OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un état des lieux de l’Open Data http://owni.fr/2011/11/02/etat-des-lieux-open-data-eaves/ http://owni.fr/2011/11/02/etat-des-lieux-open-data-eaves/#comments Wed, 02 Nov 2011 07:24:42 +0000 David Eaves http://owni.fr/?p=85024

Où en est l’Open Data ? Au cours de mon récent discours d’inauguration à l’Open Data Camp (qui se tenait cette année à Varsovie), j’ai tenté de poursuivre l’intervention que j’avais faite lors de la conférence de l’an passé. Voici l’état des lieux que j’en dresse.

Le franchissement du gouffre

1. Davantage de portails Open Data

Une des choses remarquables de l’année 2011 est la véritable explosion des portails Open Data à travers le monde. A ce jour, plus de 50 catalogues de données gouvernementales [en] sont recensés et d’autres devraient suivre. Le plus notable de ces catalogues est sans doute l’Open Data kényan [en], qui démontre à quel point le mouvement de l’Open Data a évolué.

2. Une meilleure compréhension et davantage de demande

Ces portails sont le résultat d’un mouvement d’ensemble plus vaste. De plus en plus de personnalités politiques, en particulier, sont curieux de comprendre l’Open Data. L’idée n’est pas de parler d’une compréhension radicalement modifiée, mais de nombreuses personnes situées dans les sphères gouvernementales (et plus globalement politiques) connaissent désormais le terme, pensent qu’il y a là quelque chose d’intéressant, et souhaitent en savoir davantage. Ainsi, dans un nombre de lieux de plus en plus importants les réfractaires diminuent. Plutôt que devoir hurler de loin, nous sommes désormais souvent invités à nous exprimer.

De plus en plus de personnalités politiques, en particulier, sont curieux de comprendre l’Open Data. [...] Plutôt que devoir hurler de loin, nous sommes désormais souvent invités à nous exprimer.

3. Plus d’expériences

En définitive ce qui est également passionnant, c’est le nombre croissant d’expériences dans la sphère Open Data. Le nombre d’entreprises et d’organisations tentant de pousser leurs utilisateurs vers les données ouvertes est croissant. ScraperWiki, DataHub, BuzzData, Socrata, Visual.ly font partie de ces ressources qui ont apparu dans l’univers des données ouvertes. Le genre de projets de recherche qui émergent – de la traque des irruptions volcaniques en Islande à l’arrivée des hackers et de leurs œuvres, aux micro-projets (comme Recollect.net que je dirige) ou bien encore les travaux qui conduisent à démontrer que l’Open Data pourrait générer des économies de 8,5 millions de livres par an aux institutions de la région de Manchester [en] – sont profondément encourageants.

A l’heure actuelle : un point d’inflexion

Ce qui est excitant avec l’Open Data, c’est que nous sommes de plus en plus nombreux qui aident – fonctionnaires, personnalités politiques, patrons d’entreprises, simples citoyens – à imaginer un avenir différent, plus ouvert, plus efficace et plus avenant. Notre impact est encore limité, mais nous ne sommes qu’au début de l’aventure. Ce qui est plus important c’est que grâce à nos succès (cf. le point 2 ci-dessus) notre rôle change. Qu’est-ce que ça signifie pour le mouvement, maintenant ?

Vu de l’extérieur, le travail que nous accomplissons est tout simplement de plus en plus pertinent. Notre époque est celle d’un échec institutionnel. Du Tea Party à Occupy Wall Street, nous constatons que nos institutions ne nous servent plus suffisamment. L’Open Data ne peut pas résoudre le problème, mais il fait partie de la solution. Le défi de l’ordre ancien et des organismes qu’il favorise, c’est que son principe d’organisation est articulé autour du contrôle des processus, après avoir appliqué le modèle de production industrielle à l’administration. Cela veut dire qu’il ne peut se déplacer aussi vite et, à cause de sa forte tendance au contrôle, qu’il ne peut se permettre autant de créativité (et d’adaptation).

L’Open Data, c’est placer un libre flot d’informations au cœur de la gouvernance – à la fois interne et externe – avec le but d’augmenter le métabolisme du gouvernement et de décentraliser la capacité des entreprises à faire face à leurs problèmes. Notre rôle n’est pas évident pour les personnes appartenant à ces mouvements, et c’est pourquoi nous devrions le rendre plus clair.

