigger”, Oceanfags Report In, Photobomb, 4chan Inc.

Créations de dessins et variations d’images

Epic Green Guy (voir aussi Gentlemen, décliné en plusieurs threads et devenu un même), Draw Desktop Icon In 30 Seconds, Draw Like You’re 5, Draw Trollface From MemoryBeer Drinking Owl, Anti-Recycling Signs, Stuck On The Top Of A Stone Pillar, How /b/ digs out of a hole (sur un thème imposé)

Demande de manipulation d’images

Faggots Becoming OP’s Personal Army, World Leaders Converse (demande détournée vers un autre mécanisme créatif jugé plus intéressant)

Micro roman photo en quelques images, montage vertical

Moar Verticals, Verts

Descriptifs excessifs

Too Much Win

Parodies de poèmes ou de chansons

Hitler Rhapsody,  Hitler Sings To /b/, The /b/tles

Illustrations de phrases célèbres

Favorite Movie Quotes

Légendes sur des dessins animés ou des mangas

Blowing This Bubble, DBZ Puns

Cinéma

/b/’s Favorite Movies, anybody seen that movie… (création de titres), Renamed Movies That Sound Horrible

Illustrations sur une phrase récurrente (catchphrase, motto)

Lol, You Can’t, Haters Gonna Hate Variations (catchphrase devenu mème), Classic Innuendoes (et seconde partie), Don’t Know Much, things /b/ hates, Ted2010, I love

Illustrations sur un modèle de phrase

I __ While I __

Rule 34, rule 35 (s’il n’existe pas de version pornographique d’une image, elle doit être créée)

best of rule 34, epic rule 34

Planches-contact (en général pornographique)

Ariel Rebel

Variations sur un mème visuel produit sur /b/

moot Kills EFG (note: EFG = Epic Fail Guy)

Histoire parodique développée le long du thread

Argentina Vs Britain, Poor Germany (histoire de la Seconde Guerre mondiale), Julius Caesar

Jeux sur les numéros de post

Foar Science

Autodérision envers 4chan, thread introspectif, 4chan et le reste d’Internet (v. illustration ci-dessus)

4chan Comparisons, DBZ Puns, 4chan movie casting

À propos de Moot

Moot message, moot fanmail, moot At Datacenter

Cette liste ne prétend évidemment pas être exhaustive. Les procédés recensés ne sont pas non plus uniformément utilisés dans un même thread et plusieurs créations graphiques peuvent être issues de l’application successive de divers mécanismes (et il n’est pas toujours facile d’en reconstituer l’historique).

Les procédés en question ressemblent en fait à des recettes ludiques simples dont l’objectif est de produire à grande vitesse des images exploitables et susceptibles de capter l’attention (cf. le concept de prosécogénie introduit par André Gunthert). Les jeux visuels produits ainsi collectivement ressemblent à ces créations verbales ou textuelles que les anglo-saxons nomment round robin. On pourrait aussi les comparer à des histoires racontées par une assemblée de scouts autour d’un feu de camp où les épisodes sont complétés successivement et très rapidement par chacun des participants.

La dimension temporelle est très importante. Comme nous l’avons déjà signalé, un thread ne dure pas longtemps. Il existe ainsi une logique interne du développement du thread où les intervenants se répondent, s’interpellent, s’injurient, à l’aide de mots et d’images, dans une course contre le temps. Il s’agit de faire reconnaître les nouvelles créations dans un fatras qui disparaît rapidement. Le pari est gagné quand une image apparue dans un thread est reprise dans un autre. En ce sens, les demandes d’archivages qui interviennent lors du développement des meilleurs threads peuvent être vues comme une consécration. L’archivage permet de pérenniser l’éphémère et fonctionne comme l’antichambre du mème visuel. La fabrique des images sur 4chan est essentiellement un processus d’accrétion dans un ensemble de flux volatiles où l’image agglomère de nouveaux usages; elle s’autonomise ainsi en subissant des transformations et des associations inédites.

