OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Guild Wars 2 en attendant l’Open Data http://owni.fr/2012/10/18/guildwars2-en-attendant-open-data-gw2-mmorpg/ http://owni.fr/2012/10/18/guildwars2-en-attendant-open-data-gw2-mmorpg/#comments Thu, 18 Oct 2012 10:12:07 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=123107 Image issue du tumblr Fabulous Quaggan

Image issue du tumblr Fabulous Quaggan

Malgré un nombre de joueurs approchant la population parisienne, le jeu de rôle heroic fantasy à univers persistant Guild Wars 2 n’avait jusqu’ici aucun institut de statistique valable.

Parité pièces d’or-gemme

Le 23 août dernier, ce manque a été partiellement comblé quand John Smith, membre de l’équipe du développeur ArenaNet, a publié un billet portant sur l’économie virtuelle dans la bêta sur le blog officiel de ce concurrent de World of Warcraft.

En évaluant notamment l’argent récolté selon les professions choisies par les joueurs pour leurs personnages, le développeur a ainsi pu opérer des corrections pour éviter de trop forts déséquilibres, notamment en faveur des bijoutiers. À cela, d’autres indicateurs ont été ajoutés afin de comparer l’économie du jeu à l’économie réelle (en l’occurrence à celle des États-Unis), comme la distribution des richesses par déciles de population aux Etats-Unis (en dollar) et dans le jeu (en pièce d’or) ou la parité pièces d’or-gemme dans le jeu rapporté au cours de l’action Facebook.

Cliquez sur l'infographie pour l'agrandir

Cliquez sur l'infographie pour l'agrandir

Fort de l’intérêt suscité par ces considérations économétriques, John Smith a ressorti ses tableaux Excel pour une deuxième fournée le 14 septembre, basée cette fois-ci sur les équilibres entre l’offre et la demande dans le commerce interne au jeu. En clôture de ce billet, ArenaNet offrait cette fois-ci un graphique sur la sociologie et la démographie des personnages créés par les joueurs, classant les préférences en matière de races, professions et compétences commerciales :

Discrimination raciale

Une publication qui s’est muée en polémique quand Peter Fries, un des scénaristes du jeu, a poussé un coup de gueule face à l’ostracisme dont les races des Asuras (lutins technophiles) et des Charrs (félidés béliqueux) se voyaient frappés :

AMHA, ceux qui évitent Charrs et Asuras passent à côté des éléments narratifs les plus puissants de ce jeu.

Les données elles-mêmes ont vite été récupérées par la communauté et notamment par un développeur californien Eric Hazard, qui a remixé les chiffres livrés par ArenaNet en une dataviz interactive.

Consultable sur le site Guildwars2viz, l’application est également décrite dans l’intégralité de son code sur le réseau social Github. A une grosse couche de Javascript, l’auteur a ajouté une bibliothèque de simplification, Coffeescript, et des touches de Python et de LESS (pour le CSS).

Pas forcément niché aux endroits où on l’attend, l’Open Data a également de l’avenir dans le jeu vidéo et les MMO !

Guild Wars 2 Visualization - Eric Hazard (extrait)

Guild Wars 2 Visualization - Eric Hazard (extrait)


Images issues du Tumblr Crossdressing Quaggan et des sites GuildWars2.com et GuildWars2viz.com.

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Les data en forme http://owni.fr/2012/05/29/les-data-en-forme-episode32/ http://owni.fr/2012/05/29/les-data-en-forme-episode32/#comments Tue, 29 May 2012 17:11:38 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=111696 Owni, à lire et à partager.]]> A priori, le premier lien de notre veille hebdomadaire ne mange pas de pain numérique, ne pulvérise aucune rétine, n’estomaque pas le lecteur en mal d’awesomeness. Mais il est rudement pratique. Grand merci donc à Arthur Charpentier – plus connu (mais sans doute pas assez) via son blog Freakonometrics – et à Ewen Gallic, un jeune Rennais étudiant à Montréal (c’est dire s’il patauge dans le bon Open Data) qu’il relaie cette semaine. Ce précieux jeu de données [en] (“dataset” dans la langue de Simon Rogers) est des plus utiles pour les data-journalistes que nous sommes, puisqu’il rassemble en un fichier CSV de 24 Mo les coordonnées GPS des 36 000 communes françaises (API Google Maps et GeoHack) et la population de ces communes entre 1975 et 2010 (Insee et travail d’estimation de population personnel par rapport aux données de l’Insee pour prendre en compte les fusions et/ou les scissions de communes durant ces 35 ans). Avis aux amateurs, donc !

Puisqu’on est lancés sur la démographie, relevons également cette semaine “l’augmentation” – six ans après – d’un travail de journalisme de (base de) données effectué par Amitabh Chandra de l’université de Harvard, et initialement publié par le New York Times en 2006 sous la forme un peu austère d’un tableau HTML : “Votre anniversaire est-il populaire ?” [en], basé sur le nombre de bébés étasuniens nés entre 1973 et 1999, où l’on apprend que le 16 septembre est la date la plus courante pour la naissance des petits américains. Ce boulot, un peu rustique, a été repris récemment par le data-journaliste de NPR Matts Stiles sous la forme d’une visualisation un peu plus sexy [en]. Visualisation statique toutefois, figée dans l’Illustrator, elle-même rapidement reprise par Andy Kriebel, spécialiste de #dataviz, qui lui a apporté un peu d’interactivité grâce à la célèbre plate-forme Tableau. Pour un résultat probant.

Mise-à-jour du 30 mai : Arthur Charpentier (décidément) nous indique fort justement que Freakonometrics a récemment pondu une version avec des données françaises [en] de “Which birth dates are most common”, qu’il en soit ici vivement adulé.

Mamma Mia

Autre œil mouillé jeté sur l’humanité, c’est celui du dieu vivant de la visualisation de données, David McCandless, qui nous pond (avec sa glorieuse équipe) en ce joli mois de mai (où les feuilles volent au vent si jolie mignonne) une infographie sobrement intitulée “Les meufs règnent-elles ?” – ou : l’équilibre des genres sur les réseaux sociaux. On y constate de prime abord, grâce au travail de recherche effectué par Dan Hampson et avec l’aide additionnelle de Piero Zagami et Tatjana Dubovina à la palette, que les filles sont plus présentes que les mecs sur Facebook, Twitter, Instagram ou Pinterest – pour ne citer que les plus connus – tandis que l’inverse s’applique sur Spotify, Google+, Flickr ou YouTube. Et qu’en tout, c’est presque 100 millions d’utilisatrices supplémentaires chaque mois qui se connectent sur les réseaux sociaux, et qu’elles sont davantage dans une logique d’échange que de consommation. Mais c’est une interprétation personnelle, chacun pourra jouer avec la source pour se faire la sienne.

Petite entreprise ne connait pas la crise

Le commerce en magasin ne faiblit pas en Italie malgré la morosité ambiante… grâce, notamment, aux étrangers hors-UE, pistés par l’exploitant de magasins “duty-free” Global Blue, qui a dressé la liste des pays les plus actifs chez nos voisins et en a pondu une jolie infographie [it] pour illustrer tout ça. À la vérité, ce ne sont ni le sujet ni les données qui auront attiré notre attention, mais bien la mise en forme, originale et bien léchée. À vérifier en mettant tout ça en plein écran.

Dans le vent

On reste dans la visualisation de données et dans les teintes de bleu(s) avec un vrai travail basé sur l’Open Data et notamment aux données récoltées de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) via le portail data.gov. Ici, John Nelson – spécialiste en expérience utilisateur dans le civil – a catégorisé des données pistant les tornades selon leur positionnement sur l’échelle de Fujita, réglant ainsi l’intensité des traces les indiquant sur la carte en proportion de leur puissance au sol. Un histogramme indique également le nombre de victimes sous la forme d’une frise chronologique. Seul petit regret : le projet aurait été parfait s’il avait été un peu interactif. On se contentera donc de ce magnifique rendu.

