OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les data en forme http://owni.fr/2012/10/01/les-data-en-forme-episode50/ http://owni.fr/2012/10/01/les-data-en-forme-episode50/#comments Mon, 01 Oct 2012 16:35:37 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=121444 Data vedette

Le jury du concours Information is beautiful s’est réuni vendredi 28 septembre pour élire les meilleurs travaux de datajournalisme de l’année. Au milieu des milliers de participants, la palme d’or de la discipline a été décernée à l’application réalisée par l’agence américaine Stamen pour la chaîne CNN : Casualities, Home & Away.

Sur un fond de carte aux terres grises et aux mers noires, des loupiotes brillent en occident et sur les théâtres d’opération, Irak et Afghanistan, et se répondent. Ce sont les soldats envoyés sur le front, disparus au combat, là où ils ont perdu la vie et là d’où ils venaient. Des centaines, classés par âge, nationalité (ou état d’origine pour les Américains) et date de décès. Semés au fil des attentats et des attaques, de Kaboul à Bassorah, ils offrent un bilan glaçant des deux conflits dans cette confrontation des deux cartes.

Si cette carte vaut vraiment la peine d’être explorée, nous ne pouvons que vous inviter chaudement à passer en revue tous les autres nominés : que vous vous intéressiez au budget de l’Etat anglais ou à Metallica, il y en a pour tous les goûts et toutes les mirettes.


Mise en veille


Titre : El patron de los Numeros Primos (Les séquences des nombres premiers)
Source : JasonDavies.com
Auteur(s) : Jason Davies
Technique : D3.js
Note : Si vous êtes réfractaire aux maths, cette échelle des nombres premiers propose une représentation poétique bien que rigoureusement mathématique de cet ordre indivisible. Pour chaque valeur, ce graphique interactif trace une séquence de ses multiplicateurs qui serpente autour de l’axe des entiers, accompagné en pied de page de formules mathématiques se rapportant au nombre concerné. Repéré sur le site Data’N'Press inspiration, cette œuvre était accompagnée d’une autre représentation esthétiquement réussie mais un peu chaotique pour les rétifs à la géométrie, NumberSimulation.



Titre : Ville-Monde : Johannesburg
Source : France Culture
Auteur(s) : WeDoData
Technique : infographie
Note : Réalisé avec nos confrères datajournalistes de WeDoData, cette infographie décrit en quelques panneaux la ville de Johannesburg à l’occasion de la dernière édition de la revue hebdomadaire de France Culture, Ville Monde. Marquée par l’Apartheid dans son histoire, la métropole sud-africaine a conservé dans sa démographie et son économie les cicatrices de la séparation entre Noirs et Afrikaneers, décrite ici par quelques saisissantes statistiques.



Titre : Le dieci zavorre che pesano sul sistema-Paese (Les dix poids qui pèsent sur le système national)
Source : Il Sole 24 Ore
Auteur(s) : Il Sole 24 Ore
Technique : infographie
Note : Pour mettre en lumière les faiblesses qui plombent la compétitivité nationale, le quotidien économique italien Il Sole 24 Ore a épluché les statistiques des grandes organisations internationales pour y dénicher dix plaies. Du coût élevé du crédit à la qualité des infrastructures en passant par les factures de gaz et d’électricité, les datajournalistes ont situé l’Italie par rapport aux autres pays européens sur une échelle établie à partir des données de la BCE, de la Banque Mondiale ou du FMI, publiant ainsi une infographie riche en enseignement sur l’économie italienne mais aussi sur celle des autres états membres de l’UE.



Titre : What your beer says about your politics (Ce que votre bière révèle de vos opinions politiques)
Source : National Journal
Auteur(s) : Tracey Robinson, NMRPP / Mike Shannon et Will Feltus
Technique : infographie
Note : Mieux que la célèbre méthode de sondage politique “avec qui prendriez-vous une bonne bière ?”, deux journalistes du National Journal ont tenté de répondre à la question “dis-moi ce que tu descends, je te dirai pour qui tu votes”. En s’appuyant sur les 200 000 interivews de citoyens américains de l’étude sur les consommateurs de l’institut Scarborough, les deux journalistes ont ainsi réparti selon leur affiliation démocrate ou républicaine – ainsi que sur la stabilité de leur vote– , les habitués de chaque marque de bière recensée. On y apprend ainsi que les consommateurs de Heineken et de Corona sont les plus fervents démocrates tandis que les consommateurs de Corona Light ou de Samuel Adams penchent plutôt de l’autre côté.



Titre : The US electoral college explained : why we don’t vote directly for a president (Le collège électoral américain expliqué : pourquoi ne vote-t-on pas directement pour un président)
Source : Guardian
Auteur(s) : Guardian US Interactive team + Harry J Enten
Technique : datavidéo
Note : Essentiel à la compréhension de l’élection présidentielle américaine qui se profile, le fonctionnement du collège électoral reste une énigme pour les habitués du scrutin uninominal. Avec un fond vert et un texte (en anglais) bien calibré, Harry J. Enten du Guardian US déchiffre en graph (bien qu’avec peu d’entrain dans la voie) toutes les subtilités techniques qui amènent à l’élection d’un président ainsi que l’origine historique de cette étrange méthode.



Titre : Les enfants juifs de Paris déportés de juillet 1942 à août 1944
Source : ENS Lyon et CNRS
Auteur(s) : ENS Lyon, CNRS et Gérald Foliot (TGE Adonis).
Technique : Infrastructure Map Server
Note : En deux ans, d’un été à l’autre, 11 400 enfants juifs ont été arrêtés (6 200 à Paris), dont Serge Klarsfeld répertorie depuis 1978 les tragiques histoires. A l’aide de ces données, rapportées au cadastre de l’époque, les équipes de l’ENS Lyon et du CNRS ont constitué une carte de la capitale marquée des points représentant les rapts d’enfants juifs ayant pu être localisés. Un objet de mémoire qui fera l’objet d’une projection en 3D à l’occasion de la fête de la Science à l’ENS Lyon en octobre prochain.


BONUS : cartes au trésor

Titre : A handsome atlas (Un atlas de toute beauté)
Source : Brooklyn Brainery
Auteur(s) : Bureau du recensement du Ministère de l’Intérieur américain / Jonathan Soma
Technique : encre, peinture et papier.
Note : Le datajournalisme peut s’enorgueillir de talentueux ancêtres : en fouillant la librairie du Congrès, l’équipe de la Brooklyn Brainery a découvert des trésors de graphes, cartes et histogrammes produit pour certains il y a 150 ans ! Par un système de navigation élégant, le développeur Jonathan Soma ouvre à chacun les données collectées par le service de recensement dans les années 1870 à 1890, en camemberts peints à la main sur papiers jaunis par le temps.

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Le tueur en série, la DGSE et les Talibans http://owni.fr/2012/09/05/le-tueur-en-serie-la-dgse-et-les-talibans/ http://owni.fr/2012/09/05/le-tueur-en-serie-la-dgse-et-les-talibans/#comments Wed, 05 Sep 2012 17:19:13 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=119337

Charles Sobhraj, alias “Le Serpent” : vedette des séries estivales consacrées aux grands criminels. Officiellement, c’est un tueur en série de nationalité française et d’origine vietnamienne ayant sévi en Inde dans les années 80.

Et enfermé depuis 2003 dans une prison du Népal, pays où de fins limiers l’ont interpellé pour un énième assassinat dont les détails nous échappent à la lecture de son parcours, tel que le décrit L’Express, au mois d’août, ou comme le raconte France Info dans son feuilleton Histoires criminelles. Les jugements et les preuves en relation avec son incarcération à Katmandou manquent dans les différentes sagas. Mais qu’importe sa culpabilité véritable.

Bollywood

L’homme est déjà entré dans cet étrange Panthéon réservé aux pires salopards qui incarnent le mieux les côtés sombres de notre petit monde. Au printemps dernier, des producteurs de Bollywood en Inde ont annoncé le lancement d’une superproduction retraçant les méfaits et surtout les évasions de Charles Sobhraj à travers le sous-continent, en particulier celle de la prison de Tihar, en 1986 – demeurée célèbre dans les annales de la police locale. La vedette du cinéma indien Saif Ali Khan tiendra le rôle du criminel présumé.

La trajectoire de Charles Gurmurkh Sobhraj, né le 6 avril 1944 à Saigon – alors colonie française – emprunte des chemins pourtant bien plus étranges, plus complexes aussi, que ceux montrés par ces scénaristes ou dans les multiples récits livrés par la chronique criminelle. Ainsi, comme nous pouvons le détailler, divers documents des services secrets français, méconnus jusqu’à présent, lui sont consacrés. Non pas en raison de ses escroqueries ou de ses meurtres présumés.

L’intérêt qu’il suscite se situe à un niveau plus stratégique. Il s’explique par le rôle que lui prêtent les agents de la DGSE dans des transactions illicites de matériels d’armement financées au début des années 2000 par deux importants narcotrafiquants afghans. Là, dans ces pages couvertes par le secret défense, le portrait du tueur en série un peu maniaque disparaît au profit de celui d’intermédiaire en relation avec des personnalités des services secrets pakistanais de l’Inter Services Intelligence (ISI).