Vu de l’intérieur, nous devons relever un autre grand défi. Nous sommes à un point d’inflexion critique. Pendant des années, nous avons été dehors, hurlant l’importance de l’Open Data. Maintenant nous sommes invités dedans. Certains voudraient que nous nous y précipitions, désireux d’avancer, d’autres souhaiteraient se retenir, par peur d’être récupérés. Pour réussir, il est essentiel que nous devenions plus performants à progresser sur ce terrain miné : collaborer avec les gouvernements pour les aider à prendre les bonnes décisions, mais ne pas être manipulés en sacrifiant à nos principes. Choisir de ne pas nous engager serait – à mon avis – fuir nos responsabilités de citoyens et d’activistes de l’Open Data. C’est une transition difficile, mais il sera plus simple de commencer par l’assumer et de nous soutenir les uns les autres.

Le défi majeur : la prochaine étape

En regardant à travers le prisme Open Data, j’ai le sentiment que nous sommes devant trois défis pour lesquels le mouvement Open Data doit faire face s’il ne veut pas compromettre les succès déjà accumulés.

1. Le piège de la conformité

Un risque majeur pour l’Open Data, c’est que tout notre travail soit réduit à n’être qu’une initiative pour la transparence et aurait par conséquent pour unique objet de mettre en conformité des structures gouvernementales. Si c’est ainsi que se joue notre destin, je suspecte que dans 5 à 10 ans les gouvernements, désireux de pratiquer des coupes budgétaires, n’inscrivent les portails Open Data dans la liste des économies à réaliser.

Notre objectif n’est pas de devenir un élément de conformité. Notre but est de faire comprendre aux gouvernements qu’ils sont des structures de gestion de données et qu’ils ont besoin de gérer leur patrimoine “data” avec la même rigueur qu’ils gèrent le patrimoine concret comme les routes et les ponts. Nous donnons autant d’importance à la gouvernance des données qu’à l’Open Data. Cela signifie que nous avons besoin d’une vision pour un gouvernement dans lequel la donnée devient une couche de l’architecture gouvernementale. Notre objectif est de réaliser une plate-forme de données sur laquelle, non seulement les citoyens s’appuient, mais également sur laquelle le gouvernement refonde son appareil politique, et prioritairement son système informatique. En mettant ceci en place, nous nous assurons que l’Open Data est fermement connecté aux services de l’État et qu’il ne peut être facilement stoppé.

Notre but est de faire comprendre aux gouvernements qu’ils sont des structures de gestion de données et qu’ils ont besoin de gérer leur patrimoine “data” avec la même rigueur qu’ils gèrent le patrimoine concret comme les routes et les ponts.

2. Les schémas de données

Cette année, à l’approche de l’Open Data Camp, la fondation Open Knowledge a créé une carte des portails Open Data à travers le monde. C’était marrant à regarder, et je pense que ça devrait être la dernière fois que nous le faisons.

Nous arrivons à un point où le nombre de portails Open Data devient de moins en moins pertinent. Ouvrir davantage de portails ne permettra pas à l’Open Data de se déployer davantage. Ce qui va nous permettre de nous déployer sera d’établir des structures de données communes leur permettant de fonctionner transversalement aux juridictions. Le seul format de données de gouvernance ouverte largement utilisé concerne les données de transport urbain qui, parce qu’elles ont été standardisées par le GTFS, sont désormais disponibles à travers des centaines de juridictions. Cette standardisation a non seulement poussé les données dans Google Maps (générant des millions d’utilisations quotidiennes) mais a également conduit à une explosion d’applications de transports urbains dans le monde. Des standards communs nous permettront de nous déployer. Nous ne pouvons pas l’oublier.

Arrêtons donc de faire la comptabilité des portails Open Data, commençons plutôt à dresser la liste des jeux de données qui adhèrent à des schémas communs. Étant donné que l’Open Data est regardé de plus en plus favorablement par les gouvernements, la création de ces schémas est actuellement, à mon sens, le défi majeur du mouvement Open Data.