Dans l’eau

Quand on est attentif aux questions posées par la gestion et l’utilisation de l’eau (comme le sont certainement la majorité des lecteurs, déjà sensibilisés sur Owni par le projet du Prix de l’eau), on étudiera sans doute avec plaisir cette nouvelle infographie repérée via Flowingdata : “Quelles nations consomment le plus d’eau ?” [en]. C’est à partir de données extraites par Arjen Hoekstra et Mesfin Mekonnen de l’université de Twente (Pays-Bas) que Jen Christiansen, directrice artistique et illustratrice au Scientific American Magazine a créé cette visualisation colorée qui met en exergue que si la population abondante est le premier facteur de variation de consommation de l’eau, une agriculture inefficace et une utilisation excessive de cette ressource naturelle pour la production de nourriture (30% de l’empreinte de l’eau aux États-Unis est issu de la consommation de viande) est également fatale.

Réflexions

Pour nos lecteurs anglophones, restent trois billets sur lesquels nous mettons le doigt – et que nous aurons sans doute bientôt l’occasion d’évoquer plus longuement :

Bien sûr, pour certains, ce ne sera jamais du journalisme. Et quelle importance ? Pendant qu’ils disserterons sur les définitions, nous autres on se mettra simplement au boulot.

Une bonne data-semaine à tou(te)s !

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http://owni.fr/2012/05/29/les-data-en-forme-episode32/feed/ 3
Les data en forme http://owni.fr/2012/02/06/les-data-en-forme-episode-19/ http://owni.fr/2012/02/06/les-data-en-forme-episode-19/#comments Mon, 06 Feb 2012 18:43:56 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=97546 En guise d’amuse-gueule, un petit article [EN] sur le design informationnel, où l’on voit bien – à travers le livre Graphic Methods for Presenting Facts de 1917, notamment – que nos infographies d’aujourd’hui n’ont rien de révolutionnaire. On en profite ici pour dire bonjour à Karen, grande veilleuse parmi les veilleurs, pour qui la plupart des liens de journalisme graphique que nous vous fournissons chaque semaine ne sont pas inconnus.

DataWOW

Alors que nous sommes en train de finaliser pour la présidentielle française un très beau joujou dont nous sommes très fiers et que nous avons hâte de vous montrer, nous ne pouvons pas manquer l’occasion cette semaine de faire honneur à deux applications de très haut niveau. Si vous rêviez de vous promener aux confins de la “big data” sans vraiment oser rentrer dedans, en voici deux magnifiques illustrations.

Les plates-formes eXplorer de la société suédoise NComVA manipulent de très gros volumes de données pour créer de remarquables visualisations statistiques. Par exemple, Europe Explorer [EN] permet de naviguer dans un large dataset (téléchargeable) d’informations économiques et démographiques sur les pays européens et de personnaliser (c’est le point fort) l’affichage de ces données – telles que la croissance du PIB, le taux de fertilité, l’espérance de vie à la naissance, ou encore la population par tranches d’âge.

Total Annual Building Energy Consumption for New York City [EN] est une application un poil titanesque réalisée par l’équipe du groupe de recherche du Professeur Viraj Modi, spécialiste de sources d’énergie et de mécanique des fluides à l’université de Columbia. Comme son nom l’indique, cette application interactive veut pouvoir fournir une estimation de la consommation d’énergie de chaque bâtiment new-yorkais à partir d’une étude ad hoc [EN] et d’une méthodologie assez épurée [EN]. Rien qu’imaginer le temps qu’il a fallu pour rassembler les données et les harmoniser… donne un peu mal à la tête. Nous avons là, typiquement, un travail qui pourrait être le reflet idéal d’un monde parfaitement “open data”, dans lequel ce genre d’information serait aisément à la portée de tous.

Datacheap

Une fois n’est pas coutume s’agissant de la campagne présidentielle étasunienne, les éléments incontournables de notre veille cette semaine sont moyennement excitants. Petite déception, vu que le New York Times et le Washington Post nous ont habitués à beaucoup mieux. Ou alors on devient plus exigeants avec le temps, possible aussi.

Pour accompagner un (bon) article d’analyse politique [EN] du discours de l’état de l’Union, le NYT s’est donc fendu d’une infographie [EN] comparant la fréquence d’usage des mots du Président Obama avec ceux prononcés par ses adversaires républicains putatifs. La mise en forme en histogramme est ici assez originale dans le contexte de l’analyse lexicale – pour nous être également prêtés au jeu, on vous confirme que le rendu d’un tel corpus est loin d’être évident à modéliser. En revanche pour le reste, deux écueils majeurs (l’échelle du temps et l’échelle de numération) rendent particulièrement décevante cette expérience : primo, Obama est scruté sur ses quatre adresses à la Nation (2009-2012) tandis que les candidats républicains sont étudiés sur les neufs derniers mois au cours de “plusieurs entretiens”. Secundo, le nombre d’occurrences observées ne dépasse 7 qu’une seule fois – la plupart du temps, on compare des fréquences situées entre 1 et 5 fois ; rendant le diagnostic particulièrement biaisé au vu de la taille du corpus étudié.

La deuxième “déception” de la semaine (les guillemets parce qu’il nous reste un peu d’humilité quand même) provient de la visualisation en treemap [EN] qui accompagne un papier économique plutôt technique [EN, paywall] qui déchiffre les “déficits” Obama et qui établit une comparaison avec ceux provoqués par Bush fils. Le format treemap[EN] est toujours performant pour comparer des budgets (on se souvient de celui, brillant, de Jean Abbiateci) mais on attend – forcément – du WashPo autre chose qu’une pauvre image compressée, des cubes à géométrie variable et des projections jusqu’à 2017.

Datacoq

D’autant que l’économie est un sacré terrain de jeu pour faire de l’infographie et de la bonne datavisualisation. Pour preuve, le blog “Echosdataviz” de Frédéric Vuillod, qui a pondu une vidéo très simple et très didactique à l’occasion de l’introduction en bourse de Facebook. Deux regrets : 18 secondes de pub en pré-roll (désolé) et une vidéo non-embeddable. On va dire que c’est pour faire du business à la française.

Dataworld

Et puisqu’on parle de business à la française, difficile de ne pas évoquer cette semaine le bras armé de la moralisation du capitalisme qui se réunit chaque année à Davos en Suisse. Le célèbre Forum Economique Mondial nous gratifie d’une jolie vidéo – limite décadente – pour présenter le rapport 2012 des “risques globaux” qui peuvent transformer notre planète en véritable chambre de torture si les grands de ce monde ne font rien pour les détruire à la racine. Notre “risque” préféré est sans aucun doute “les graines de la contre-utopie” (“the Seeds of Dystopia”) – symbolisé par des drapeaux, des poings levés et un masque d’Anonymous – et leur “côté sombre de la connectivité” (“the Dark Side of Connectivity”) et son logotype de port USB, véritable empêcheur d’épanouissement humain. Passée la propagande, la vidéo [EN] est objectivement bien foutue, donc pourquoi pas.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Databowl

Heureusement, pour contrer les anarchistes et les hackers, il reste le Super Bowl. On n’insultera ici ni les amateurs ni les détracteurs de ce spectacle en omettant volontiers de donner le résultat de la finale du championnat de football américain, qui vient de se dérouler. A ceux qui douteraient qu’il s’agit bien d’un sport, les laboratoires de Brandwatch ont pondu une application de réputation sociale [en] (basée sur Twitter) des annonceurs figurant dans la liste très courue de ceux qui peuvent se payer 30 secondes de pub pendant cette messe annuelle. C’est marrant, ça parle de sentiment, et donc presque d’amour.