Un homme qui se balade à travers l’Asie centrale en se prévalant lors de certaines rencontres, semble-t-il, d’une relation de confiance avec des dignitaires Talibans. Et qui fréquente quelques professionnels du cinéma français lui permettant d’utiliser des cartes de visites et des noms de société inspirant confiance. Une toute autre histoire. Une note de la DGSE que nous publions plus bas affirme ainsi :

Au cours du printemps 2001, Charles Sobhraj a repris contact avec le courtier non autorisé en armement Philippe Seghetti afin de se procurer des mini-réacteurs de type R-36 TRDD-50 de conception russe. Cette demande lui aurait été adressée par deux intermédiaires pakistanais de l’Inter Service Intelligence (ISI). Par ailleurs, Charles Sobhraj, souhaitant se procurer de la drogue en paiement des équipements livrés, le financement de cette transaction pourrait être assuré par des ressortissants afghans agissant dans le domaine des narcotiques, MM. Hâdji Abdul Bari et Hâdji Bachar.
Charles Sobhraj, qui a probablement été évincé de cette transaction, continue de soutenir les Talibans. En effet, ces derniers l’ont invité à se rendre dans la région de Peshawar (Pakistan) pour effectuer des transactions. Le laissez-passer devra être rédigé au nom de la société française Victor Productions, derrière laquelle M. Sobhraj abrite ses intérêts commerciaux.

Sobhraj DGSE

Nous avons retrouvé la trace de Victor Productions, à Londres, au 18 Wigmore Street. La société ne paraît plus active mais elle a été enregistrée par un producteur français, François Enginger. Celui-ci apparaît notamment au générique de la saison 2 d’Engrenages, la série vedette de Canal Plus, cuvée 2008. Nous avons contacté la société Son & Lumière, une quasi institution dans les milieux du cinéma français, qui a produit les différentes saisons d’Engrenages. Nos interlocuteurs nous ont répondu qu’ils ne connaissaient pas François Enginger et qu’ils ne voulaient pas nous parler.

Pas plus de chance avec Philippe Seghetti, nous n’avons obtenu aucune réponse aux sollicitations envoyées pour entrer en contact avec lui. Et aucun élément matériel ne nous permet de corroborer les soupçons que nourrissent les services secrets à son encontre. Selon nos informations, cet homme d’affaires est intervenu à plusieurs reprises sur les marchés de la sécurité en Afrique, notamment en République démocratique du Congo.

Armement

La Lettre du Continent, spécialisée sur les réseaux de la Françafrique, mentionne l’existence d’un partenariat entre Philippe Seghetti et une structure appartenant aujourd’hui à la Sofema, une entreprise spécialisée dans l’accompagnement des contrats d’armement pour le compte des industriels français de la défense.

Les mini-réacteurs de type TRDD-50 qui intéressent la DGSE dans sa note sont produits à une échelle importante en Russie, en particulier dans les ateliers de la société OJSC, basée à Omsk et spécialisée dans la fabrication de moteurs et de systèmes de propulsion pour l’aéronautique. Entre les mains de professionnels de l’armement, ces minis-réacteurs peuvent servir au développement de missiles de croisière – à l’image du missile chinois HN-2 – ou servir à construire des drones artisanaux.

La note de la DGSE, rédigée début 2002, quelques mois avant l’arrestation de Charles Sobhraj au Népal, précise que ses commanditaires pakistanais ont pris contact avec la société géorgienne Indo-Georgia International, également en mesure de produire les fameux mini-réacteurs TRDD-50.

À la même époque, cette entreprise apparaît impliquée dans d’importantes livraisons d’armes de guerre aux indépendantistes en Tchéchénie ; que soutenaient l’Arabie Saoudite, le Pakistan et les réseaux Talibans. Une constante, de nos jours encore, les séparatistes ouzbeks et tchétchènes s’entraînent et combattent en Afghanistan.

Dans ce contexte, le 13 septembre 2003, tandis qu’il était domicilié en France en toute légalité (malgré un passé judiciaire chargé), Charles Sobhraj effectue un voyage au Népal pour affaires. Avec un visa en bonne et due forme délivré par le consulat du Népal à Paris. Il n’en repartira jamais. Ce jour-là, il est interpellé par la police de Katmandou dans le cadre d’un contrôle d’identité. Et après une vingtaine de jours de détention, de manière plutôt surprenante, il est inculpé pour un assassinat crapuleux commis au mois de décembre 1975.

L’accusation repose principalement sur les photocopies de deux cartes d’enregistrement dans un hôtel réservé aux étrangers, remontant à décembre 1975 et qui désigneraient Sobhraj. Près d’un an après cette inculpation, et malgré des expertises mettant en cause la fiabilité de ces photocopies, et sans aucune autre preuve matérielle, la Court de Katmandou condamne Charles Sobhraj à la prison à vie, le 12 août 2004.

Preuves originales

À Paris, Maître Isabelle Coutant-Peyre, avocate hors normes, familière des dossiers difficiles, assurant la défense du terroriste Carlos, prend en charge l’affaire Charles Sobhraj, en relation avec les avocats népalais. À titre bénévole, pour des questions de principe, nous explique t-elle. Après avoir consulté le dossier de l’accusation, elle introduit un recours devant la Commission des Droits de l’Homme des Nations unies. Qui se transforme en plainte contre l’État du Népal.

Et elle gagne. Dans un avis du 27 juillet 2010, que nous reproduisons ci-dessous, la Commission des Droits de l’Homme des Nations unies condamne sans réserve l’État du Népal pour avoir violé des dispositions du droit interne népalais, et surtout pour avoir mené une procédure sans respecter les principes judiciaires les plus élémentaires, en particulier la nécessité de mener une instruction contradictoire, à charge et à décharge, d’accorder la possibilité à l’accusé d’écouter les griefs qui lui sont adressés dans une langue qu’il comprend, et de fonder les actes d’accusations sur des preuves originales et non sur quelques copies dont l’authenticité est sérieusement contestée.

Charles Sobhraj United Nations

Onze ans après son arrestation, Charles Sobhraj dort toujours dans une prison népalaise. Son casier judiciaire chargé, sous d’autres juridictions, revient parfois comme un ultime argument pour tenter de cautionner une condamnation vide de raison juridique. Mais peut-être pas de raison d’État. Le 25 octobre 2010, le chef de cabinet de l’Élysée, Guillaume Lambert a rédigé une lettre – que nous avons pu consulter – dans laquelle il exprime toute l’empathie de l’État français pour le cas Sobhraj. Sans vraiment convaincre.


Serpents par Caravsanglet et ggalice sous licences Creative Commons via Flickr

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Trévidic : “Le jihad n’a pas attendu Internet” http://owni.fr/2012/05/30/marc-trevidic-le-jihad-na-pas-attendu-internet/ http://owni.fr/2012/05/30/marc-trevidic-le-jihad-na-pas-attendu-internet/#comments Wed, 30 May 2012 19:43:42 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=111905 "Ce n’est pas parce qu’une personne joue à Call of Duty 4 ou 5 qu’elle va devenir folle et tuer des gens", nous affirme le juge Marc Trévidic. Owni s'est entretenu avec le magistrat du pôle antiterroriste sur les réalités du cyberjihad.]]>

Le juge Marc Trévidic à Paris en novembre 2010. Portrait par © Marc Chaumeil / Fedephoto

22 mars. Mohamed Merah abattu par les hommes du Raid, Nicolas Sarkozy fait une déclaration depuis l’Elysée : la consultation de “sites internet qui font l’apologie du terrorisme” sera dorénavant sanctionnée. Un projet de loi a depuis été déposé au Sénat. Le cyberjihadisme fait une entrée fracassante dans l’agenda politique et médiatique.

Owni a voulu recueillir l’analyse d’un magistrat familier de ces affaires. Marc Trévidic est juge d’instruction au pôle antiterroriste du Tribunal de grande instance de Paris, seule juridiction compétente en matière terroriste. Il s’est spécialisé sur les dossiers jihadistes en plus de quelques autres gros dossiers (Karachi, Rwanda, moines de Tibéhirine). Il revient ici sur l’utilisation d’Internet par les jihadistes, le cyberjihadisme ou “jihad médiatique”, nouvel avatar de la menace terroriste selon les acteurs politiques.

Comment a émergé le cyberjihad ? Est-ce, comme certains l’analysent, lié à la perte du territoire afghan en 2001 qui a entraîné un repli des jihadistes sur une autre base arrière ?
La loi contre les web terroristes

La loi contre les web terroristes

Le projet de loi sanctionnant la simple lecture de sites Internet appelant au terrorisme devrait être présenté demain en ...