Article initialement publié sur Culture Visuelle

Illustration de Une CC FlickR par RedHerring1up

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http://owni.fr/2010/11/22/la-fabrique-des-images-sur-4chan/feed/ 9
Gene Simmons (KISS): visionnaire à 30 ans, réactionnaire à 60 http://owni.fr/2010/11/19/gene-simmons-kiss-visionnaire-a-30-ans-reactionnaire-a-60/ http://owni.fr/2010/11/19/gene-simmons-kiss-visionnaire-a-30-ans-reactionnaire-a-60/#comments Fri, 19 Nov 2010 16:59:09 +0000 Valentin Squirelo http://owni.fr/?p=28143 Cette semaine se déroule la 5eme édition de M for Montreal, festival visant à favoriser l’export des nouveaux talents canadiens. Des délégués du monde entier se sont réunis dans la capitale pour assister aux nombreux concerts et aux différents moments dédiés à l’échange de carte de visite.

OWNImusic s’est embarqué sur place pour vous ramener quelques perles musicales à découvrir dans les semaines qui viennent… et vous tenir au courant de ce qui se passe par la bas.

Pour l’ouverture du festival, l’organisation a frappé un grand coup. Rien de moins que Gene Simmons, charismatique bassiste de KISS et business man accompli, resté dans les mémoires pour ses nombreuses provocations. Il est également présent tout au long du festival, accompagné des équipes de son reality-show, “Gene Simmons, Family Jewels”. Tout un programme.

En attendant les bijoux de famille de l’ex-démon, conférence de presse et débat sur le branding entre Gene Simmons et le cofondateur de l’agence de communication Sid Lee. Une bonne occasion de se pencher sur cette figure majeure de l’industrie musicale, malheureusement ancrée dans un autre temps.

Visionnaire à 30 ans

Musicien autodidacte et fan de comics, il créé en 1973 le groupe KISS avec Paul Stanley. Dès le début, Gene Simmons prend un main le développement commercial de son groupe. En ligne de mire, un seul objectif: devenir des rock stars. Pour y parvenir, il se fixera pour ligne directrice de faire de KISS une marque.

Le groupe de hard rock va dès le début jouer sur l’identité de ces quatre membres: maquillage délirant et surnoms dignes de stars du catch (The Demon, Starchild, The Catman et The Spaceman). La renommée du groupe explose fin 1975 avec l’album Alive!, qui les propulse en tête des charts. C’est le début de la KISSmania et des concerts spectaculaire, remplis d’effets pyrotechniques, qui donneront définitivement un autre sens au concept de rock star.

Gene Simmons va développer les licences et le merchandising (plus de 2 500 produits différents à leur nom aujourd’hui) qui vont donner du poids à la marque KISS et générer des centaines de millions de dollars. La marque a d’ailleurs été évaluée à plus de 1 milliard de dollars.

Au delà de cette stratégie de marque, Gene Simmons a également été également mis en place un véritable plan de conquête et de fidélisation de ses fans. Bien avant que le “direct to fan“ou la “fan base” soient prononcés dans chaque réunion de consultant en marketing muscial, KISS a innové en développant une street team, la KISSarmy. Une communauté de fans qui aura servi plus que toute campagne de pub la carrière et la notoriété du groupe.

En créant cette expérience globale autour de KISS, Gene Simmons a réussi à valoriser son groupe bien au delà de la seule musique, en témoigne les nombreux fans présents à Montreal ces jours ci pour l’apercevoir. Pourtant, il semble qu’on ne puisse pas rester visionnaire toute sa vie.

Réactionnaire à 60 ans

L’ancien modèle est le seul modèle qui marche

Cette phrase, prononcée lors de sa conférence de presse, résume bien la position de Gene Simmons sur l’évolution des usages de consommation de musique à l’heure d’Internet. Farouche opposant au téléchargement illégal, il s’est illustré par de sulfureuses déclarations ces dernières années.

En 2008, répondant à la question d’un journaliste à propos de l’éventuelle sortie d’un nouvel album de KISS, Gene Simmons a déclarait :

Elle est six pieds sous terre, et malheureusement ce sont les fans qui ont ont fait ça. Ils ont décidé de télécharger et de partager des fichiers. Il n’y a plus d’industrie du disque autour de nous donc nous allons attendre que tout le monde se mette d’accord et devienne civilisé. Dès que l’industrie du disque remontre le bout de son nez nous enregistrerons de nouveaux morceaux.

Il a également fustigé le groupe Radiohead, l’accusant de causer rien de moins que “la mort de la civilisation”en distribuant en pay what you want (prix libre) leur album “In Rainbows”.