Et en parlant d’amour, on se quitte sur la nécessaire vidéo de la semaine de Stephen Malinowski. Paix et gloire sur vos data !

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Retrouvez les précédents épisodes des Data en forme !

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http://owni.fr/2012/02/06/les-data-en-forme-episode-19/feed/ 2
Les idéologues d’un monde sans enfant http://owni.fr/2012/01/23/les-ideologues-un-monde-sans-enfant/ http://owni.fr/2012/01/23/les-ideologues-un-monde-sans-enfant/#comments Mon, 23 Jan 2012 12:18:56 +0000 Stéphane Loignon http://owni.fr/?p=94362
Il n’est pas si lointain le temps où l’écrivain belge Théophile de Giraud et sa compagne arpentaient, songeurs, les routes du pays cathare, contemplant avec perplexité des banderoles qui annonçaient la fête des Pères. Ainsi est né le fruit de leur amour… la première fête des Non-Parents ! Bientôt trois ans et une santé de fer. Cette célébration, unique en son genre, a lieu en alternance à Paris et Bruxelles, sous le patronage bienveillant de la psychanalyste Corinne Maier, auteur de No kid : quarante raisons de ne pas avoir d’enfant : “J’en ai encore trouvé d’autres depuis ! ” confie-t-elle, forte de son expérience de mère d’adolescents, avant de poursuivre : 

Je ne m’étais pas posé suffisamment de questions avant d’avoir des enfants.

En Europe, la natalité est la plus faible au monde : l’indicateur de fécondité (1,53 enfant par femme en moyenne aujourd’hui) y est inférieur au seuil de renouvellement des générations (2,1) depuis les années 1970. Sur un Vieux Continent qui n’a jamais autant mérité son surnom, faire des enfants n’est plus une évidence. Faut-il s’en plaindre ou s’en réjouir ?

Terriens à la barre

Terriens à la barre

En 2050, la population mondiale atteindra les neuf milliards, selon les démographes. Et depuis octobre dernier, nous sommes ...

Pourquoi fait-on si peu d’enfants en Europe ?

Par hédonisme. La “transition démographique” – marquée par le recul de la mortalité et de la fécondité grâce à l’amélioration de l’hygiène, des conditions de vie et aux progrès de la médecine – a débuté à la fin du xviiie siècle en France et en Grande-Bretagne, avant de s’étendre à l’Europe, aux États-Unis, puis au reste du monde. Notre continent est le premier à avoir achevé ce processus, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis les années 1960, l’Europe connaîtrait une “seconde transition démographique”, caractérisée par une fécondité durablement inférieure au niveau de remplacement des générations et un déclin du mariage, selon un rapport publié en 2011 par l’Institut national d’études démographiques (Ined). Les auteurs de cette étude lient ce phénomène à une mutation sociale :

À mesure que les populations occidentales sont devenues plus riches et mieux instruites, leurs préoccupations se sont détachées des besoins strictement associés à la survie, la sécurité et la solidarité. Davantage d’importance a été donnée à la réalisation et la reconnaissance de soi, la liberté de pensée et d’action (recul de la religion), la démocratie au quotidien, l’intérêt du travail et les valeurs éducatives.

Les autres continents suivront-ils le modèle européen ?

Oui, mais jusqu’où ? Voilà la question. L’Amérique du Nord a connu une évolution similaire à celle de l’Europe, mais la baisse de la natalité a été enrayée : l’indicateur de fécondité est même remonté à 2,03 après avoir chuté à 1,80 dans les années 1970 – cette hausse étant due à la natalité plus forte des populations récemment immigrées aux États-Unis. L’Asie (2,28), l’Amérique latine (2,30) et l’Océanie (2,49) voient leur fécondité se rapprocher du seuil de renouvellement. Seule l’Afrique continue à avoir une fécondité élevée, mais celle-ci diminue rapidement (4,64 contre 6,07 à la fin des années 1980). Selon le démographe Gilles Pison, il est très difficile de prévoir le comportement de ces continents une fois leur transition démographique achevée. La fécondité pourrait aussi bien s’y stabiliser au niveau du seuil de renouvellement que se fixer durablement en dessous. Alors, écrit-il dans son Atlas de la population mondiale,

si la famille de très petite taille devient un modèle se répandant dans l’ensemble du monde de façon durable, avec une fécondité moyenne en dessous de deux enfants par femme, la population mondiale, après avoir atteint un maximum de 9 milliards d’habitants, diminuerait inexorablement jusqu’à l’extinction à terme.

Faut-il faire moins d’enfants pour sauver la planète ?

Pas forcément. Nous sommes aujourd’hui 7 milliards d’habitants et finirons le siècle entre 9 et 10 milliards, suivant les estimations. Pourra-t-on nourrir tout le monde ? Oui, selon l’étude Agrimonde, publiée début 2011 par l’Inra et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). Il sera même possible de le faire dans le respect de l’environnement, à trois conditions : ne pas généraliser le modèle alimentaire des pays industrialisés (25 % de gaspillage dans les pays de l’OCDE), faire le choix d’une agriculture productive et écologique, et sécuriser les échanges internationaux de produits agroalimentaires. Mais au-delà de la question de la nourriture, il existe un problème écologique.

Après 2050 l’espèce humaine s’éteindra

Après 2050 l’espèce humaine s’éteindra

Constat guère réjouissant, mais espoir tout de même, mardi au Tribunal pour les générations futures. Procureur, accusés ...

Le think tank américain Global Footprint Network calcule chaque année la date à laquelle nous avons consommé l’équivalent des ressources naturelles que peut générer la Terre en un an sans compromettre leur renouvellement. En 2011, le couperet est tombé le 27 septembre, contre début novembre en 2000. À ce rythme, l’humanité aura besoin de deux planètes par an en 2030, d’après un rapport du WWF paru en 2010. Il faut donc soit stopper l’accroissement démographique, soit consommer différemment ou moins. « Il faut se limiter à deux enfants dans les pays occidentaux », considère Denis Garnier, président de l’association Démographie Responsable (qui promeut aussi la contraception et l’éducation des femmes dans les pays en développement). Ce n’est pourtant pas ce genre d’autolimitation qui changera quoi que ce soit au final, vu le déjà très faible niveau de fécondité en Occident. Comme l’écrit Gilles Pison,

la survie de l’espèce humaine dépend sans doute moins du nombre des hommes que de leur mode de vie.

Une démographie déprimée est-elle le signe d’une société déprimée ?

Oui. Dans son essai La Fin de l’humanité, le philosophe Christian Godin établit un lien entre la faiblesse de la natalité dans les sociétés occidentales et leur déprime supposée. Si la part de sujets cliniquement dépressifs en Europe reste modérée (6,9 % de la population en 2011, d’après une étude du Collège européen de neuropsychopharmacologie), la morosité semble bien plus répandue : selon une étude BVA de janvier 2011, seuls 26 % des Européens de l’Ouest estimaient que l’année à venir serait meilleure que celle passée, contre 63 % de la population des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et 43 % des habitants de la planète. Or, faire des enfants suppose d’avoir confiance en l’avenir. Il faut aimer le monde pour vouloir le peupler , estime ainsi Christian Godin. Une partie des militants Childfree (défenseurs de la non-parentalité) revendiquent ouvertement le pessimisme.

Naître est une aventure pénible, la Terre est quand même plutôt inaccueillante,

juge Théophile de Giraud, qui s’inscrit dans la continuité de Calderón (Le plus grand crime de l’homme, c’est d’être né ») et Cioran (« La véritable, l’unique malchance : celle de voir le jour “).

Est-il Égoïste de ne pas vouloir d’enfants ?