Le conflit irakien a surtout servi de déclencheur, plus que la perte de l’Afghanistan en 2001. Les jihadistes ont très vite perçu le profit qu’ils pouvaient tirer du réseau. D’abord, l’intervention anglo-américaine était illégitime du point de vue du droit international public. Ensuite, ils ont pu utiliser les exactions commises par l’armée américaine, comme à Abou Ghraïb par exemple. Des brigades, armées de caméra, cherchaient à obtenir ce genre d’images pour les diffuser ensuite sur Internet. Le début du cyberjihad commence donc plus avec l’Irak qu’après la chute du régime Taliban. En Irak, le djihad était mené à 100%, dans les villes et sur Internet.

Quel est le rôle du cyberjihad ?

Le principal objectif est la diffusion de la propagande, puis le recrutement. Lors du conflit irakien, les jihadistes menaient un double conflit majeur, à la fois contre les soldats de la coalition anglo-américaine et contre les chiites. Ils avaient donc besoin de beaucoup de troupes et de chairs fraiches.

Dominique Thomas, chercheur spécialisé sur les mouvements islamistes radicaux, parle de la volonté de créer des sphères de sympathisants, plutôt que de recrutement.

L’idée est de sensibiliser une population radicale. Au sein de cette population peut émerger un candidat au jihad. C’est une guerre de l’information, les cyberjihadistes parlent souvent de “réinformation”. Le volet recrutement existe aussi, pour envoyer des gens sur le terrain faire le jihad.

“Les loups solitaires”, entièrement isolés, formés sur Internet, existent-ils ?

Dans toutes les affaires que je connais, les protagonistes sont toujours en contact avec d’autres. Ils rencontrent d’autres jihadistes, se connaissent entre personnes de la même mouvance. Je n’ai pas connaissance de cas de terroriste islamiste entièrement isolé. C’est un petit milieu ! Tout le monde se connait.

Cyberjiadhistes et jihadistes sont-ils les mêmes personnes ? Ont-ils des profils différents ?

Tous sont cyberjihadistes. Le passage à l’acte, les départs sur zones sont extrêmement minoritaires. La radicalisation est progressive : la radicalité des jihadistes varie selon leur situation. Ils ne tiennent pas les mêmes discours avant le départ, pendant leur séjour sur zones et à leur retour. Le jihad n’a pas attendu Internet. Dans les années 1990, les filières d’acheminement de combattants en Afghanistan se développaient sans utiliser Internet.

Le milieu des années 2000 semble être l’apogée des sites liés au jihad. Certains étaient très connus, comme Minbar ou Ribaat, et des figures proéminentes s’en occupaient, notamment Malika El Aroud et son mari Moez Garsallaoui.
Le bug du cyberjihad

Le bug du cyberjihad

Nicolas Sarkozy est parti en croisade contre les sites Internet terroristes. Mais une instruction ouverte dès 2010 ciblait ...

Le nombre de sites a explosé après la guerre en Irak. L’utilisation d’Internet s’est codifiée. Le Global Islamic Media Front est chargé de contrôler et d’authentifier le contenu diffusé sur les sites avec le label d’Al-Qaida. Mais la vivacité des sites dépend du contenu qui arrive du terrain. La concurrence entre les sites crée de l’émulation. C’est la loi de la concurrence ! De cette émulation naît de la radicalité. Les sites apparaissent, se multiplient avec le conflit irakien et deviennent de plus en plus radicaux dans la propagande qu’ils diffusent.

Internet apparaît dans presque toutes les affaires, comme moyen de communication entre les jihadistes. Jusqu’à maintenant, un caractère opérationnel était toujours observé dans ces échanges. L’aide matérielle est présente dans toutes les affaires.

Le projet de loi présenté par l’ex gouvernement [Fillon], changerait ce principe en pénalisant la consultation de sites terroristes.

Il faudra définir la liste des sites terroristes, ceux qui posent certains problèmes. La définition repose sur le trouble grave à l’ordre public à même de semer la terreur [Définition des actes terroristes dans le code pénal français, NDLR]. Il faudrait plus généralement poser la question de l’influence des images violentes diffusées à la télévision ou sur Internet. Ce n’est pas parce qu’une personne joue à Call of Duty 4 ou 5 qu’elle va devenir folle et tuer des gens ! Le passage à l’acte à cause de jeux vidéo violents est marginal, si marginal qu’aucun enseignement ne peut être tiré à cette marge.

Le cyberjihadisme, dans son volet de propagande, doit-il sortir du champ de l’antiterrorisme ?

Comme je l’ai signalé à l’occasion de mon audition au Sénat, l’utilisation de la qualification terroriste, et des moyens afférents, a explosé, souvent à mauvais escient. Il y a deux problèmes différents : sensibiliser la population au risque de la violence diffusée notamment sur Internet d’une part, et lutter contre les actes terroristes d’autre part.

Capture d'écran de Call of Duty Modern Warfare 3


L’entretien avec Marc Trévidic a été réalisé le 2 mai 2012.
Portrait de Marc Trévidic par © Marc Chaumeil / Fedephoto / Capture d’écran de Call of Duty CC by-nc-sa psygeist

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Le lonely planet des jihadistes http://owni.fr/2012/05/15/le-guide-du-routard-des-jihadistes/ http://owni.fr/2012/05/15/le-guide-du-routard-des-jihadistes/#comments Tue, 15 May 2012 18:20:54 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=110306

“Prenez soin de vos pieds et lavez-les correctement.” Dans son testament, Samir Khan, l’un des leaders d’Al Qaida pour la Péninsule arabique (AQPA), livre conseils et recommandations pour mener un jihad convenable. Un retour sur expérience en anglais, découpé en douze courts textes, avec un graphisme soigné, illustré de photographies couleurs. Le petit précis à l’attention de ceux (en Occident) qui veulent mener le jihad (au Yémen, dans les zones tribales et ailleurs) est écrit par Samir Khan, un américain d’origine pakistanaise, tué en septembre dernier dans une frappe de drones de la CIA. La même frappe dans laquelle le chef de la branche, Anwar Al-Awlaki, avait péri.

Presque huit mois plus tard, le 14 mai, les organes de communication d’AQPA se sont fait l’écho du testament de Samir Khan, ciblant explicitement un public occidental. Comme la revue Inspire dont Samir Khan était l’un des principaux artisans, Expectations Full est écrit en anglais. Comme Inspire, sa présentation se veut soignée. D’après ses propriétés, le document au format pdf a été confectionné sur Adobe InDesign CS5, dernière version du logiciel de la prestigieuse série de graphisme du fabriquant Adobe.

“A must read”

Dès l’introduction, rédigée par l’équipe médiatique d’AQPA, les auteurs précisent, en forme d’avertissement, l’origine de celui qui écrit, un musulman occidental :

Certaines choses n’auraient pas été écrites de cette façon si l’auteur ne venait pas lui-même d’Occident.

Samir Khan lui emboite le pas et prévient dans les premières lignes qu’il s’adresse en priorité aux “musulmans qui viennent d’Occident” pour qui ce document “est à lire absolument”. De fait, Samir Khan les cible directement, les avertit, et les dorlote. Avec force de détails et d’attention, il raconte comment se préparer au jihad en passant en revue douze thématiques intitulées : “la propreté”, “d’une base à l’autre”, “vivre à l’extérieur”, “c’est un secret”, “Pourquoi pas l’Occident ?”, “bombardement aérien”, “s’occuper des blessures”, “khidmah (service”), “camp d’entrainement”, “venir avec sa famille”, “politique intérieure”, “l’importance d’Adhkar (les invocations)”.

La revanche des drones

La revanche des drones

La semaine dernière, le chef du mouvement des Taliban au Pakistan aurait été tué par un drone américain qui survolait le ...

Samir Khan recommande aux candidats au jihad de s’habituer à la vie collective dans des espaces confinés. L’apprenti jihadiste devra passer une semaine ou plus “chez [lui], chez un ami, dans un hôtel ou motel, dans les montagnes ou dans une masjid [mosquée en arabe, NDLR]“. Interdiction d’utiliser son téléphone portable – sauf urgence – ou tout appareil électronique – sauf urgence aussi. En revanche, l’étude de “manuels militaires” imprimés au préalable et “les exercices de combats” sont fortement encouragés, de même que diverses tâches ménagères, comme “la cuisine et le nettoyage de vêtements”.

Sans chaussures ni duvet

Mener le jihad au Yémen ou en Afghanistan n’est pas une mince affaire, insiste Samir Khan. C’est dur, physiquement. “Dormir sur le sable, les cailloux ou l’herbe”, parfois “sans couvertures ou sacs de couchage”. “Parcourir nu-pieds dans les montagnes, en marchant sur des branches, des épines, dans la boue ou sur des cailloux pointus”. Le salut n’est donc pas dans la précipitation, mais dans la patience, valeur cardinale du bon jihadiste. Emphatique, Samir Khan écrit :

En résumé, prépare toi au pire et espère le meilleur.