Plus récemment, lors du MipCom 2010, salon international du contenu audiovisuel qui se déroulait à Cannes, il a confirmé:

Faites en sorte que votre marque soit protégée. Soyez certains qu’il n’y a itaucune incursion. Soyez litigieux. Poursuivez tout le monde. Prenez leur maison, leur voiture. Ne laissez personne franchir la ligne.

Il a aussi reproché à l’industrie du disque de ne pas avoir “eu les couilles de poursuivre chaque adolescent qui a téléchargé de la musique“.

Réaction immédiate du groupe anonymous sur 4chan, de nombreuses attaques DDoS (plusieurs dizaines de milliers de connexions simultanées sur un site Internet) ont bloqué l’accès à son site personnel et à celui de son label, Simmons Record. Le FBI a d’ailleurs ouvert une enquête à ce sujet début novembre

La classe, c'est dans les détails...

C’est bien le même personnage que nous avons eu l’occasion de découvrir à Montréal.

Il n’a eu de cesse de faire l’apologie du dépôt de marque (trademark), encourageant à déposer le moindre nom, geste ou concept. Pour lui, c’est une aberration qu’un pays comme le Canada n’ait pas déposé son drapeau en tant que marque, se privant de milliards d’euros de royalties sur l’exploitation du visuel. Il a également conseillé à l’église catholique de trademarker la croix, ce qui permettrait à cette dernière d’arrêter de quémander de l’argent.

Suffisant et provocant, il a réitéré mot pour mot ses précédentes déclarations, et promis qu’il allait rétablir l’ordre au sein du chaos généré par internet, et faire emprisonner tout ceux qui partagent la musique sur internet.

Ouvre les yeux Gene !

Gene, il faut qu’on te tienne au courant : la musique est désormais libre et partageable, de fait. On peut le regretter, on peut s’en réjouir, mais une chose est sur, c’est établi désormais.

La musique est un language universel et Internet connecte aujourd’hui les hommes et les cultures. Ça y est, la rencontre s’est faite. Un melting pot magnifique est en pleine naissance, toutes les influences s’enrichissent et jamais il n’y a eu une telle profusion de musique.

Rien n’arrêtera cette révolution culturelle, et c’est tant mieux.

On peut s’accrocher à l’ancien modèle et se plaindre, mais ce serait nier les cycles économiques qui redistribuent les cartes régulièrement. Edith Piaf se plaignait de l’arrivée des vinyls et des Teppaz (platines avec haut parleur) dans les années 50, les accusant de ruiner les artistes qui vivaient de la scène, en proposant un accès facile et peu onéreux à des enregistrements. On sait aujourd’hui l’envolée spectaculaire que cette évolution technologique a permis, donnant naissance à l’industrie du disque.

Ce sera la même chose dans les années qui viennent. Certes cela bouscule tout, obligeant l’industrie à se restructurer, des métiers disparaissent, d’autres émergent.

Nous passons d’une période prospère mais éphémere où l’on vendaient à la pelle des CDs à une période où nous devons réinventer de nouvelles manières de valoriser la musique.

Une chose (une encore…) est sure: les réponses seront aussi nombreuses que les moyens d’écoute disponibles aujourd’hui. Il faudra réussir à créer une expérience autour des oeuvres musicales, développer des univers enrichis, et non plus se contenter de simples compilations de morceaux d’un artiste.

Internet et la technologie nous permettent de créer de la valeur au delà du simple fichier MP3 et de se connecter au monde entier, profitons-en Gene.

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Crédits photos CC flickr : Anirudh Koul

autres photos CC : @ownimusic

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http://owni.fr/2010/11/19/gene-simmons-kiss-visionnaire-a-30-ans-reactionnaire-a-60/feed/ 1
4chan vs Tumblr: la guerre a bien eu lieu http://owni.fr/2010/11/15/4chan-vs-tumblr-la-guerre-a-bien-eu-lieu/ http://owni.fr/2010/11/15/4chan-vs-tumblr-la-guerre-a-bien-eu-lieu/#comments Mon, 15 Nov 2010 21:14:45 +0000 Sylvain Paley http://owni.fr/?p=35823

Hier 4chan était en Trending Topics sur Twitter. Ce qui n’est, généralement, pas bon signe.


Que s’est-il passé? C’est simple. 4chan (en particulier /b/) accuse les bloggers de Tumblr de leur « voler » leurs mèmes.