Oui et non. ” Faire des enfants implique des sacrifices considérables, personnels et professionnels , souligne Corinne Maier, en connaissance de cause. « Narcissisme », rétorque Christian Godin :

Désormais, chaque individu vit son existence comme s’il voulait dire : je suis content d’être le dernier homme, la dernière femme. Même si le monde devait s’arrêter après moi, (…) au moins j’aurai été consommateur de ma vie.

Mais pour les Childfree, l’argument de l’égoïsme ne tient pas, comme l’explique Kristen Bossert, porte-parole de la communauté No Kidding!, qui organise toutes sortes d’activités pour les non-parents aux États-Unis : « Quand je demande à des gens pourquoi ils font des enfants, ils me répondent “pour qu’ils prennent soin de moi quand je serai vieux” ou encore “pour transmettre le nom de notre famille”. Ce sont des raisons très égoïstes. » Conclusion de Magenta Baribeau, auteur d’un documentaire sur les Childfree : « Parents, non-parents, tout le monde est égoïste, la question ne se pose donc pas ! »


Article à retrouver dans la nouvelle formule d’Usbek & Rica, en kiosque le 25 janvier !

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http://owni.fr/2012/01/23/les-ideologues-un-monde-sans-enfant/feed/ 25
Après 2050 l’espèce humaine s’éteindra http://owni.fr/2012/01/18/lextinction-de-lespece-humaine-apres-2050/ http://owni.fr/2012/01/18/lextinction-de-lespece-humaine-apres-2050/#comments Wed, 18 Jan 2012 11:06:23 +0000 Fabien Soyez http://owni.fr/?p=94469

Hier, l’INSEE communiquait ses derniers relevés de la population française, mettant en évidence une croissance de dix millions d’âmes en trente ans. Projetés sur une très longue période, ces résultats s’avèrent dérisoires. C’est l’un des constats qui s’imposaient hier soir à la Gaité Lyrique, à Paris, lors du troisième “Tribunal pour les générations futures” consacré à la démographie mondiale et à la place de l’homme sur Terre vers 2050. Un procès-spectacle organisé par nos amis du magazine Usbek & Rica.

Comme dans tout bon procès, la parole est à l’expert, place à l’objectivité. Gilles Pison, démographe à l’INED, est appelé à la barre. Chiffres sous le coude, il illustre une “situation exceptionnelle” :

Pour parler du futur, nous devons remonter le passé, 2000 ans en arrière. Nous étions alors 250 millions d’habitants. La population n’a pratiquement pas augmenté, jusqu’en 1800. Entre 1927 et 2012, brusquement, les chiffres ont grimpé en flèche.

À titre d’exemple, entre 1800 et 2000, la population Européenne a été multipliée par quatre. Comme le rappelle l’expert, “quatre bébés naissent par seconde. Comme deux personnes meurent aussi par seconde, cela fait deux personnes en plus chaque seconde.” Et d’expliquer pourquoi ce changement si soudain, à partir du XIXe siècle :

Autrefois, les familles faisaient six enfants en moyenne, mais la moitié mourrait en bas âge, la population n’augmentait donc pas. Avec le progrès technique, la découverte des vaccins, la mortalité des enfants a baissé et un excédent des naissances sur les décès est apparu (…) Les gens se sont rendu compte que les enfants avaient un coût, alors ils ont limité les naissances à deux enfants par couple.

Un nouvel équilibre est alors apparu, en Europe, en Amérique et en Asie. Seule l’Afrique connaît une transition démographique “un peu plus tardive”, mais d’après Gilles Pison, “elle finira elle aussi par rejoindre l’équilibre.”

L’expert nommé par le “Tribunal pour les générations futures” passe maintenant la population humaine dans le simulateur de l’INED et expose les différents scénarios imaginés par les Nations Unies. D’abord, celui de l’extinction, causée par le modèle des familles de très petite taille :

Si les pays en voie de développement copient les pays où la transition démographique est achevée et font moins de deux enfants par femme, de façon durable, la population mondiale, après avoir atteint un maximum de 9 milliards d’habitants, diminuera inexorablement jusqu’à l’extinction à terme.

Passé le scénario “irréaliste” d’un niveau de fécondité constant, où la population atteindrait 134.000 milliards en 2300, Gilles Pison en arrive au scénario “moyen”, celui du retour à l’équilibre, avec une fécondité stabilisée à deux enfants par femme, assez pour assurer le remplacement des générations :

En 2050, la population mondiale atteindrait les neuf milliards et se stabiliserait à ce chiffre. Mais ce scénario ne fait qu’indiquer le chemin si l’on veut que l’espèce ne disparaisse pas. La fécondité baisse partout sur la planète sans qu’il y ait besoin d’imposer le contrôle des naissances. Ce n’est pas la question du nombre des hommes que l’on doit se poser, mais plutôt celle de la façon dont ils vivent. Sommes-nous trop nombreux, ou consommons nous trop ? Ce sera mon dernier mot.

Quittant la barre, l’expert est vite remplacé par le premier accusé. La parole est à Didier Barthès, de l’association écologiste Démographie Responsable. Face à “l’explosion démographique”, l’accusé fait le pari que “la question écologique sera au coeur des préoccupations futures, ou alors le monde deviendra invivable, sans forêt, sans animaux… En fait, nous n’avons pas le choix !” A Démographie Responsable, on milite pour un contrôle des naissances. Didier Barthès s’insurge contre la croisade faite contre les “malthusiens” :

On nous traite de tous les noms, fascistes, eugénistes, antihumains, même. Jamais nous n’avons prôné une quelconque sélection, et on ne propose pas de tuer les gens ! Nous vivons une époque exceptionnelle, nous n’avons jamais été aussi nombreux et ça ne durera pas. “Croissez et multipliez”, c’est une belle phrase, mais qui a été écrite il y a 2000 ans, dans un monde où il n’y avait que 200 millions d’habitants.

Comment éviter le cataclysme ? Pour l’accusé, “on peut changer notre consommation d’énergie, recycler, ça ne changera rien au fait que nous grignotons la planète en consommant de l’espace !” Une consommation qui se traduit par une élimination du reste du vivant :

En 110 ans, nous avons éliminé 97 % des tigres. Voulons-nous d’un monde en bitume, sans vie ? L’humanisme, c’est avant tout ne pas détruire le reste du vivant, tout en assurant la durabilité des sociétés.

En guise de conclusion, Didier Barthès propose de limiter les naissances à deux enfants par femme dans les pays occidentaux. “Si nous redescendons vers une évolution plus douce, si nous allons vers une modestie démographique, nous éviterons l’extinction qui nous guette.”

Sur ces paroles qui résonnent lourdement dans le tribunal, Théophile de Giraud, écrivain et inventeur de la Fête des Non-Parents, fait une entrée fracassante. L’accusé, auteur d’un manifeste antinataliste, s’avance, pose sur le pupitre un biberon rempli de bière. Il sort un pistolet factice, et commence lentement à se déshabiller : “Il faut regarder les choses en face, la vérité est nue !”

Au-delà du show, l’accusé n’oublie pas son discours. Et se met à citer Marguerite Yourcenar, qui répondait à Matthieu Galey, dans Les Yeux ouverts :

L’explosion démographique transforme l’homme en habitant d’une termitière et prépare toutes les guerres futures, la destruction de la planète causée par la pollution de l’air et de l’eau.

Théophile de Giraud est accusé par le procureur Thierry Keller de “haïr l’humain”. Non, répond l’accusé, dans sa nudité originelle : “On ne questionne pas le désir d’enfant, avons-nous le droit de mettre un enfant au monde, et si oui, sous quelles conditions ?” L’écrivain s’attaque au concept de décroissance.

La décroissance économique est impossible, les pays en voie de développement veulent nous rejoindre et ces gens ont le droit de connaître notre confort. Mais la décroissance démographique, c’est possible ! Vive le dénatalisme ! Laissons les femmes choisir, elles préfèrent la qualité à la quantité.