Le pire : les bombardements aériens, “une expérience décisive dans une vie”, qu’ils soient le fait “d’avions de chasse, d’hélicoptères, d’avions furtifs [allusion aux drones, NDLR], de bateaux ou d’autres machins”. Il raconte l’une de ces attaques, utilisant des bombes assourdissantes. Le “moudjahid” (le combattant) se doit aussi de servir sa communauté de combattants comme elle le sert. Une partie est consacrée à ce point, avec une photographie d’un plateau de thé en fond. “Ne pense pas un seul instant que, parce que tu es étranger ou invité des moudjahidin, tu ne dois pas aider les frères” prévient Samir Khan. Il faut se proposer pour la cuisine et quelques autres activités du groupe, comme “creuser, nettoyer ou réparer”.

Il convient aussi de se prémunir contre “les mauvais djinns” qui travaillent avec des individus liés au “gouvernement apostat d’Arabie Saoudite”. De même que le gouvernement – lui aussi “apostat” – du Yémen, qui utilise le “sihr (la magie)” pour combattre les moudjahidin. “Néanmoins, par la grâce d’Allah, il y a beaucoup de bons djinns qui [nous] protègent et nous défendent” conclut Samir Khan, invitant les apprentis à ne pas négliger les invocations (“Adhkar”) avant la tombée de la nuit.

AOC Al Qaida

Son testament a reçu la validation de l’organe médiatique d’AQPA. Le document est estampillé Al-Malahem Media, sorte de label qui officialise la provenance de la propagande diffusée. En décembre dernier, Dominique Thomas, chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, précisait le rôle de ces certificats :

À partir de 2004-2005 apparaissent les grands labels de communication : Al Andalous pour Al-Qaida au Maghreb islamique, Al malahem pour AQPA, Al Furqan pour l’Etat islamique irakien. Tous ces labels ont été utilisés pour diffuser les messages vidéos, sonores et la production écrite.

Des certificats AOC en somme, déclinés pour chaque branche régionale d’Al Qaida. Publicité est faite pour le pdf testamentaire, intitulé Expectations Full, sur des forums proches des milieux jihadistes. Le fichier en haute et basse définition est hébergé sur de nombreux sites de partage, comme souvent pour ces documents de propagande. Les miroirs permettent d’augmenter sa durée de vie en ligne, alors que les hébergeurs font la chasse à ces contenus radicaux.

Le jihad selon Twitter

Le jihad selon Twitter

Après les sites d'information et les forums spécialisés, les jihadistes investissent les réseaux sociaux, Twitter ...

Le jihadiste occidental en devenir doit enfin s’informer sur la situation politique intérieure du pays qu’il choisira. Avant de partir, il se renseignera sur les forces en présence au Yémen ou dans les zones tribales afghano-pakistanaises. Sur place, il ne dira rien de ses origines, ne posera pas trop de questions à ses camarades. Ces questions pourraient le rendre suspects auprès de ses co-combattants. Samir Khan, cyberjihadiste aux Etats-Unis avant de gagner les camps d’entraînement au Yémen en 2009, raconte en creux ce que d’autres ont dit en des mots plus crus devant la justice : les relations tendues entre les combattants venus d’Occident et les moudjahidin locaux.

Jihad local contre jihad occidental

Dans une affaire d’acheminement de combattants en Afghanistan et au Pakistan, jugée en France en février 2011, l’un des condamnés, Walid Othmani, était parti sur zone après avoir assidûment fréquenté des forums. Les conditions décrites dans le jugement entrent en résonance avec les avertissements du testament de Samir Khan. Walid Othmani était “cantonné à des tâches non-combattants comme la cuisine et en avait conçu du dépit” notent les magistrats dans leur jugement. Si bien que le cyberjihadiste sorti de son écran en était arrivé à se “demand[er] ce qu’il faisait là”.

Dans les zones tribales afghano-pakistanaises, avait-il expliqué aux enquêteurs, “les candidats qui venaient rejoindre les talibans afghans n’étaient pas les bienvenus auprès des Pachtounes, notamment pour des raisons culturelles de méfiance à l’égard des « arabes », a fortiori lorsqu’ils étaient, comme eux, occidentalisés”, rapporte le jugement. Plusieurs familiers de ces affaires confirment un climat de suspension et de tensions entre jihadistes occidentaux et jihadistes locaux. Samir Khan le suggère lui même, dans des termes choisis :

On vous demandera certainement pourquoi vous n’avez pas mené le jihad chez vous. Ils ne vous renverront pas dans votre pays, mais laisseront cette option ouverte au cas où vous changeriez d’avis et décidiez d’attaquer l’ennemi chez vous.

Dans la section dédiée, intitulée “Pourquoi pas l’Occident”, Samir Khan incite ses lecteurs à mener le jihad chez eux, c’est à dire en Europe et aux États-Unis. En fond visuel, une photographie du pont de Brooklyn à New-York et des conseils de l’auteur : “Je recommande fortement à tous les frères et soeurs venant d’Occident de penser à attaquer l’Amérique dans son arrière-cour. L’effet est bien plus grand”. En guise de conclusion, son testament se termine par cette phrase :

Aussi, maintenant que vous savez ce qui vous attend, vous pouvez faire la comparaison avec le jihad en Occident, peser le pour et le contre, prendre une décision.

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Bayrou surtaxe la France http://owni.fr/2012/04/20/bayrou-surtaxe-la-france/ http://owni.fr/2012/04/20/bayrou-surtaxe-la-france/#comments Fri, 20 Apr 2012 16:45:02 +0000 Grégoire Normand http://owni.fr/?p=107108 OWNI. Deux jours avant le premier tour, le candidat du Modem est avant-dernier au classement OWNI-i>Télé de crédibilité des six principaux candidats à la présidentielle.]]> À deux jours du premier tour de l’élection présidentielle, l’équipe du véritomètre a décidé d’arrêter la publication de ses vérifications des déclarations des six principaux candidats pendant le week-end. Le classement, qui ne bougera pas jusqu’à lundi, met en lumière la crédibilité des six candidats après deux mois de vérifications.

Seuls trois candidats dépassent la barre des 50 % : Jean-Luc Mélenchon, en tête depuis plusieurs semaines avec 63,3 % ; Eva Joly qui chute légèrement sur la dernière ligne droite, à 58,7% ; et François Hollande qui se stabilise à 54,5 %.

Le bas du classement se joue par contre dans un mouchoir de poche : Nicolas Sarkozy conserve la dernière place avec 43 %, François Bayrou passe avant-dernier avec 44,7 % et Marine Le Pen se classe quatrième avec 44,9 %.

Durant ces toutes dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 35 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

Bayrou surclasse la France

François Bayrou exagère la fiscalité des Français dans le classement européen. Lors de son passage à l’émission de Jean-Jacques Bourdin sur RMC, mardi 17 avril, il a estimé que :

La France est le pays d’Europe qui paie le plus d’impôts.

Un superlatif qui donne tort au candidat du Modem. L’étude “Tendances de la fiscalité dans l’Union européenne (UE)“, publiée en juillet 2011 par la Commission européenne, précise que l’ensemble des impôts en France représente 41,6 % de son PIB en 2009 (dernières données disponibles). Ce qui classe la France au septième rang des pays de l’Union européenne qui payaient “le plus d’impôts”, loin derrière la première place proclamée par François Bayrou.

L’Afghanistan divise Sarkozy et Hollande

La guerre en Afghanistan a rarement été évoquée dans les débats de la présidentielle. Face à ce vide, le journaliste Jean-Jacques Bourdin a interrogé cette semaine Nicolas Sarkozy et François Hollande sur le nombre de soldats français morts en Afghanistan depuis 2001.

Dans l’émission du mercredi 18 avril, le président-candidat a déclaré :

Il y a eu 80 soldats tués en Afghanistan.

Alors que le candidat du parti socialiste affirme le lendemain dans la même émission :

On a perdu 83 soldats en Afghanistan.

Ces deux estimations sont proches, mais c’est François Hollande qui détient le chiffre exact, confirmé par le Ministère de la Défense : 83 militaires français sont morts en Afghanistan depuis 2001.

Marine Le Pen explose les prix

Invitée de la matinale de France Inter, jeudi 19 avril, Marine Le Pen s’est exprimée sur la hausse des prix :

les 2 % d’inflation par an que nous subissons de manière ininterrompue.

La candidate du Front National gonfle les chiffres officiels en omettant que le taux d’inflation est fluctuant. En effet, l’indice des prix à la consommation – correspondant à ce que l’on appelle communément l’inflation – a augmenté de 2,1 % en moyenne en 2011 en France, contre 1,5 % en 2010, 0,1 % en 2009, 2,8 % en 2008 et 1,5 % en 2007, soit une moyenne de 1,6 % par an entre 2007 et 2011 comme le démontre l’Insee.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
Retrouvez toutes nos vérifications sur le Véritomètre et nos articles et chroniques relatifs sur OWNI
Illustrations par l’équipe design d’Owni /-)

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Le bug du cyberjihad http://owni.fr/2012/03/28/cyberjihad-un-peu-perdu/ http://owni.fr/2012/03/28/cyberjihad-un-peu-perdu/#comments Wed, 28 Mar 2012 10:30:43 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=103831 "jihad médiatique" à ce jour. Deux ans après, l'affaire piétine, comme le montrent les éléments inédits recueillis par OWNI.]]>

Réprimer la consultation “de manière habituelle des sites Internet qui font l’apologie du terrorisme, ou véhiculant des appels à la haine ou à la violence”. Depuis une semaine, le président-candidat Nicolas Sarkozy multiplie les interventions contre le rôle supposé des sites internet jihadistes. La première charge date du jeudi 22 mars. Mohamed Merah venait d’être tué par les forces du Raid.