C’est ni plus ni moins qu’une crise du lien frais, une crise du « trouveur » : Tumblr reprend des mèmes créés sur 4chan sans les citer. Pas sympa, mais le principe du mème – et de la culture « remix » – c’est qu’ils n’appartiennent justement à personne .

On trouve donc sur 4chan une série de 3 images décrivant les 3 étapes de « l’Opération Overlord », qui est censé être le protocole à suivre par les anonymous afin de gagner la guerre contre Tumblr.

Voici les 3 images :

La première phase consiste à se créer un compte, suivre et se faire suivre par des gens, et balancer du gore, du porn et du CP. La seconde phase appelle au piratage pur et simple de certains « gros » Tumblr. Enfin, la dernière étape, programmée dimanche, consiste en un DDOS sur Tumblr.

Je ne doute en aucun cas de la capacité des Anonymous à réaliser ces exploits, s’étant illustrés dernièrement dans des DDOS en série sur les sites des ayants-droits américain. Mais Tumblr srsly ?


Relativisons un peu maintenant. D’abord, le prétexte de la « guerre » n’est pas valable. Ou alors beaucoup plus profond que ça.

Cela importe peu aux /b/tards si l’on diffuse leur culture, même si ça les embête un poil de devenir mainstream. Les forces de 4chan sont : une communauté très exclusive et élitiste, un langage propre presque vernaculaire, et surtout une philosophie : lurk more. C’est à dire : passe des mois, des années à « lurker », à parcourir les threads, à utiliser le noko, le sage, les fonctionnalités techniques de la board, à comprendre les private jokes, à connaitre les mèmes, l’histoire de /b/, qui sont ou ont été les personnages clefs de /b/ etc.

Bref, pour devenir un Anon (contraction de anonymous), il faut des années. Et ça fait partie du rite initiatique de la communauté : pour être digne de prendre la parole et d’être écouté, il faut connaître le protocole sinon tu es un newfag.

La majorité des personnes qui blog sur Tumblr sont de jeunes internautes, des hipsters, qui comprennent tout à fait l’humour d’un mème, mais qui sont des « nouveaux-nés » sur internet, c’est en tout cas l’impression qu’en a 4chan. Des internautes lambda, qui publient sur une plateforme extrêmement simple d’utilisation, n’ayant aucune connaissance technique et surtout, pour la majorité, n’ayant aucune espèce d’idée de ce qu’est 4chan.


Ignorer 4chan, volontairement ou non, est la pire des insultes pour ces hackers de l’attention que sont les Anonymous. Voilà pourquoi /b/ serait vexé.

En fait, /b/ n’en a juste rien à foutre. Il doit à peine y avoir 30 mecs qui vont lancer le soft LOIC : ce qui n’a rien à voir avec un vrai DDOS étant donné que Tumblr n’est pas un petit blog perso hébergé chez OVH, mais une vraie boîte, avec des gros serveurs. Le vrai problème dans cette histoire, c’est qu’il faut arrêter de croire que 4chan est le même imageboard qu’en 2005.

Le principe de l’anonymat, c’est qu’il disparaît à partir du moment où l’on commence à en parler. Si l’on demande à un vieux de la vieille de 4chan ce qu’il pense de tout ça, il nous dira invariablement que /b/ meurt lentement du cancer qui le ronge, que ce cancer, c’est les puceaux du web, les newfags qui ne respectent pas les règles internes, qui n’ont aucune connaissance informatique, totalement incapable de hacker quoique ce soit. Tiens, on retrouve la description de nos hipsters sur Tumblr:

Si l’on devait résumer la situation on aurait ça :

Une douzaine de newfags essayent de hacker Tumblr, ils se font tailler par les Old Anonymous. De l’autre côté, toute la communauté Tumblr commence à flipper en pensant que « cette chose abstraite qu’est 4chan » s’apprête à les attaquer. Tumblr et Twitter sont assez liés pour que 4chan finisse en Trending Topic, défonçant la 1ère et 2ème “règles de l’Internet” (1. ne pas parler de /b 2. ne PAS parler de /b).

Ce qui est drôle finalement dans cette histoire, c’est que 10 adolescents, en faisant 3 pauvres images sur photoshop et en utilisant la réputation de 4chan, ont réussi à faire ce que les Anonymous font de mieux : troller.