Le plaidoirie de l’accusé a de quoi surprendre : “La planète est plus que trop “surpollupeuplée” ! Cela n’a rien à voir avec le progrès ou le mode de vie, on a l’exemple de civilisations sans technologie qui se sont effondrées, comme l’Île de Paques. Le problème, c’est la quantité de population sur un territoire donné. Nous agonisons sous le poids du nombre !” En brandissant son arme factice, l’accusé conclut :

La natalité est un crime contre l’humanité, vos enfants connaîtront les guerres pour l’accès aux dernières ressources disponibles… Si vous aimez vos enfants, ne les mettez pas au monde !

C’est au tour du procureur de parler. Thierry Keller est rédacteur en chef du magazine Ubsbek & Rica. Dans son dernier numéro, le journaliste reprend la théorie de Christian Godin, philosophe, qui affirme que l’humanité s’éteindra d’elle-même. Cela se passera autour de l’année 2400.

Il n’y aura pas besoin de faire la guerre, nous disparaîtrons par manque de motivation. Cette fameuse explosion démographique, c’est en réalité un mouvement vers la décélération démographique, puis l’extinction. Sommes-nous trop nombreux ? En fait, nous aurions dû poser la question autrement : serons-nous assez nombreux demain ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Si en seulement 50 ans, nous sommes passés de trois à six milliards d’individus, les taux de fécondité s’effondrent. En Russie, 142 millions d’âmes, la population descendra à 110 000 en 2100, selon la simulation de l’ONU. Au Maroc, elle passera de 31 millions aujourd’hui à 39 millions en 2050, mais chutera jusqu’à 33 000 habitants en 2200. Scénario digne du roman Les Fils de l’homme, de P.D. James.

Pourquoi cette baisse de fécondité ? Parce que, par peur du lendemain, par hédonisme, nous n’avons plus envie. L’enfant encombre, on pense à aujourd’hui avant demain. Nous ne pouvons pas disparaitre ainsi, avant d’avoir résolu certaines énigmes, d’où nous venons, où nous allons. L’aventure humaine ne doit pas se terminer !

Défenseur de la natalité, Thierry Keller s’adresse alors au jury, quatre personnes tirées au sort parmi le public : “Nous avons encore des choses à faire sur Terre. Jury, vous incarnez les générations futures, je vous demande ce soir de voter non à la question “sommes-nous trop nombreux ?””

Réponse unanime du jury : le non l’emporte. Les accusés, les antinatalistes, sont donc jugés coupables. En apparence, du moins. Se détachant du groupe de jurés, Mathilde, 23 ans, explique son vote :

On devait choisir si oui ou non nous étions trop nombreux sur Terre… Ma réponse, c’était ni oui ni non, je trouve ce choix, entre vivre dans un monde pourri ou s’éteindre doucement, trop manichéen. Les deux solutions sont trop extrêmes.

La jeune graphiste se range “volontiers du côté de l’expert, qui est resté objectif. J’attends de voir, il doit bien exister un juste milieu.” Comme pour lui faire écho, Gilles Pison, en sortant du tribunal, lance :

Le modèle humain n’est pas celui des mouches qui vivent dans un bocal. La population évolue de l’intérieur, c’est avant tout une question de choix. A long terme, notre survie dépendra plus de nos comportements, de notre consommation des ressources, que de notre contrôle des naissances.

Illustration : Nils Glöt pour Usbek & Rica
Photos : Ophelia Noor pour Owni /-)

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Terriens à la barre http://owni.fr/2012/01/17/terriens-a-la-barre/ http://owni.fr/2012/01/17/terriens-a-la-barre/#comments Tue, 17 Jan 2012 14:09:13 +0000 Fabien Soyez http://owni.fr/?p=94261

Après 2050 l’espèce humaine s’éteindra

Après 2050 l’espèce humaine s’éteindra

Constat guère réjouissant, mais espoir tout de même, mardi au Tribunal pour les générations futures. Procureur, accusés ...


Nos amis de l’excellent Usbek & Rica,le magazine qui raconte le présent et explore le futur, organisaient ce mardi soir à la Gaité Lyrique à Paris le “Tribunal des générations futures”. Après l’immortalité, la fermeture des prisons et la fin du vote, c’était au tour de la natalité et de la surpopulation mondiale de faire l’objet de cette conférence spectacle en forme de procès. Procureur, accusés… chacun a affirmé un point de vue différent.

Sur le banc des accusés, les anti-natalistes. Accusés de haine contre l’humanité, ils défendent la thèse d’une explosion démographique. Une peur irraisonnée, qui frappait déjà en leur temps, Aristote, Platon, puis l’économiste britannique Malthus, à la fin du 18e siècle. Didier Barthès, responsable de l’association écologiste Démographie Responsable, les représente. Il est accusé de militer pour la “stabilisation, voire une diminution de la population humaine”, et de vouloir réhabiliter Malthus, le pionnier du contrôle des naissances. Voici l’extrait édifiant d’un billet posté par ledit accusé sur son blog :

Le pasteur anglais est l’un des premiers à avoir compris la finitude du monde. A terme, la croissance de la population l’emporterait sur celle des ressources, conduisant le monde aux famines et aux désordres afférents. Il est de bon ton de rappeler avec condescendance que Malthus se serait trompé. Il n’aurait pas pris la juste mesure du progrès technique et en aurait sous estimé les conséquences. Il faut être conscient que le progrès technique nous a permis d’accéder plus vite aux ressources fossiles que la nature avait mis plusieurs dizaines de millions d’années à constituer. Il nous a permis de consommer plus rapidement le capital de la planète. A l’épuisement prochain de ces réserves, la prédiction malthusienne retrouvera toute sa force.

Didier Barthès est inculpé d’avoir proposé de limiter les naissances à deux enfants par femme dans les pays occidentaux. A ses côtés, Théophile de Giraud, écrivain et inventeur en 2009 de laFête des Non-Parents. Ce dernier est l’auteur d’un manifeste antinataliste, “L’Art de guillotiner les procréateurs“, dont nous produisons ici un extrait accablant pour l’accusé :

On pourra faire remarquer que l’espèce humaine n’existait pas voici un milliard d’années et que personne ne s’en plaignait… Imaginons à présent que notre espèce disparaisse bel et bien, qui donc demeurera-t-il pour s’en plaindre ? Le dernier des hommes ? Non, non, celui-là aussi aura disparu ; alors quelle voix humaine gémira-t-elle sur l’évaporation du plus féroce de tous les prédateurs ? Qui regrettera que l’embranchement des primates, qui n’a encore jamais cessé de se faire la guerre et de s’entretuer depuis qu’il s’est (un peu, ô si peu) différencié des autres singes, ait tout à coup cessé d’exister ? Les animaux que nous passons notre temps à exploiter, maltraiter, torturer, emprisonner et génocider ? Certes non.

Cliquez sur l'image pour voir l'infographie

Thierry Keller, rédacteur en chef d’Usbek & Rica sera le procureur de ce procès. Il rappelle que selon l’expert Gilles Pison, démographe à l’INED, la population mondiale se stabilisera d’ici à 2100 aux alentours de 10 milliards d’individus, et que les chiffres sont parfois trompeurs. Christian Godin, philosophe, a ainsi affirmé quel l’humanité s’éteindra d’elle-même, vers 2400, par “désintérêt de soi, par désinvestissement de soi”.