Les sites Internet jihadistes ont déjà attiré l’attention des services antiterroristes français. Au printemps 2010, une vague d’arrestations ciblait les membres d’un forum, Ansar Al Haqq (les partisans de la vérité).

Deux ans plus tard, l’instruction est toujours en cours, faute d’éléments déterminants dans une affaire qui a “explosé en plein vol” selon des proches du dossier. Une affaire dans laquelle les protagonistes apparaissent dans d’autres procédures, mais la seule à reposer uniquement sur du virtuel, sur des activités en ligne, ajoutent ces mêmes sources.

Six suspects mis en examen

27 avril 2010. Cinq personnes sont arrêtées par la Sous-direction antiterroriste (SDAT) et placées en garde à vue en région parisienne, à Marseille et à Vannes. Un autre mis en cause, Marie est entendue trois jours plus tard. Quelques mois plus tôt, elle avait été interpellée et mise en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

Le nom de Farouk Ben Abbes apparaît alors. De nationalité belge, il avait été interpellé en mai 2009 en Égypte, pour son implication supposée dans l’attentat du Caire qui avait tué une jeune française et blessé 24 personnes.

L’opération menée contre Ansar Al Haqq est le prolongement d’une affaire plus ancienne : l’acheminement de combattants en Afghanistan. Dite “des filières afghanes”, elle était instruite par le juge antiterroriste Marc Trévidic, familier des questions jihadistes. Pour Ansar Al Haqq, une disjonction est opérée : “le jihad médiatique” revient à Nathalie Poux, un autre juge de la Galerie Saint-Eloi, la section spécialisée dans les affaires terroristes du tribunal de grande instance de Paris.

Surveillé dès juin 2008

En avril 2010, une opération d’envergure est menée contre les modérateurs et administrateurs du forum Ansar Al Haqq. L’affaire débute deux ans plus tôt, en juin 2008. La SDAT surveille alors un salon de discussion sur la plateforme de messagerie instantanée Paltalk. Sur ce salon figure l’adresse d’un site décrit comme affichant “clairement son soutien aux moudjahidin appelant la communauté musulmane à soutenir le combat contre les mécréants” : Ansar Al Haqq.

Le site est accusé de propager l’idéologie jihadiste sur Internet, suivant la logique du jihad médiatique développée par Ayman Al Zawahiri, l’ancien numéro deux d’Al-Qaida devenu le chef après la mort d’Oussama Ben Laden. Les services notent que plusieurs utilisateurs du forum utilisent en signature une phrase qui résume selon eux cette théorie :

Le djihad médiatique, c’est la moitié du combat.

Parmi ces utilisateurs, Ali et Farouk Ben Abbes, l’un des premiers administrateurs du forum. Farouk Ben Abbes est considéré comme particulièrement actif sur le forum à partir de juin 2007, diffusant des communiqués revendiquant des attentats commis par des groupes et organisations proches d’Al-Qaida. Ali occupe lui aussi le rôle de modérateur puis d’administrateur du forum, mais ni l’un ni l’autre n’apparaît parmi les fondateurs.

Le forum Ansar Al Haqq est décrit comme le prolongement d’un blog, Al Firdaws, fondé par Nicolas et Marie, le premier alors âgé de 20 ans et la seconde de seulement 16 ans à en croire la SDAT. Fermé pour incitation à la haine raciale, Al Firdaws devient Ansar Al Haqq à partir de décembre 2006. Le forum est hébergé en Malaisie.

Autour des fondateurs est structurée une petite équipe dirigeante. Erwan et Julien jouent le rôle de modérateurs. Erwan n’est pas inconnu des services, son nom est apparu dans d’autres dossiers. En 2010, lors de son arrestation, il a 37 ans. Le second, Julien est plus jeune. Il a 24 ans mais son nom apparaît aussi dans des affaires antérieures, notamment en lien avec l’Irak.

Le dernier est Arnaud, 27 ans, lui aussi connu des services antiterroristes qui l’ont déjà interpellé. Sur Ansar Al Haqq, il est accusé de diffuser la propagande d’Al-Qaida et de veiller à ce que les contributions respectent les théories professées.

Seule affaire de “jihad médiatique”

L’affaire repose sur l’utilisation de sites Internet à des fins de diffusion de propagande. En décembre dernier, le chercheur à l’école des hautes études en sciences sociales, Dominique Thomas, nous décrivait un site s’adressant à un public francophone assez cultivé  :

Ansar Al Haqq veut faire connaître le message, diffuser les informations et créer une sphère de sympathisants. Des textes complexes, avec des références à l’islam médiéval, sont traduits par des utilisateurs.

La question du caractère opérationnel des échanges, sur lequel insiste la SDAT, n’a pas encore été appréciée par des juges, l’affaire étant toujours à l’instruction. L’un des mis en cause, Arnaud a bénéficié d’une procédure de nullité déposée devant la chambre de l’instruction. Le Parquet ne s’est pas pourvu en appel, il a été libéré fin 2010.

Ali n’a pas été placé en détention provisoire, mais sous contrôle judiciaire après sa mise en examen. Nicolas a lui aussi été libéré très rapidement, de même que Farouk Ben Abbes, pendant l’été 2011.

L’un des défenseurs dénonce l’utilisation du délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste pour réprimer des opinions, ce qui relèverait du droit de la presse et des lois de 1881. En somme, une confusion entre la section A4 du tribunal de grande instance de Paris, chargée de la presse, et la section C1, dédiée aux affaires de terrorisme, ajoute l’un d’eux.

Avertissement

Sur le forum Ansar Al Haqq, un avertissement a été mis en ligne le 8 octobre 2010, quelques mois après les arrestations. Sous le titre évocateur “Préservez-vous mes frères et soeurs ! Préservez-vous !”, le message évoque l’affaire :

Vous avez surement du remarquer et lire dans les news que ces temps-ci il y a eu plusieurs arrestations de frères et soeurs. Une de ces arrestations concernait les modés et anciens modés ainsi que les admins du site Ansar al Haqq. Et oui plusieurs admins et modés ont été arrêté il y a de ça plusieurs mois pour être interrogé sur une enquête qui s’intitule: “Opération Ansar al Haqq.” Oui en effet un juge a été chargé d’enquêter sur notre site Ansar al Haqq pour ce qu’ils appellent “propagande jihadiste sur internet.”

Des recommandations sont ensuite prodigués aux lecteurs et intervenants du forum :

Cette enquête a commencé depuis plus de deux ans ! En d’autres termes cela veut dire que des agents de la DCRI [la Direction centrale du renseignement intérieur, NDLR] viennent régulièrement sur le forum pour nous surveiller et lire ce qu’on post depuis déjà plus de deux années !!

Faites attention à ce que vous écrivez et ne donnez pas une occasion aux agents de la DCRI de venir vous arrêter chez vous un beau matin.

Le 4 mars dernier, un utilisateur a ajouté des précisions, tirées du livre l’Espion du Président consacré à la DCRI, sur les méthodes de surveillance utilisées par le service de contre-espionnage français.


Illustration et couverture par Loguy pour Owni /-)

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Dix jours de profils terroristes http://owni.fr/2012/03/22/dix-jours-profils-terroristes-mohamed-merah/ http://owni.fr/2012/03/22/dix-jours-profils-terroristes-mohamed-merah/#comments Thu, 22 Mar 2012 11:02:45 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=102925

Un inconnu qui règle ses comptes, un déséquilibré, un néo-nazi viré de l’armée, un jihadiste. Depuis une semaine, les enquêteurs ont étudié des pistes multiples, et autant de profils, pour trouver le coupable des assassinats qui secouent la région de Toulouse.

Mercredi, à 16h30, le procureur de Paris, François Molins a brandi une réponse : l’auteur présumé, Mohamed Merah, présente un profil “d’autoradicalisation salafiste atypique”. La formule clôt une enquête de 12 jours, depuis l’assassinat d’Imad Ibn Ziaten, un sous-officier du 1er régiment du train parachutiste.

Tous les profils

La Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), saisie, étudie alors toutes les pistes, y compris des querelles personnelles. L’affaire prend une tournure plus sérieuse à partir du 15 mars, quand trois militaires du 17e régiment du génie parachutiste sont pris pour cibles ; deux sont tués d’une balle dans la tête, le troisième très grièvement blessé.

La DCPJ reçoit l’aide des services spécialisés dans les affaires terroristes, la sous-direction antiterroriste (SDAT) et la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Mais le profil du tueur reste éthéré. Lundi, trois enfants et le père de deux d’entre eux sont assassinés dans une école juive, à Toulouse. Les enquêteurs semblent alors privilégier deux pistes : celles du néo-nazi et du jihadiste.