3. Élargir le mouvement

Je suis impressionné par les centaines et les centaines de personnes présentes ici à l’Open Data Camp à Varsovie. C’est vraiment sympa de pouvoir reconnaître autant de visages, le problème c’est que je peux reconnaître trop de visages. Nous devons faire grandir le mouvement. Il existe un risque que nous devenions complaisants, que nous nous réjouissions du mouvement que nous avons créé et, encore plus, de notre rôle en son sein. Si cela devait arriver, nous aurions un problème. Malgré nos succès, nous sommes loin d’avoir atteint une masse critique.

La question simple que je nous pose c’est : où sont United Way, Google, Microsoft, l’Armée du salut, Oxfam et Greenpeace ? Nous saurons que nous sommes en train de progresser lorsque des entreprises – grandes et petites – tout autant que des associations sans but lucratif, commenceront à comprendre combien les données de gouvernance ouverte peuvent rendre le monde meilleur et voudront ainsi nous aider à faire progresser la cause.

Chacun de nous se doit maintenant d’aller engager la discussion avec ces types d’organisations et les aider à se figurer ce nouveau monde et son potentiel à faire de l’argent et à faire progresser leurs propres problématiques. Plus nous parviendrons à nous inscrire dans les réseaux des autres, plus nous recruterons des alliés et plus forts nous serons.


Article original paru sur le blog de David Eaves sous le titre The State of Open Data 2011
Photo via FlickR Dan Slee [cc-by-nc] et Sebastiaan ter Burg [cc-by-sa] remixées par Ophelia Noor /-)
Traduction : Nicolas Patte



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Les États s’ouvrent http://owni.fr/2011/07/29/les-etats-souvrent-open-data-open-government/ http://owni.fr/2011/07/29/les-etats-souvrent-open-data-open-government/#comments Fri, 29 Jul 2011 15:13:09 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=74982 Le mouvement d’ouverture des données est lancé. L’open data se diffuse après les campagnes lancées par les pionniers, comme Michael Cross, dès 2006. Les États-Unis ont ouvert la valse avec l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche et le lancement six mois plus tard du portail data.gov. Le portail britannique data.gov.uk est en ligne l’année suivant.

La fondation iFRAP s’est récemment intéressée à l’ouverture des données publiques en mettant l’accent sur “la propension légale ou coutumière (des États) à diffuser, sans demande expresse particulière émanent de leur société civile, des informations administratives à forte valeur ajoutée de façon à accroître leur degré de transparence”. D’où la distinction faite entre “open data” et “open government”.

Le premier consiste à “publier sur des sites dédiés des jeux de données (…) dans des formats susceptibles d’être ensuite réutilisés gratuitement par le public (société civile, entreprises) pour un usage propre”. Le second renvoie à “la capacité de l’administration [de] mettre de façon directe et spontanée à la disposition du public un certain nombre d’informations, lorsque celles-ci sont disponibles, sans sollicitation préalable, [soit] une politique de divulgation ‘proactive’ (Proactive Disclosure Policy)”. État de fait d’un côté, dynamique et volonté de le faire de l’autre. L’auteur de l’étude, Samuel-Frédéric Servière résume :

L’e-démocratie du point de vue des citoyens renvoie à l’open data, l’e-démocratie du point de vue des gouvernants à l’open government.

La fondation iFRAP, spécialisée sur les politiques publiques et les réformes en a tiré un classement. OWNI a utilisé les mêmes données, fournies par l’OCDE, pour visualiser les États qui s’ouvrent. Deux variables sont prises en comptes : le cadre juridique dans lequel les données sont publiées et le moyen utilisé pour les publier. L’OCDE s’est basés sur une typologie de 12 données :

  • les documents relatifs au budget
  • les rapports annuels des ministères y compris leurs comptes
  • les rapports d’audit
  • tous les rapports sur les politiques publiques
  • les contrats commerciaux au-dessus d’un certain seuil
  • la liste des fonctionnaires et leurs salaires, les jeux de données publiques
  • les informations décrivant les systèmes d’enregistrement, leur contenu et leur utilisation
  • les informations sur les procédures internes, les manuels et les directives
  • la description de la structure et du fonctionnement des institutions de l’Etat
  • le rapport annuel sur la loi sur la liberté d’information
  • les informations sur les procédures liées à la liberté d’information

Légende : Le chiffre qui apparaît à côté du nom de chaque pays correspond à un indice décrivant l’encadrement législatif de la publication ouverte de 12 types de données.