Si en seulement 50 ans, nous sommes passés de trois à six milliards d’individus, les taux de fécondité s’effondrent. La Chine, qui frôle les 1,4 milliards d’habitants, deviendra dans 40 ans “un pays de vieux“, en raison de sa politique de l’enfant unique. D’où, lance le procureur, la nécessité de faire des enfants au lieu de contrôler les naissances. Christian Godin affirme :

Il n’y aura pas de stabilisation mais un déclin inexorable, jusqu’à l’extinction démographique. Regardons l’exemple des pays occidentaux : on parle sans cesse de la France comme “championne d’Europe de la natalité”. Mais si on regarde de plus près, on s’aperçoit qu’elle n’arrive même pas au seuil qui permettrait le renouvellement des générations.

Aux arguments des écologistes et autres malthusiens, les humanistes représentant les générations futures répondent qu’avec la densité de Paris, on pourrait loger 7 milliards de personnes sur un territoire équivalent aux deux tiers de la France. Pourquoi parle-t-on de surpopulation, si les taux de natalité s’écroulent partout dans le monde ? Sommes-nous vraiment trop nombreux sur Terre ? Les éléments de l’accusation portée contre Didier Barthes et Théophile de Giraud sont de nature morale. Les inculpés sont accusés de ne pas avoir confiance en l’Homme et en son extraordinaire capacité à inventer et à s’adapter. Le procureur Keller affirme, dans Usbek & Rica :

Si l’espèce humaine est capable du pire, elle l’est aussi du meilleur. Chacun voit bien que nous sommes collectivement engagés dans un drôle de processus, qui doit nous mener tout droit à la grande catastrophe. Mais de par le monde se lèvent des individus qui refusent de se laisser emporter par le pessimisme. Ce sont ceux, et nous en faisons partie, qui se motivent pour écrire de nouvelles pages de l’Histoire. Peut-être est-ce de cela dont nous manquons le plus, après tout : de motivation pour continuer.

En conséquence, nous sommes d’avis que les anti-natalistes soient mis en jugement à la Gaieté Lyrique, ce soir à 19h. Un jury sera tiré au sort parmi le public et du débat naîtra (peut-être) la vérité.


D.A par © Almasty et visuel du bébé par ©Tofdru pour Usbek et Rica

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Les Data en forme http://owni.fr/2011/11/21/data-anthropocene-bruner-ows-milliardaires-loir-et-cher/ http://owni.fr/2011/11/21/data-anthropocene-bruner-ows-milliardaires-loir-et-cher/#comments Mon, 21 Nov 2011 11:55:18 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=87585 Nous avons tous été émerveillés, un jour ou l’autre, par les photos de la Terre vue de l’espace. Notamment celles qui permettent de deviner les contours de nos continents au moyen unique des lumières nocturnes de nos mégalopoles. Fruit de la domination et de l’influence de l’homme sur son environnement, cette vision scintillante de la planète participe de l’anthropocène qui a inspiré l’anthropologue canadien Felix Pharand-Deschenes du site Globaia.org pour réaliser de magnifiques visualisations de la Terre à partir de données publiques : villes, routes, voies ferrées, lignes aériennes, lignes électriques, câbles internet…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mouvoir et émouvoir

La mobilité des Étasuniens est légendaire. L’an passé, près de 40 millions d’entre-eux ont déménagé, dont 10% d’un État à l’autre. Journaliste chez Forbes, Jon Bruner s’est emparé des données de l’IRS (service des impôts) pour réaliser une carte interactive des flux migratoires comté par comté, entre 2005 et 2009. En dehors d’être sobre, jolie et informative, cette cartographie est un remarquable dispositif ludique pour approfondir ses connaissances géographiques des États-Unis.

Utile pour déménager, le très classe Chasseur de Maison a été pondu par le site immobilier Trulia, qui démontre à cette occasion ce qu’il est possible de réaliser grâce à l’ouverture de ses propres données – y compris pour une entreprise privée. Ici, en analysant le trafic de son site internet et de son application mobile entre juin et août 2011, Trulia réussit à générer une visualisation claire et granulaire – jour après jour et heure par heure – des recherches immo des internautes. Si votre cerveau est assez performant pour faire un mash-up avec le site précédent, vous pourrez même vous amuser à confirmer (ou pas) le coefficient de bougeotte des citoyens étasuniens.

Puisque nous sommes aux USA et dans la data restons-y avec une petite app du site The Atlantic Cities. Réalisée à partir des données du Département du Travail et d’une enquête de consommation du site immobilier Zillow.com, cette application légère offre un cliché data instantané des principales villes américaines grâce à neuf indicateurs basiques autour de la population, du logement, de l’éducation ou du tourisme. A défaut de remporter un grand prix de webdesign ou de casser trois pattes à un canard, ce petit module utile pourrait, qui sait, gagner votre généreuse approbation.

“Point d’argent, point de Suisse.” – Racine

Vous êtes lecteur fidèle d’OWNI, et vous savez donc que nous suivons de près le mouvement Occupy Wall Street. Cette semaine, ce mouvement mondial rencontre deux acteurs majeurs de la data. En premier lieu, le New York Times publie Public Opinion and the Occupy Movement (l’opinion publique et le mouvement “Occupy“), résultat graphique d’un récent sondage réalisé en collaboration avec CBS News auprès du grand public, afin de recueillir leurs sentiments face aux revendications et aux méthodes des protestataires. L’application web (en HTML5) restituant ce sondage montre d’un coup d’œil la répartition croisée de la question-réponse au moyen d’un recensement colorimétrique de chaque témoignage placé dans sa case, et lie chaque point au texte du témoignage.

Le Guardian est également un habitué des démonstrations magistrales. Quelques chiffres mis en forme sobrement rappellent la réalité des principaux faits économiques aux États-Unis, la disparité des richesses et des revenus, de l’évolution de ceux-ci, et offre une lecture subtile et approfondie des origines du mouvement mondial “We are the 99%” : en vérité, il s’agirait plutôt de dire “nous sommes les 99,99%”. Difficilement perceptible dans les faits, l’étau se resserre grâce à la data, qui accompagne la mutation sociétale dont nous sommes témoins et acteurs plus ou moins passifs.

Un pas de côté nous permet de présenter Drawing Lines Between Billionaires and Politicians (tracer des lignes entre les milliardaires et les politiques), imaginé et mis en forme par Jon Bruner, que nous avons déjà évoqué plus haut. Après avoir passé une partie de l’été à décomposer et analyser les enregistrements de la Commission électorale fédérale, il a modélisé les relations entre les plus riches – notamment les fameux 0,01% dont parle la vidéo du Guardian – et les comités d’action politique, organisations privées dévolues au soutien des partis. À noter, si l’infographie est indéniablement très “data”, elle souffre difficilement la comparaison avec la dataviz produite l’an passé par Bruner et avec laquelle nous vous invitons également à jouer.

Restons encore un peu dans le business : si vous suivez les Data en forme, vous vous souvenez certainement de la viz du NYT (“It’s all connected“) sur l’interdépendance des dettes des États. Cette semaine, la BBC a sorti les pinceaux du placard pour produire sa propre visualisation. Pas maladroite, cette petite app nous paraît encore mieux goupillée que celle du célèbre média new-yorkais : plus sobre, esthétiquement mieux rendue, elle rend hommage à l’adage “Less is More“. Simple et efficace, what else.

“Ces gens-là ne font pas de manières.” - Michel Delpech

On ne se quittera pas sans avoir évoqué la question de l’ouverture des données. Peu cité dans les différentes cartographies de l’Open Data en France – dont celle de LiberTIC que nous vous encourageons à alimenter – le département du Loir-et-Cher dispose de sa plate-forme d’information territoriale : Pilote41. Question centrale aujourd’hui, au cœur du processus de régénération démocratique dont la prochaine élection présidentielle française pourrait être le point d’orgue, l’ouverture des données poursuit donc sa progression aux six coins de l’Hexagone. Même si de très nombreux progrès restent à faire, comme le soulignait la directrice de l’iFRAP au cours des 2e Assises de l’évaluation des politiques publiques. Agnès Verdier-Molinié a d’ailleurs dressé sur le site de la Fondation pour la Recherche sur les Administrations et les Politiques Publiques une liste exhaustive des “données essentielles et abusivement non publiées”. À bon entendeur.