Cinq minutes avant l’heure de l’attaque, Tumblr continuait de flooder /b/ et les newfags n’étaient décidément pas assez nombreux pour faire tomber Tumblr.

Ironie du sort, à 23h10, soit 10 minutes après que 4chan aie tenté le DDOS sur Tumblr, les bloggers ont tellement floodé /b/ que les mods, préventivement, se sont mis à   »404′d » la moitié de la board en supprimant systématiquement les posts.

Autant vous dire que les vannes vont bon train sur Tumblr.

Alors oui, c’est une tempête dans un verre d’eau : « Une sorte de match Geugnon – Plabennec dont seuls les habitants de ces charmantes villes peuvent en avoir quelque chose à foutre. » Comme on me l’a fait remarquer sur Facebook.

N’empêche que cet évènement fera date dans ces communautés, car pour une institution aussi vieille que 4chan, une défaite ne fait que confirmer ce que les Anons prédisent à qui veut l’entendre : Its not Lupus, its cancer. U mad /b/ ?

Peu après Tumblr semblait avoir lancé un DDOS sur la home de 4chan (ils auraient dû viser /b/) qui est down.

Puis les deux sites sont finalement tombés. Égalité.

Des petits malins de Tumblr se sont amusés à modifier les posters « Opération Overlord » et à remplacer l’IP de Tumblr par celle de 4chan. Si bien qu’au lieu de DDOS le site de blogging, les Anons ont ciblé leur propre board. Ironic ?


>> Article initialement publié sur Paperboyz.fr

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http://owni.fr/2010/11/15/4chan-vs-tumblr-la-guerre-a-bien-eu-lieu/feed/ 25
4Chan ou la nouvelle génération de hackers http://owni.fr/2010/06/14/4chan-ou-la-nouvelle-generation-de-hackers/ http://owni.fr/2010/06/14/4chan-ou-la-nouvelle-generation-de-hackers/#comments Mon, 14 Jun 2010 16:53:03 +0000 danah boyd (trad. Martin Untersinger) http://owni.fr/?p=18674 (Pour les newbies: si vous n’avez jamais entendu parler de 4chan, commencez par la page Wikipédia, pas par le site en lui-même. Il peut en effet heurter la sensibilité de pas mal de gens. Comme le dit un de mes amis, aimer les LOLcats et les Rickroll c’est comme aimer un bon gros hamburger. Et aller sur 4chan c’est comme visiter l’abattoir. Ça peut aider à un moment donné de le visiter, mais ça peut te transformer en végétarien)

4Chan: de l’ombre à la lumière

L’année dernière, 4Chan a surgi de l’obscurité et son importance est désormais reconnue par les grands médias. Peut-être est-ce du à l’apparition de Moot [NdT: le créateur et dirigeant de 4Chan] à la tête du classement du TIME. C’est plus probablement son discours au TED [NdT: voir notre article] qui a tout fait basculer: Moot – de son vrai nom Chris Poole – a fait apparaître un visage plus “légitime” d’un site alternatif désormais connu de gens évoluant hors de la fosse à ordure d’Internet. Ainsi, il s’est présenté comme une des animateurs de communauté les plus cohérent, prévenant et divertissant d’Internet. Bref, il est quelqu’un que les adultes peuvent comprendre, même si son site les terrifie.

Au milieu de tout ça, 4Chan a explosé. Les journalistes et les universitaires se bousculent pour étudier et analyser le phénomène. Au début, il s’agissait de savoir si cette communauté d’environ 9,5 millions de jeunes était fondamentalement mauvaise ou simplement brillante. L’obsession s’est concentrée sur l’anonymat, le discours de Chris au TED ayant déplacé le débat. Ces deux discussions constituent sans nul doute d’intéressants sujets. 4Chan a créé la plupart des mèmes les plus adorables d’Internet, mais certains de ses utilisateurs font partie des fauteurs de trouble et des trolls les plus néfastes du web. Et l’anonymat est un sujet complexe qui ne peut pas être réduit à une question de responsabilité ou à celle de savoir si le commentateur anonyme est brillant ou malfaisant. Je pourrais écrire un long papier sur la manière dont l’anonymat recherché sur Internet compense le fait que les moyens d’y être identifiables sont plus importants que tout ce qui a jamais existé hors-ligne, mais ce n’est pas le but de ce billet. Au lieu de ça, ce que je veux montrer c’est que 4Chan est la nouvelle génération de la culture hacker. Et que c’est en tant que tel qu’il devrait être apprécié ou vilipendé.