  • Rouge foncé (4) : La publication de la majorité des données est obligatoire en vertu de la loi (ex : Russie, Espagne, Estonie)
  • Orange (3) : La majorité des données est publiée en vertu de la coutume, sans encadrement juridique codifié. (ex : Brésil, Suède)
  • Orange clair (2) : Autant de données sont publiées en vertu de la loi et de la coutume (ex : Australie)
  • Jaune foncé (1) : Autant de données sont publiées en vertu de la coutume que non-publiées.
  • Jaune (0) : La plupart des données ne sont pas publiées.

La Hongrie, la Turquie et le Portugal ne sont pas les chantres habituels de l’open data. Ni les premiers pays auxquels on pense à propos d’open government. Idem pour la Russie, ce qui ne signifie pas forcément que les règles théoriques soient suivies d’effets… Ils disposent pourtant d’une politique de transparence encadrée par la loi. Parmi les douze catégories retenues par l’OCDE, onze sont l’objet d’une obligation législative de publication en Hongrie. Ce dispositif législatif stricte est typique des “pays « jeunes », soit en transition démocratique pour lesquels la vertu de transparence de l’action publique permet de constituer un volet de la lutte anti-corruption, soit récemment émancipés (…) et donc particulièrement réceptifs aux technologies internet” analyse la fondation iFRAP.

Pratique coutumière

Absence de dispositif législatif n’est donc pas synonyme d’absence de pratique comme le révèlent les exemples anglosaxons. En Grande-Bretagne, les pratiques coutumières prédominent, témoin d’une certaine maturité démocratique et de la tradition de la Common Law, la coutume soit le droit non codifié.

Les pays qui publient le moins parmi ces douze données sont assez inattendus : le Luxembourg et la Pologne (huit données non-publiées). Selon Samuel-Frédéric Servière, certaines données sont parfois accessibles très facilement, sans pour autant être publiées.

En Suède, les salaires des fonctionnaires ne sont pas disponibles en ligne, mais peuvent être obtenus par téléphone. La transparence fait partie de la tradition.

Une tradition et des habitudes qui ne sont pas toujours compatibles avec les pratiques dominantes concernant l’ouverture des données par les États, ce qui a valu à la Suède un rappel à l’ordre pour “non-transposition de la directive européenne de 2003 relative à l’accès à l’information publique”.

Légende : Le chiffre qui apparaît à côté du nom de chaque pays correspond à un indice sur la disponibilité des données.

  • Vert (1) : La majorité des documents étudiés sont publiés sur un portail central (Russie, Suisse).
  • Vert-bleu (2) : La majorité des documents étudiés sont publiés sur les sites de ministères ou d’agences gouvernementales. (France, Brésil, Canada)
  • Bleu (3) : La majorité des documents étudiés sont publiés sur d’autres sites (Australie)
  • Gris (4) : Autant de documents sont publiés sur un portail central que sur les sites des ministères et agences gouvernementales (Suède, Slovénie).
  • Jaune (5) : Autant de documents sont publiés sur les sites des ministères et agences gouvernementales que sur d’autres sites (Espagne)
  • Jaune foncé (6) : Autant de documents sont publiés sur un portail central, sur les sites des ministères et des agences gouvernementales et sur d’autres sites (Ukraine).

Autre différence notamment, la disponibilité des données mises en ligne. Dans la majorité des cas, ce sont les sites des ministères et des agences gouvernementales qui fournissent le plus de données. La Suède fait figure d’exception : les données publiques sont autant disponibles sur un portail central que sur les sites des ministères, signe là encore d’une importante accessibilité des données. La redondance de publication des données concourent aussi à leur pérennité.

De grands écarts existent entre les différentes données publiées. Seuls 5,5% ne publient pas les documents relatifs au budget et aux institutions et à leur fonctionnement alors que 64% des Etats interrogés ne publient pas les listes des fonctionnaires et leur salaires. Ceux qui rendent ces données accessibles sont engagés dans la lutte contre la corruption, à l’instar du Mexique ou de l’Italie qui ont un arsenal législatif rigoureux.

États en lutte contre la corruption, états post-autoritaires qui érigent des barrières législatives pour encadrer l’ouverture des données et États qui les publient par tradition ou conviction forment les trois grandes catégories des “open governments”.


Crédits Photo FlickR CC by-nc-nd Wallig

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