En 2008, la caserne de Montauban, le 17e RGP, avait été éclaboussée d’un scandale. Le Canard Enchaîné avait publié une photo montrant trois militaires du régiment devant un drapeau nazi, en train de faire le salut fasciste. Plusieurs voix dénonçaient alors un climat raciste au sein de la caserne.

Autre source d’intérêt pour les policiers, l’assassin semble aguerri au maniement des armes. Dans les témoignages recueillis et sur les images filmées dans l’école, ils notent son sang-froid, sa parfaite maîtrise et son calme.

Du néo-nazi au jihadiste

Mardi en fin d’après-midi, le procureur de Paris dément favoriser une hypothèse plutôt qu’une autre. Toutes les pistes restent ouvertes, martèle-t-il. Du néo-nazi au jihadiste, Mais dans la nuit, mercredi matin très tôt, assaut est donné contre le logement d’un habitant du quartier bourgeois de la Côte Pavée à Toulouse, au 17 rue du Sergent Vigné.

Enquête en bas débit

Enquête en bas débit

L'identification du terroriste au scooter a été très rapide, selon certains. La chronologie que nous avons reconstituée ...

Le profil de l’assassin présumé se dessine dans la journée, alors que s’égrainent les conférences de presse. Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, le décrit comme “celui qui a commis les assassinats successifs des 11, 15 et 19 mars”. Un jihadiste. Un jeune de la banlieue toulousaine. Il a grandi entre la cité du Mirail et les Izards, un quartier populaire. Le premier assaut des unités d’intervention spéciales du RAID, lancé à 3h10, a été accueilli par un rafale de tirs par l’occupant des lieux. Il blesse deux policiers, l’un au genou, l’autre légèrement. Un autre assaut à 5h donne un résultat similaire. Un nouveau blessé, à l’épaule, côté policier et l’homme reste toujours retranché à son domicile.

Zones tribales

Mais un canal de communication est établi. Un négociateur du RAID parvient à parler avec lui. Il est prolixe, dévoile son passé et revendique les sept assassinats de la semaine. L’homme a un nom et un âge, rendus public tôt le matin. Mohamed Merah, 24 ans, finalement ramené à 23 en fin de journée.  Il dit agir au nom d’Al-Qaida, vouloir punir la France pour son engagement en Afghanistan et tuer des enfants juifs pour venger la mort d’enfants palestiniens.

Selon le procureur du parquet antiterroriste, François Molins, Mohamed Merah a effectué deux séjours dans les zones tribales afghano-pakistanaises. Il s’y serait rendu par ses propres moyens, “sans avoir recours aux filières connues”, et surveillées. Contrôlé par hasard par les autorités afghanes, il est remis à l’armée américaine, puis renvoyé en France lors de son premier séjour, dont le parquet n’a pas précisé la date.

Son second séjour aurait duré deux mois, entre “mi-août et mi-octobre 2011″, date à laquelle il rentre en France, atteint d’un hépatite A. Mineur, Mohamed Merah avait été condamné à de nombreuses reprises pour des délits de droits communs. Il avait été écopé d’un an de prison. Mohamed Merah a deux frères aînés, dont Abdelkader, 29 ans. Tout comme leur mère, Abdelkader a été interpellé un peu après 3h30 mercredi matin.

Pas très pratiquant

Dans la matinée de mercredi, alors que Mohamed Merah est retranché à son domicile, des jeunes du quartier, connaissances et anciens camarades d’école, viennent à la rencontre des journalistes rassemblés à une centaine de mètres du 17, rue du Sergent Vigné.

L’un d’eux, Samir, décrit Mohamed comme une personne calme et généreuse, un type “qui porte les courses des vieilles”. Il dit ne pas comprendre, n’être pas au courant de séjours en Afghanistan ou de sa radicalisation. “Un croyant, mais pas très pratiquant” selon lui.

Kamel affirme être sorti la semaine passée avec Mohamed Merah dans une “boîte orientale” de Toulouse, le Calypso, et n’avoir rien remarqué. Tous condamnent unanimement. “Et encore, condamner, le mot n’est pas assez fort” ajoute l’un d’eux. “C’est comme le 11 septembre” déplore Samir.

Mercredi après-midi, le procureur, Michel Salins décrivait un jeune homme ayant connu des troubles du comportement enfant, un passé compatible avec “le profil psychologique du suspect”. Une personne au profil solitaire, qui pourrait passer des heures à regarder des vidéos très violentes, “comme des scènes de décapitation”, un loup solitaire au profil “d’autoradicalisation salafiste atypique”.

Jeudi matin, vers 11h30, Mohamed Merah est tué lors d’un assaut mené par les policiers.


Illustration (cc) par Truthout.org

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La revanche des drones http://owni.fr/2012/01/19/revanche-drones-afghanistan-al-qaida/ http://owni.fr/2012/01/19/revanche-drones-afghanistan-al-qaida/#comments Thu, 19 Jan 2012 05:58:46 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=94305

Propulsion d'un drone RAVEN

Dans un avenir proche, les Etats-Unis continueront à adopter une approche active (…) en frappant directement les groupes et les individus les plus dangereux quand c’est nécessaire.

L’annonce ne laisse guère de place à l’interprétation. Elle est inscrite dans le marbre de la stratégie de défense américaine 2012 rendue publique le 5 janvier. “Frapper directement les groupes et les individus les plus dangereux”. Comme auraient pu le faire les militaires américains, jeudi dernier, en éliminant le chef des talibans en Afghanistan, selon plusieurs témoignages recueillis par Reuters.

L’énoncé officialise plus qu’il n’inaugure la “guerre contre la terreur” façon Obama : pratiquer les assassinats ciblés conduits par les forces spéciales et la CIA, depuis le territoire américain, en utilisant les drones. Le même document poursuit :

Alors que les forces américaines se retirent d’Afghanistan, notre effort mondial en matière de contre-terrorisme va être plus largement réparti et se caractérisera par la combinaison d’actions directes et le soutien des forces de sécurité. Faisant nôtres les leçons apprises la décennie précédente, nous continuerons à construire et soutenir des capacités sur mesure adaptées au contre-terrorisme et à la guerre irrégulière.

Exit les “opérations prolongées de stabilisation à grande échelle” des forces américaines. Place est faite au “sur mesure” et aux frappes ciblées. Selon The Bureau of Investigative Journalism qui suit de très près la guerre des drones, 128 frappes ont été conduites dans les zones tribales pakistanaises en 2010,  deux fois plus qu’en 2009. Contre cinq en 2007.

Entre civils et militaires

“L’utilisation des drones est multipliée à partir de 2004. Les Etats-Unis sont les premiers à avoir recours à ces avions sans pilote, suivis par les Israéliens” rappelle le général Michel Asencio, chercheur à la Fondation pour la recherche scientifique (FRS). Aujourd’hui l’armée américaine possède une flotte de quelques milliers de drones, majoritairement dédiés à l’observation. 775 sont dotés de capacités offensives, notamment les Predators et Reaper.

La CIA quant à elle ne possèderait qu’une trentaine de drones, principalement pour la surveillance comme le RQ 170 – dont un appareil a été détourné par les autorités iraniennes le 4 décembre.

Cette nouvelle guerre contre la terreur floute les lignes entre civils et militaires. En témoigne le chassé-croisé de juin dernier à la tête des principales institutions de sécurité et défense. Léon Panetta, directeur de la CIA jusqu’en juin 2011, a été nommé secrétaire à la Défense. “Une façon pour Obama de placer à la tête de l’armée une figure politique démocrate de confiance” interprète Nicole Vilboux, spécialiste de la doctrine militaire des Etats-Unis et chercheur associée à la FRS. “L’US Army est généralement méfiante envers les présidents démocrates, même si Obama bénéficie de plus de crédit que Bill Clinton.”

Lors de son départ de la CIA, Panetta a été remplacé par un militaire de haut-rang, le général Petraeus, ancien du commandement dédié au Moyen Orient, le CENTCOM, et de la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) où il avait succédé à Stanley McChrystal. Un homme épinglé pour avoir critiqué trop vertement la stratégie américaine en Afghanistan et le président Obama.

Ces nominations illustrent la stratégie choisie par l’administration Obama, incarnée dans l’utilisation des drones dans les zones tribales pakistanaises, voire au Yémen et en Somalie. “Selon toute vraisemblance, les opérateurs des drones, les techniciens, sont des militaires” avance Nicole Vilboux. Le programme est tenu secret, peu d’informations filtrent sur les assassinats ciblés. Et pour cause : les opérations de la CIA sont couvertes du sceau de la clandestinité

CIA et JSOC

Officiellement, le programme n’existe pas. La Maison Blanche et la CIA refusent de l’évoquer ou de confirmer l’existence des frappes, rapporte le Washington Post qui précise l’implication combinée et alternative de l’agence de renseignement et des forces spéciales sous le commandement du Joint Special Operations Command (JSOC). Anwar Al-Awlaki, membre d’Al-Qaida pour la péninsule arabique (AQPA), a été tué le 30 septembre dernier au Yémen par une frappe de drones commandés par la CIA. Deux semaines plus tard, c’est une frappe conduite par le JSOC qui tua son fils de 16 ans toujours au Yémen.