4Chan, paradis des nouveaux hackers

J’ai grandi dans une communauté de hackers, au moment où l’âge d’or du hacking touchait à sa fin. Beaucoup de mes amis au lycée se vantaient de leur talent en piratage téléphonique ou de leur capacité à s’introduire dans des systèmes extrêmement sécurisés. Alors que certains étaient de vrais génies, peu étaient réellement malveillants et intéressés par la destruction de ces systèmes. La plupart de mes amis voulaient simplement voir de quoi ils étaient capables. Pour eux, hacker était quelque chose de terre-à-terre, exploitant la stupidité de ceux qui utilisaient “admin/admin” comme identifiant et mot de passe en laissant des petits mots d’amours et des poissons d’avril. Bien sûr, cela avait des conséquences. Un de mes amis a été banni du réseau Internet du lycée alors qu’un autre s’est retrouvé à croupir dans les système de sécurité de la marine. Je n’étais pas reliée à l’élite des hackeurs, ceux qui étaient centraux pendant l’âge d’or du hacking, mais j’ai grandi à la marge, de manière à pouvoir apprécier leur prouesses techniques (et à vouloir être Angelina Jolie quelques années plus tard).

Selon votre positionnement, les hackers sont vilipendés ou adorés, considérés comme des destructeurs ou comme des gens qui ont contribués à améliorer les systèmes de sécurité pour les rendre beaucoup plus sûrs. En tant que communauté, ils étaient considérés comme alternatifs et underground dans les années 80 et 90. Pourtant, les anciens hackers font maintenant partie des gens les plus puissants dans l’industrie. Certains hackers étaient réellement mal intentionnés, alors que d’autres s’étaient lancés dans des actions qui peuvent être comprises par la célèbre phrase de 4Chan : “pour le lulz“. Ils étaient capables de choses incroyables. Et pendant que la plupart de ceux qui faisait ça “pour le lulz” n’avait aucune intention politique, leur impact a fini par être profondément politique, façonnant le développement des systèmes technologiques.

Les hackers de l’attention et les flux manipulables

Je dirais que 4chan est le point zéro [ground zero] d’une nouvelle génération de hackers, ceux veulent à tout prix hacker l’économie de l’attention. Alors que les hackers traditionnels s’en prenaient à l’économie de la sécurité, c’est-à-dire au centre du pouvoir et de l’autorité avant Internet, ces hackers de l’attention montrent à quel point les flux d’information sont manipulables. Ils montrent qu’on peut jouer avec les classements et que les contenus de divertissement peuvent atteindre une popularité de masse sans avoir la moindre attention commerciale (sans tenir compte de savoir si quelqu’un a décidé de le commercialiser de l’autre côté). Leurs singeries poussent les gens à réfléchir au statut et au pouvoir et ils encouragent les gens à rire de tout ce qui se prend trop au sérieux. L’approche m’est familière et cela ne me surprend pas d’apprendre que les vieux hackers ressentent un sentiment chaleureux en pensant à 4chan, même si les trolls et les fauteurs de trouble les ennuient énormément.

Dans un environnement médiatisé où les marketeurs ont pris les pouvoir, il y a quelque chose de délicieusement subversif de parier sur la sub-culture anarchisante. Parce qu’au final, beaucoup de hackers old school n’étaient pas vraiment réjouis de réaliser que la démocratisation de la culture web signifiait que la culture mainstream allait dominer la culture web. Pour nous les geeks, les freaks et autres queers qui voyaient le net comme un sauveur, la démocratisation signifiait une perte de pouvoir.

J’espère qu’il y en aura toujours pour nous rappeler de ne pas prendre Internet trop au sérieux

Comme les hackers traditionnels, les hackers de l’attention qui émergent aujourd’hui ont de multiples facettes. Il est facile d’apprécier l’esprit qui les anime et de dénigrer certains individus ou actes individuels. En reconnaissant le pouvoir culturel de la communauté représentée par 4chan, je ne veux pas justifier certains actes détestables. Mais je veux rire de la stupidité de certains et trouver de l’humour dans leurs bouffoneries, tout en refusant certains actes. Je veux me plaindre du fait que cela fait 20 ans que la culture des hackers est encore principalement mâle et blanche, tout en étant stimulée par l’émergence d’une nouvelle subculture alternative. Bien sûr, il semble que ça ne va pas rester alternatif longtemps. Et je ne peux pas dire que je suis très heureuse que les parents et les ados moyens connaissent 4chan (c’est précisément pourquoi je n’avais pas écrit à ce propos plus tôt). Mais je pense que c’est quelque chose d’important pour ceux qui ont investi dans le hacking de l’économie de l’attention. Et j’espère qu’il y en aura toujours certains pour nous rappeler de ne pas prendre Internet trop au sérieux.