Pour terminer ce 9e opus des Data en forme, il nous reste à signaler aux plus talentueux de nos lecteurs le second défi de visualisation du site référence en la matière Information is Beautiful. Pas moins de 5 000 dollars de prix pour une compétition ayant pour thème “MON€Y PANIC$!“. Bon courage aux héros !

IIB Awards


Retrouvez les précédents épisodes des Data en forme !

Crédit photo : Globaia.org

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Les retraites: un problème sans solution? http://owni.fr/2010/10/26/les-retraites-un-probleme-sans-solution/ http://owni.fr/2010/10/26/les-retraites-un-probleme-sans-solution/#comments Tue, 26 Oct 2010 08:56:19 +0000 Alexandre Delaigue (Econoclaste) http://owni.fr/?p=33593 Autour d’une table. Sur celle-ci, les reliefs d’un dîner. En bruit de fond, on entend un air de musique interrompu parfois par des bruits de vaisselle en provenance de la cuisine voisine.

Belle-mère : Mon gendre, j’ai une question à vous poser.

Gendre (un peu inquiet) : Je vous écoute, madame. De quoi s’agit-il?

Belle-mère : Voilà. Il y a quelques jours, mon mari et moi recevions ici quelques amis et collègues. Vous connaissez mon mari; bien évidemment, ils ont passé la soirée à discuter politique. Je n’ai que peu de goût dans ce domaine, et en général n’en parle pas. Mais là, à un moment, est arrivée la question des retraites. Un sujet qui, vous le savez, va très bientôt nous concerner. Je dois vous avouer, à ma grande honte, que je ne me suis guère préoccupé de cette question; mais la conversation m’a inquiétée. Je n’ai rien compris, mais tous nos amis semblaient persuadés d’un problème; et tous avaient des propositions très différentes pour le résoudre, et se sont vivement opposés. Après cela, je me trouve dans la plus grande confusion. Alors je me suis dit que peut-être, vous pourriez m’éclairer. Qu’est-ce exactement que ce problème des retraites?

Gendre (visiblement soulagé) : Cela peut se comprendre facilement. Dans tous les pays, il y a des gens qui sont en âge de travailler, et des gens qui ne sont pas en âge de travailler, soit trop jeunes, soit trop âgés. Pour simplifier, on dit que les gens d’âge compris entre 15 et 64 ans sont en âge de travailler, et pas les autres. On appelle ratio de dépendance (désolé – je sais que vous n’aimez pas le jargon) le rapport entre le nombre de personnes en âge de travailler et les autres. Or, sous l’effet de la baisse de la natalité dans nos pays, et surtout de la hausse de l’espérance de vie, ce ratio de dépendance est appelé à considérablement diminuer au cours des 40-50 prochaines années : les populations vont avoir tendance à diminuer, et à vieillir. Aujourd’hui, il est d’environ 5 dans ces pays, ce qui signifie qu’il y a 5 personnes en âge de travailler pour une personne inactive. Étant données les tendances actuelles, il pourrait passer à 2,5 vers 2050; ce qui signifie que chaque personne en âge de travailler aura en moyenne, à sa charge, deux fois plus de gens qu’aujourd’hui.

Belle-mère : Cela ne semble pas un si grand changement…

Gendre : Détrompez-vous. Il y a quelques années, l’ONU a calculé « l’équivalent immigration » du déficit démographique dans différents pays. Pour maintenir la population française constante entre 1995 et 2015, ont-ils calculé, il faudrait d’ici là accueillir 1,5 millions d’immigrants actifs. Cela ne fait pas beaucoup : environ 27 000 migrants par an, soit moins que l’immigration française actuelle. Mais maintenir la population ne prend en compte que l’effet de la natalité réduite; pour maintenir le ratio de dépendance, c’est-à-dire compenser le fait que les personnes vivent plus âgées, il faudrait accueillir d’ici 2050 94 millions d’immigrants, soit 1,7 millions de personnes par an. La population française passerait alors à 160 millions de personnes. A titre de comparaison, il y a environ 800 000 naissances par an en France. Vous voyez que de tels chiffres sont considérables : il n’est ni possible, ni souhaitable, que la population française augmente dans de telles proportions.

Belle-mère : mais alors, concrètement, qu’est-ce que cela signifie?

Gendre : cela signifie que les retraites vont coûter de plus en plus cher. Or elles sont prélevées sur les revenus des actifs sous forme de cotisations; ceux- ci vont donc faire l’objet d’un prélèvement qui va s’élever. Ou alors, ce sont les pensions de retraite qui baisseront. Il y a un effet qui vient mitiger cela, c’est celui de la croissance économique; si l’on reste sur le rythme du 20ème siècle, le revenu par habitant a augmenté d’environ 2% par an. A ce rythme, les revenus sont pratiquement multipliés par trois en 50 ans. Mais utiliser cette croissance pour financer les retraites risque de poser quelques problèmes.

Belle-mère : lesquels, exactement?

Gendre : déjà, il n’est pas certain que cela suffise. Les coûts du vieillissement de la population ne se limitent pas au coût des retraites; il faut aussi compter le coût accru du système de santé, car les personnes âgées consomment plus de soins, et les soins médicaux coûtent de plus en plus cher. Par ailleurs, nous ne savons pas du tout si la croissance future sera la même que celle du siècle dernier. Il n’est pas impossible que le vieillissement de la population réduise cette croissance, pour diverses raisons. D’abord, parce que les personnes en âge de travailler seront moins incitées à le faire si elles constatent qu’une part croissante de leur salaire est absorbée par les prélèvements de retraite. Mais aussi parce que la croissance implique un rythme relativement rapide de changements techniques. Regardez vos parents, comme ils ont du mal à se faire à l’usage de l’ordinateur. Si une grande partie de la population connaît des difficultés pour s’adapter aux nouvelles techniques, cela peut ralentir la croissance.

Belle-mère : excusez-moi, mais pourquoi ne devrait-on ponctionner que les salaires des personnes qui travaillent? J’entends à la radio le petit jeune, vous savez, le facteur…

Gendre : Olivier Besancenot?

Belle-mère : oui, c’est cela. Donc hier, je l’ai entendu à la radio, et il disait qu’il faudrait financer les retraites en taxant les profits, qu’il dit très élevés, des entreprises. N’est-ce pas une bonne idée?

Gendre : hélas, madame, cela ne change pas la situation. Les entreprises font leurs calculs sur la base de leur profit après impôts. Pour maintenir ceux-ci avec des impôts accrus, elles seraient amenées à réduire les salaires de leurs employés : ceux-ci se retrouveraient donc dans la même situation qu’avec des impôts accrus. Peut-être que les taux de profits des entreprises pourraient, toutefois, baisser; mais cela aurait des effets sur la croissance, en réduisant les revenus issus de l’activité entrepreneuriale, et donc en dissuadant celle-ci. Quoi que l’on fasse, on en revient au même problème : ceux qui travaillent devront supporter une charge accrue.

Belle-mère : mais… il y a beaucoup de gens qui ne travaillent pas, beaucoup de chômeurs. Si tous ces gens trouvaient du travail, cela arrangerait les choses, non?

Gendre : évidemment. Mais n’oubliez pas que le problème est avant tout un problème de répartition de la population entre ceux qui sont en âge de travailler et les autres; même si tous ceux qui sont en âge de travailler le font, le problème subsiste.

Belle-mère : si je comprends bien, vous êtes en train d’expliquer que les retraites sont compromises; pensez-vous que mon mari et moi devrions mettre plus d’argent de côté? Et de façon générale, que tout le monde devrait en faire autant?