Propulsion d'un drone RAVEN

“L’entourage de Barack Obama est très favorable à l’utilisation des drones, surtout son conseiller au contre-terrorisme, John Brennan et la secrétaire d’Etat Hillary Clinton” détaille Nicole Vilboux. S’agissant d’opérations clandestines de la CIA, il revient au président de donner le feu vert final, sans avoir à se justifier auprès de l’opinion publique. D’autant moins que cette nouvelle guerre contre le terrorisme vise à éviter les funestes décomptes de militaires américains tués. “L’utilisation des drones repose sur une nouvelle économie de la guerre, qui s’est développée après la guerre d’Algérie et du Vietnam. La mort de soldats devient insupportables aux sociétés occidentales. Le drone est l’outil idéal : ils sont téléguidés et n’exposent donc pas les soldats” rappelle Gérard Chaliand, spécialiste de l’Afghanistan.

Métro, drone, dodo

En 2025, un tiers de la flotte américaine devrait être composé de drones de combats, soit plus de 900 appareils. “Les pilotes sont remplacés par les machines jusqu’à un certain point, analyse Michel Asencio. Ils ne sont pas entièrement indépendants, un être humain intervient en le programmant avant le vol ou en le pilotant à distance.” De récentes études ont montré que les pilotes de drones souffraient des mêmes symptômes post-traumatiques que les pilotes de chasse :

Imaginez un agent des forces spéciales qui dépose ses enfants à l’école à 8h, va travailler, élimine des insurgés à plus de 8000 km et rentre chez lui le soir à 18h !

La guerre des drones fait école. En Libye, le convoi de Kadhafi prenant la fuite a été stoppé par un tir de drone. Les nouveaux Predators, baptisés Avenger, seront propulsés par des réacteurs leur permettant d’atteindre plus de 600 km/h contre 100 à 130 km/h pour les drones à hélices utilisés aujourd’hui. Peu de chances que Barack Obama abandonne sa “guerre contre la terreur”, censée rompre avec les dérives de son prédécesseur Georges W. Bush.

Les assassinats ciblés de membres d’Al-Qaïda, certains de nationalité américaine, sont illégaux au regard du droit international, rappelle Nicole Vilboux. “Washington prétend agir en situation en situation de légitime défense [au sens de l'article 51 de la Charte des Nations-Unis, NDLR].” Les intrusions sur le territoire pakistanais ont été dénoncées par les autorités d’Islamabad comme autant de violation de sa souveraineté territoriale. Au moins 53 victimes non-combattantes ont été recensées au Pakistan en 2011.


Infographie réalisée par Enora Denis à partir des données du Bureau of Investigative Journalism et parue dans le numéro quatre de la revue Le Jeu de l’Oie.

Photos par Isaf Media (CC-by) via Flickr

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Le jihad selon Twitter http://owni.fr/2012/01/04/le-djihad-selon-twitter/ http://owni.fr/2012/01/04/le-djihad-selon-twitter/#comments Wed, 04 Jan 2012 09:55:22 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=92375

Trois terrroristes français abattus par un soldat afghan dans la base appelé Shamshad, dans le district Tagab (Kapisa) à 6h30 aujourd’hui.

L’annonce est faite par un proche des Taliban, en anglais, sur son compte. Dans la même journée, le ministre de la Défense français, Gérard Longuet, confirme la mort de légionnaires français, mais précise que deux ont trouvé la mort, et non pas trois comme le prétendait le porte-parole de l’organisation jihadiste.

Tweetclash

Les forces de l’Otan, engagées depuis 10 ans en Afghanistan, ne laissent pas aux organisations le monopole du site de micro-blogging. Régulièrement, le compte de la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) répond aux tweets des jihadistes. Vendredi, la FIAS recommandait, non sans ironie, aux jihadistes de remplacer le lien d’un de leur tweet. Les Taliban prétendaient qu’un hélicoptère de l’Otan était tombé sous le feu d’un moudjahidin. Dans son tweet, la FIAS renvoyait vers un communiqué de son site, expliquant qu’il s’agissait “d’un atterrissage d’urgence en raison de problèmes mécaniques”.

Les provocations entre Taliban et Otan sont nombreuses, donnant lieu à des échanges pour le moins truculents :

@ISAFMedia : Hé-ho @ABalkhi D’autres Taliban déposent les armes, photo non-truquées à l’appui. Un futur meilleur les attend.

[Réponse du groupe Taliban] @ABalkhi : Hé-ho Vous auriez dû au moins nouer correctement les rubans à ces Taliban “non-truqués”. Peut-être qu’ainsi un meilleur futur vous ouvrirait ses bras…

Al-Qaida en Somalie

@ABalkhi n’est pas le seul groupe Taliban, ni le seul groupe jihadiste à avoir investi Twitter. Les Shabab, un groupe somalien affilié à Al-Qaida, tance à l’occasion l’armée kenyane. Le compte HSMPress, pour Harakat Al-Shabaab al Mujahideen (Le mouvement des Jeunes Moudjahedin) a répondu au porte-parole de l’armée kenyane encourageant les troupes engagées en Somalie :

La mission a échoué, Major. Oubliez les détails gores de la guerre & essayez la danse classique à la place pour une carrière durable. La guerre, c’est pour les Hommes !

A la correspondante d’Al-Jazeera en Côte d’Ivoire, Nazanine Moshiri qui les interrogeait sur Twitter, les Shabab demandent :

Ce doit être la nouvelle approche innovante des interviews Twitter d’Al-Jazeera. Doit-on l’appeler une Twinterview ?

Les comptes Taliban, de même que le compte des Shabab, publient leur tweets dans un anglais parfait. L’identité et la localisation des auteurs demeurent inconnues, ont affirmé des officiels américains, supposant “[qu']ils peuvent mener cette cyberguerre depuis l’Afghanistan, le Pakistan ou un appartement confortable quelque part en Europe”. Dominique Thomas, doctorant à l’Ecole des hautes-études en sciences sociales (EHESS), ne s’étonne pas de cette maîtrise de l’anglais par les Shabab :

Des Somaliens expatriés aux Etats-Unis en font partie, de même que le Syro-Americain Abu Mansoor Al-Amriki. La stratégie médiatique des Shabab a été largement pensée par des membres de la diaspora, et non par des Somaliens nés en Somalie. Il y a un gros décalage entre le territoire sur lequel est basé la mouvance et la technologie utilisée.

“Ben Laden de l’Internet”

Anwar Al-Awlaki, membre charismatique d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) tué dans une attaque de drones américains le 30 septembre au Yémen, était devenu un prédicateur influent en utilisant massivement les réseaux, notamment YouTube. Le directeur de la télévision dubaïote Al-Arabiya le décrivait en 2009 comme “le Ben Laden de l’Internet”. L’auteur de l’attaque contre la caserne américaine de Fort Hood en novembre 2009, Nidal Hasan, fréquentait assidument le site d’Anwar Al-Awlaki. Celui-ci avait lui aussi reconnu dans une interview à Al-Jazeera avoir été en contact, par Internet, avec le major responsable de la fusillade qui a coûté la vie à 13 personnes.

L’utilisation des réseaux sociaux par les groupes jihadistes est assez récente, note Dominique Thomas. Elle participe de la stratégie de cyberjihad, réfléchie entre autres, par “l’architecte du jihad global, Abou Moussab Al-Souri” :

Il s’agit d’une théorisation de la stratégie. Sur le plan doctrinal et idéologique, il n’y a pas grand chose. L’espace internet est corrompu aux yeux des salafistes jihadistes mais ils mettent des limites dans cet espace qui est “hallalisé”. Ils ont créé un espace, un territoire virtuel qui abrite une sorte d’Etat islamique virtuel dans lequel les règles de la charia s’imposent. L’Etat est délimité par des frontières virtuelles et les discours sont diffusés au sein de cet espace.

Contrairement aux forums ou sites d’information, l’utilisation de réseaux sociaux, créés par des Occidentaux considérés comme “des infidèles” a posé question aux jihadistes. Comment rendre “hallal” le site d’une start-up californienne ? Pour Dominique Thomas, les avantages des réseaux sociaux l’ont emporté sur les questions théoriques :

Un peu à la manière des replis fondamentalistes, notamment des replis quiétistes en Occident, les jihadistes ont créé une bulle vertueuse qui n’est pas territoriale, mais virtuelle, dans un espace jugé corrompu.

Les médias sociaux présentent plusieurs avantages pour les jihadistes. Ils sont décentralisés, relativement sûrs et pérennes. Les sites d’organisation jihadistes font l’objet d’attaques d’individus, de collectifs voire d’Etats – Israël et les Etats-Unis étant systématiquement pointés du doigt par les jihadistes – mais un compte Twitter, Facebook ou YouTube ne peut être mis hors-ligne qu’à condition de s’attaquer au site entier ou de violer les conditions d’utilisation.