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Billet originellement publié sur le blog de danah boyd, sous le titre “‘for the lulz’: how 4chan is hacking the attention economy“.

Traduction: Martin U.

A visiter aussi, notre billet sur le discours donné par Moot, le fondateur de 4Chan, au TED.

Crédit Photo CC Flickr: Therkd.

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4chan, retour sur un mythe d’Internet http://owni.fr/2010/06/03/4chan-retour-sur-un-mythe-dinternet/ http://owni.fr/2010/06/03/4chan-retour-sur-un-mythe-dinternet/#comments Thu, 03 Jun 2010 10:35:17 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=17412 Cliquer ici pour voir la vidéo.

Qui est donc ce petit nerd maigrichon, presque trop petit pour la scène du TED ?

C’est Christopher Poole, aka “Moot”, fondateur du forum américain 4Chan. Il a longtemps été discret, n’accordant les interviews qu’au compte goutte (lire celle du NYTimes de mars dernier). Et pourtant: il est probablement un de ceux qui ont le plus compté sur Internet ces dernières années.

Il faut dire que le site qu’il a fondé en 2003 est une sorte de mythe. Un forum gigantesque, alimenté en permanence par des millions d’utilisateurs, le plus souvent anonymes, devenu en quelques années un des plus importants pourvoyeurs de LOL et de mèmes, s’affirmant comme un des avatars les plus prolifiques de ce que beaucoup appellent la culture internet.

Sept ans après sa création, avec plus de 8 millions de visiteurs et 600 millions de pages vues par mois, 4chan est devenu un mastodonte, un des plus grands sites internet du monde, avec une puissance de frappe qui force le respect. Christopher Poole revient ainsi pendant sur son discours sur les quelques faits de gloire du forum : la création des LOLcats, du rickroll ou de Pedobear, devenus des items culturels emblématiques du net.

Mais l’influence de cette bande de geeks s’étend plus loin. Lorsque le magazine Times fait appel au vote des internautes pour désigner la personne la plus influente de l’année 2008, les utilisateurs de 4Chan s’emparent de la question et submergent le site de votes en faveur de Moot… jusqu’à parvenir à lui faire remporter la compétition (devant Barack Obama, le Dalai Lama ou Vladimir Poutine…) ! Plus fort encore : les utilisateurs du forum ont voté de manière à ce que lus de hauts en bas, les premières lettres des noms figurant dans le classement forment le mot “Marble cake is also the game” !

“Moot” le rappelle dans son discours, 4chan s’est aussi fait un des hérauts de la lutte contre l’église de Scientologie, et a également réussi à démasquer, depuis une vidéo Youtube et en utilisant les réseaux sociaux, un internaute qui avait posté une vidéo de lui en train de maltraiter son chat.

Ce discours sur les apports et le mode de fonctionnement de 4chan pose évidemment la question de la vie privée sur Internet. En effet, sur le site, l’anonymat règne en maître et c’est probablement ce qui permet à ses utilisateurs de contribuer avec autant d’intensité (et souvent, il faut le dire, de vacuité) à l’activité du site. Normal que les récentes évolutions du web, vers un partage toujours plus large de nos données personnelles, aient tendance à désoler Poole: “4chan est un endroit ouvert, où les conversations ne sont pas filtrées. Actuellement, nous nous dirigeons vers plus de réseaux sociaux, où on dévoile son identité, où il y a moins de vie privée. Je pense que l’on perd quelque chose de précieux“.

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Crédit Photo CC Flickr : Redmaxwell.