Gendre : vous touchez là l’une des questions les plus récurrentes sur les retraites. Il existe deux façons de payer pour les retraites, que l’on appelle répartition et capitalisation. La répartition, c’est le système qui existe actuellement en France : on prélève des cotisations sur ceux qui travaillent pour verser des pensions aux retraités. La capitalisation, de son côté, consiste à faire en sorte que les gens constituent un capital au long de leur vie active, et consomment celui-ci lorsqu’ils sont en retraite. Pour cela, on voit apparaître différents mécanismes, facultatifs ou obligatoires, et faisant parfois l’objet d’incitations fiscales. Vous avez peut-être entendu parler des fonds de pension?

Belle-mère : eh bien, certes… je connais le mot. L’autre soir, l’un des amis de mon mari semblait dire que c’était une catastrophe que cela n’existe pas en France. Mais à part cela…

Gendre : les fonds de pension sont des organismes qui gèrent l’épargne-retraite des gens, dans les pays ou les retraites sont fondées sur la capitalisation. De ce fait, ils disposent de masses de capitaux importantes, qu’ils vont ensuite placer sur les marchés financiers. Et effectivement, certains recommandent, puisque les retraites par répartition sont soumises à des difficultés, d’adopter en complément un système de retraites par capitalisation, voire de remplacer l’actuel système par un système de fonds de pension. Mais il y a plusieurs raisons d’être sceptique. Premièrement, la transition d’un système par répartition à un système par capitalisation est difficile : il faut que pendant la transition, les actifs paient à la fois les pensions de l’ancien système et se constituent un capital : on retrouve le même problème qu’avant, les actifs doivent payer. Deuxièmement, la différence entre capitalisation et répartition n’est pas si importante qu’on le pense. Pour que la capitalisation fonctionne, il faut qu’au moment ou les retraités dépensent le patrimoine qu’ils ont accumulé, il y ait des actifs qui souhaitent le leur acheter… Au total, C’est donc toujours à un prélèvement sur le revenu des actifs que l’on revient.

Belle-mère : oui, mais mettre de l’argent de côté pendant plusieurs années rapporte, ce que ne fait pas un argent qui va directement aux retraités. N’y a- t-il pas là une différence?

Gendre : Oui, les revenus épargnés rapportent des intérêts. Mais dans un système par répartition aussi, vous touchez plus que vous n’avez cotisé, du fait de la croissance économique. Vous recevez votre pension au moment ou les salaires des actifs ont augmenté, du fait de celle-ci. Ce qui donne d’ailleurs lieu à un résultat central de l’économie des retraites : si les taux d’intérêt sont égaux au taux de croissance, capitalisation et répartition sont exactement équivalents. Si les taux d’intérêt sont supérieurs au taux de croissance, c’est la capitalisation qui a l’avantage; si la croissance est supérieure aux taux d’intérêt, c’est la répartition qui a l’avantage.

Belle-mère (semble un peu distraite) : Oui, heu… Et donc maintenant, qu’est- ce qui est le mieux?

Gendre : jusqu’à la fin des années 70, c’était la répartition; depuis, le rendement de la capitalisation est devenu supérieur. Cela fait partie des arguments favorables à la capitalisation; beaucoup se disent que ce serait une meilleure affaire pour les retraités que le système actuel. Mais cela ne résout pas la question de la transition d’un système à l’autre. Et en pratique, ce n’est probablement pas la raison pour laquelle existe une telle pression favorable à la capitalisation. La vraie raison, c’est qu’un système de fonds de pension « à la française » constituerait une considérable aubaine pour l’industrie financière en France (banques et compagnies d’assurance). Cela leur offrirait d’importantes quantités de capitaux à gérer, et sans grande difficulté, puisque ces placements feraient l’objet d’avantages fiscaux. Après tout, si aujourd’hui quelqu’un veut épargner pour sa retraite, strictement rien ne l’empêche de le faire : il doit simplement payer des impôts. On peut trouver de très bonnes raisons pour réduire la fiscalité qui pèse sur l’épargne; mais il n’y a aucune raison de favoriser spécifiquement l’épargne gérée par de grandes institutions financières, par rapport à celle de l’individu qui décide d’acheter des titres en propre. Sauf bien entendu si l’on a une autre idée derrière la tête.

Belle-mère (semble totalement perdue) : Quelle idée?

Gendre : l’idée de verrouiller le capital des grandes entreprises françaises en faisant en sorte qu’elles soient au bout du compte contrôlées par des fonds de pension nationaux que l’on incite à investir dans ces entreprises. Ce qui permet d’éviter que des étrangers ne prennent le contrôle de ces entreprises, et que celles-ci restent les chasses gardées de nos classes dirigeantes. C’est un objectif bien éloigné de la sauvegarde des personnes âgées, vous conviendrez.

Belle-mère (bâille) : C’est très intéressant ce que vous dites… Mais alors, quelle est la solution au problème des retraites?

Gendre : il n’y en a pas.

Belle-mère : Vraiment pas?

Gendre : Non. Il n’y a pas de politique qui permettrait de résoudre le problème de façon magique. A terme, il faudra faire payer un peu plus les cotisants, réduire un peu les pensions de retraite, peut-être combiner cela avec une augmentation de l’âge de la retraite. Sous quelle forme? Nous ne pouvons pas le savoir aujourd’hui. Il faudra probablement s’adapter au cours du temps, avec des réformes mises en oeuvre au fur et à mesure, qui dépendront des équilibres politiques et des circonstances à venir. Pour l’instant on se contente de faire quelques économies en réduisant à terme les pensions des retraités, en augmentant un peu la durée de cotisation et en ramenant certains systèmes plus avantageux vers la moyenne générale; mais si cela va trop loin dans le sens d’une réduction des revenus des retraités, les gens s’adapteront en épargnant un peu plus, ou accepteront l’idée de vivre plus chichement lorsqu’ils cessent de travailler; ou, encore, les personnes âgées profiteront de leur nombre pour exiger des gouvernements des pensions plus confortables. Pour faire rapide, nous ne savons pas ce qui va se passer, et les diverses réformes gouvernementales n’y changeront pas grand-chose.

Belle-mère (semble penser à autre chose) : Bon, bien tout cela est très intéressant. Je ne suis pas sûre d’avoir tout compris…

Gendre : Je peux vous réexpliquer certaines choses, si vous le souhaitez.

Belle-mère : Non merci! En tout cas je me sentirai moins désemparée la prochaine fois que mon mari et ses amis parleront de ce sujet. Vous savez, mon mari apprécie toujours vos explications. Mais…

Gendre : Oui?

Belle-mère : Quand même, ne pensez-vous pas que si la jeune génération d’aujourd’hui avait plus d’enfants, cela arrangerait les choses?

Gendre : Extrêmement peu. Je vous l’ai dit, c’est un problème d’allongement de la durée de vie beaucoup plus que de natalité, et la natalité théoriquement nécessaire pour maintenir la situation démographique est à la fois irréaliste et peu souhaitable.

Belle-mère : Quand même, je continue de penser que si les jeunes d’aujourd’hui avaient plus d’enfants… D’ailleurs, je me disais que vous…

Gendre (se lève brusquement) : Oh, mais nous discutons, et pendant ce temps, votre fille est seule à ranger la cuisine. Je vais aller l’aider un peu.

Le gendre quitte la pièce précipitamment. La belle mère reste seule perdue dans ses pensées. Puis elle se lève et à son tour se dirige vers la cuisine.

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Publié sur le blog d’éconoclaste, extrait du livre « Sexe, drogue… et économie », Alexandre Delaigue & Stéphane Ménia, Pearson, 2008

crédits photos Flick’r Vetustense et Spacelion

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