La base en ligne

L’objectif n’est pas tant le recrutement direct, infinitésimal selon Dominique Thomas, que la création d’une sphère d’influence et de sympathie. Ce que confirme Aaron Zeelin, chercheur à l’université Brandeis au Massachusetts et auteur du blog Jih@dology :

Les jihadistes essaient d’entrer en contact avec des individus proches de la mouvance dans d’autres pays, créant ainsi une communauté imaginaire. Ils établissent une “Oummah [communauté des croyants, ndlr] imaginaire” en ligne.

Le transfert vers les réseaux sociaux est aussi lié à la perte de vitesse des forums, très utilisés au milieu des années 2000. Dans l’ouvrage collectif Les Arabes parlent aux Arabes, Dominique Thomas distingue plusieurs phases dans l’utilisation d’Internet par les jihadistes. Après la chute du régime Taliban, en 2001, Al-Qaida perd sa base territoriale, les combattants venus de la Péninsule quittent l’Afghanistan pour leur pays d’origine, l’Arabie Saoudite ou le Yémen.

Ils commencent alors à utiliser le réseau pour diffuser à l’échelle mondiale “les divers documents relatifs à la communication de l’idéologie et à la formation des militants issus de la mouvance”. Les jihadistes touchent ainsi “une nouvelle clientèle qui n’est plus confinée sur une scène nationale ou locale”.

Ce moment coïncide avec l’apparition de sites “made in Al-Qaida”, comme elneda.com. L’un des premiers penseurs du cyber-jihad est le Saoudien Youssef Al-Ayeeri, tué en juin 2003 :

Une petite cellule d’une quinzaine de personnes de la péninsule arabique rédigeait et diffusait les premières revues, Al-Ansar et Sawt Al-Jihad (La voix du jihad). Ces revues sont diffusées aux formats word et en pdf.

Cellule contre le cyberjihadisme

Les forums, longtemps plébiscités, sont suspectés d’avoir permis l’arrestation de nombreux combattants d’Al-Qaida. Certains, notamment Al-Fallujah, très utilisé, se sont sabordés. L’Arabie Saoudite a même créé une cellule spécialisée sur la lutte contre le cyberjihadisme, rappelle Dominique Thomas :

Al-Hisbah a disparu le 11 septembre 2008. Il était infiltré par les services saoudiens ce qui a conduit à l’arrestation de webmasters et modérateurs. D’autres forums ont été réouverts, possiblement par les services, après une première fermeture.

Ces réouvertures permettent d’appâter les jihadistes, de récolter des informations personnelles et de les arrêter. Pour faire face à ces stratégies du leurre, les jihadistes ont lancé des labels d’authentification des contenus. Pour certifier la provenance de contenus diffusés, les branches et le central utilisent des labels : Al-Qaida au Maghreb islamique a adopté le label Al-Andalous, Al-Qaida pour la péninsule arabique Al-Malahim et l’Etat islamique irakien Al-Furqan.

“Ce sont des canaux de diffusion d’organisations jihadistes spécifiques. Ces labels fonctionnent comme un sceau d’approbation un contenu et l’officialise” explique Aaron Zelin. Autre stratégie de contournement, les jihadistes s’invitent de plus en plus sur des espaces non-dédiés à la guerre sainte. Ils essaiment sur des forums non-jihadistes, consacrés aux folklores régionaux et tribaux, a constaté Dominique Thomas.

Capacités d’adaption, résilience, pragmatisme, les réseaux jihadistes ont adapté leur communication à Internet. “Un allié et un ennemi pour les jihadistes” selon Dominique Thomas qui insiste sur la priorité donné au contact humain pour le recrutement :

“Multiplier les rencontres et les échanges numériques les exposent. La sanction est de plus en plus une frappe de drones”.


Illustrations de Marion Boucharlat pour Owni CC-byncsa

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http://owni.fr/2012/01/04/le-djihad-selon-twitter/feed/ 56
Les mercenaires filent à l’anglaise http://owni.fr/2011/06/13/les-mercenaires-filent-a-langlaise/ http://owni.fr/2011/06/13/les-mercenaires-filent-a-langlaise/#comments Mon, 13 Jun 2011 14:58:55 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=67655 Depuis quelques semaines, la filiale anglaise du groupe Géos, fleuron des sociétés militaires privées françaises, est au centre de plusieurs procédures ouvertes bien souvent après des plaintes de ses anciens employés. À Londres, OWNI a obtenu les procès-verbaux et les registres de cette curieuse structure, Geos International Consulting Limited (voir ci-dessous), montrant qu’elle relève directement du siège du groupe Géos, en région parisienne. De grands noms apparaissent dans ces registres britanniques. Ceux du général Jean Heinrich (ex patron du Service Action de la DGSE) ou de Guillaume Verspieren (l’héritier du groupe d’assurance et actionnaire majoritaire du groupe Géos en France). Installée au 81 Rivington Street à Londres, la société apparaît dans au moins quatre affaires sensibles.

  • Enquête préliminaire du parquet de Nanterre pour des bizarreries comptables,
  • Dossiers aux prud’hommes de Versailles et de Boulogne-Billancourt ouverts par des anciens des forces spéciales expédiés en Algérie ou au Brésil qui reprochent au groupe de ne pas avoir payé leurs cotisations sociales,
  • Ou encore investigations policières après les missions d’un cadre de Géos pour le compte des services de sécurité de Renault à l’origine du plus gros scandale social connu par le groupe automobile.


Créée en 2001, cette société anglaise serait chargée de “la gestion des opérationnels, du support et de l’accompagnement des projets“, nous explique-t-on au siège parisien de l’entreprise. Cependant, les procès-verbaux de la filiale montrent qu’elle intervient dans le domaine de “l’investigation et de la sécurité“. Toujours selon ces papiers, Géos déclarait en Grande-Bretagne 114 personnels d’opération et 22 personnels administratifs et deux personnes chargées de la gestion, entre septembre 2008 et décembre 2009, pour un chiffre d’affaire de 20 984 000 euros. Mais des témoins, familiers des lieux, nous décrivent un bureau de 40 m2 où travaillent une secrétaire et un comptable.

Des anciens des forces spéciales relevant de la structure anglaise ont récemment porté plainte. Tel Roland Renaux, responsable de la sécurité en Algérie, officiellement employé via un contrat anglais, mais percevant un salaire net en euros, versé sur un compte en France. Cet ex-commando marine pilotait la sécurité sur un site d’Alstom Power, où sont déployées d’importantes équipes de gardes armés. Avant d’être licencié en août 2009, moment où il découvre que la société n’aurait jamais versé de cotisations sociales, ni en Grande-Bretagne ni en France. Roland Renaux a assigné le groupe Géos et Alstom devant le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt, lequel pour l’heure s’est déclaré incompétent territorialement. Roland Renaux a fait appel de cette décision mais une conciliation serait en cours.


Les activités de Géos en Algérie intéressent la justice à plus d’un titre. Michel Luc, l’employé de Géos accusé d’avoir participé aux enquêtes à l’origine du scandale Renault a été débarqué début février par la direction du groupe, précisant qu’il aurait agi en dehors des consignes hiérarchiques. Une accusation étonnante au regard de ses responsabilités. Jusqu’à une période récente Michel Luc coordonnait l’ensemble des opérations de Géos en Algérie, en relation avec la filiale anglaise.

Une autre procédure aux prud’hommes visait Géos au début du mois. Celle introduite par Luis Barbosa, la quarantaine, ancien du 1er Régiment Parachutiste d’Infanterie Marine (RPIMA) de Bayonne et ancien chasseur alpin. Chef d’opération au Brésil jusqu’en décembre 2010, il y aurait passé six mois sans autorisation de travailler sur place, tandis qu’il coordonnait plusieurs opérations du groupe en Amérique latine, en relation avec la surveillance des réseaux de narcotrafiquants, et au terme d’un contrat avec la même filiale britannique.

Luis Barbosa réclamait ”le paiement de la totalité de ses indemnités de licenciement, ainsi que celui de diverses prestations sociales” selon la lettre Intelligence Online (sur abonnement). Il a assigné aux prud’hommes de Boulogne-Billancourt la filiale londonienne, mais aussi Géos SAS et Géos Brasil. Le conseil devait statuer le 6 juin dernier, mais en l’absence de Luis Barbosa une ordonnance de caducité a été prononcée. Selon ses proches, une transaction aurait eu lieu peu avant l’audience.

À terme, ces diverses affaires pourraient mettre en évidence les relais de Géos avec l’appareil sécuritaire français, et quelques-une de ses missions très particulières. Ainsi, selon des témoignages concordants recueillis auprès d’anciens contractuels de Géos, une centaine de soldats privés évoluaient en Afghanistan en 2010. Dont certains spécialisés dans des missions de renseignement.


Crédits Photo FlickR cc by Simon Goldenberg

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