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Project Chaos on Internet http://owni.fr/2010/02/21/project-chaos-on-internet/ http://owni.fr/2010/02/21/project-chaos-on-internet/#comments Sun, 21 Feb 2010 10:30:50 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=8527

Comme Valérie Pécresse, ils en parlent avec beaucoup d’aisance. Le /a/, le /b/, le /c/, le /d/ et prolonger le /e/. Comme Valérie Pécresse, ils ont surtout l’air de parler de quelque chose qu’ils ne connaissent pas du tout. Peut-être avez-vous reconnu cette lettre entourée de deux barres obliques. Il s’agit du nom de certains espaces, les boards, de 4chan. Mais eux ne le savent pas.

Mais qui sont ces gens dont je vous parle ? Ceux qui prétendent nous parler d’Internet. Qu’ils soient blogueurs, journalistes ou hommes politiques, ils parlent d’Internet, et donc de 4chan, sans vraiment les comprendre.

Sur 4chan, comme le signale très bien Boumbox, il y a de nombreux boards. Et la plupart du temps, la métonymie se fait entre 4chan et /b/, le board “Random” de 4chan où n’importe qui peut poster ce qu’il veut, c’est à dire principalement du porn. Structurellement, sur /b/, il n’y a pas plus de règles qu’ailleurs sur 4chan. Mais ces règles existent, et avisés de les lire seraient ceux qui souhaitent parler de 4chan. Il existe ensuite des règles fonctionnelles. Ces règles sont bien sûr à ne pas respecter, sauf les règles 1, 2 et 34. La règle 34 dit “There is porn in it, no exception“. Elle souligne la base principale d’Internet : le sexe.Les règles 1 et 2 quant à elle sont beaucoup plus simples et surtout, beaucoup plus importantes. Elles sont inspirées par Fight Club, film de la génération Internet.

Règle 1 : Do not talk about /b/ (Ne parlez pas de /b/)

Règle 2 : Do NOT talk about /b/ (Ne parlez PAS de /b/)

Maintenant que l’on connaît ses règles, il est légitime de se demander dans quelle mesure on doit les prendre en compte. De la même façon qu’à Vegas, il est évident que si ce qui se passe sur /b/ reste sur /b/, c’est qu’il y a une raison. Tout d’abord, les personnes qui parlent de /b/ ne comprennent pas souvent de quoi elles parlent. Ces personnes oublient qu’Internet, ou plutôt que les différentes communautés qui le peuplent, ont vécu avant qu’ils n’arrivent. On ne peut pas impunément prétendre connaître un outil, et l’utiliser. On peut mettre le pied dans le plat, mais il vaut mieux observer avant de parler. C’est ce que Markhy explique très bien. Dès que les OFFline, comme il les appelle, arrivent, ils ruinent l’ambiance. Ce mal étrange a été diagnostiqué comme le “cancer qui tue /b/“.

Alors face à cette maladie mortelle, que faire ? Il est certain que de parler de 4chan le rend plus mainstream. Comme l’explique Camille Paloque-Berges, chercheur à Paris 8, “accompagner la visibilité de 4chan, c’est aussi aider à sa légitimation, et donc altérer son pouvoir subversif“. Il faut donc savoir ce qu’on veut.

Je ne parlerai donc pas de ce qui se passe sur 4chan. Cela ne m’appartient pas, pas plus qu’à qui que ce soit d’autre et surtout cela a été fait ailleurs. C’est un bien communautaire, c’est un immense bac à sable où les chats n’hésitent pas à poser leur merde. Et lorsqu’un château de sable est assez intéressant et commence à être copié, il passe par l’usine à mème et acquiert petit à petit le rang de mème important. Le contenu autrefois fermé de ces espaces de liberté est petit à petit dévoilé par les réseaux sociaux. Cela permet de constituer une mémoire de /b/, d’extraire l’image de 4chan de son destin très éphémère. Parce qu’au delà de  la 15e page, les messages de /b/ ne sont plus visibles. Et même si certains disposent des archives, l’intérêt de 4chan est qu’il se joue dans l’instant. Parce que le fait que l’on puisse y faire des choses de manière anonyme et sans que ça reste définitivement sur Internet ajoute une énorme émulation entre les membres. Pour du contenu de qualité.

Ce que l’on peut retenir, c’est le rôle de 4chan. Toujours selon Camille Paloque-Berges :

le côté futile, provocateur, trash, etc. [de 4chan] est très important pour mettre en perspective le net comme espace positif de l’utile, des libertés, de la “démocratisation”, etc. Non pas que 4chan soit l’inverse de l’Internet “positif”, mais son miroir déformant dans un certain sens.

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