OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Google, miroir des préjugés http://owni.fr/2012/08/16/google-miroir-des-prejuges/ http://owni.fr/2012/08/16/google-miroir-des-prejuges/#comments Thu, 16 Aug 2012 14:42:55 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=118201

On vous a parlé des questionnements métaphysiques de Renee DiResta dans le 43e épisode des Data en forme : comment les Américains se voient-ils eux-mêmes ? [en]. Au départ, une expérience un peu geek avec une méthodologie simple : on commence à taper “pourquoi l’Utah est si” dans Google et on note les suggestions affichées par le moteur de recherche. Et on récidive avec les 50 états. Avec des résultats parfois cocasses, pathétiques ou révélant juste la nature humaine : “pourquoi le Kansas est-il aussi venteux”, “plat”, “chiant” ou “humide” ou encore “pourquoi la Californie est-elle si libérale”, “fauchée”, “anti-armes” ou “chère”.

Le procès suggestif de Google

Le procès suggestif de Google

Le contentieux visant la fonction Google Suggest, mise en cause pour associer le mot "juif" au nom de certaines ...

Sous l’aspect initialement un peu blagueur, le billet de blog nous a semblé tellement frappant de bon sens que nous avons décidé de tenter l’exercice avec différents pays du monde — et plus précisément différentes populations du monde — pour évaluer la perception générale du public francophone, ou du moins les questions que “nous” nous posons sur ces différents pays.

Les poils des Portugais(es)

Première question que pose la carte : le niveau mental des (questions que les) Français (se posent). On tangue entre primaire et collège. Coincé entre un inexplicable “pourquoi les Portugaises pètent” et un subodorant “pourquoi les Suisses sont lents”, ce minable “pourquoi les Anglais roulent à gauche” fait vraiment pâle figure. Mais c’est sans compter sur les ressources des plus facétieux d’entre-nous, repérés illico par Google et mis en vedette par la poilante fonctionnalité : “pourquoi les Belges jouent au tennis avec des boulons” fait clairement référence à une blague de CM2, tandis que ce “pourquoi les Australiens n’ont pas la tête en bas” ferait plutôt référence à ces questions existentielles que les adultes de 6 ou 7 ans se posent parfois lorsqu’ils entrent dans la vraie vie.

Photo CC by-nc-sa Daniela Hartmann

Des lueurs d’espoir

Derrière l’incroyable pénibilité de la plupart des interrogations humaines enregistrées par le moteur de recherche le plus humain du monde, quelques mouvements neuronaux donnent envie de croire que l’humanité n’est pas complètement perdue. Ainsi, cet échange “pourquoi les Algériens détestent les Marocains” et “pourquoi les Marocains n’aiment pas les Algériens” est, sans aucun doute, la lame de fond d’une évidente tentative inconsciente de rapprochement et de compréhension mutuelle entre les peuples.

Un intrigant “pourquoi les Iraniens ne portent pas de cravate” sent bon la tolérance et le désir de connaître les habitudes vestimentaires d’autrui ; un touchant “pourquoi les Allemands ont bombardé Guernica” et un interrogateur “pourquoi les Japonais ont attaqué Pearl Harbor” sonnent comme un besoin de savoir d’où viennent les plus grands malheurs du monde pour mieux se souvenir de ne pas les oublier. Quant à ces multiples “pourquoi les Françaises sont belles”, “pourquoi les Polonaises sont belles”, et ainsi de suite avec les Suédoises, les Tunisiennes, les Roumaines ou les Italiennes, ils donnent tout simplement l’espoir que les peuples se regardent enfin avec des yeux compatissants et attendris.

Ou pas

Reste à comprendre d’où viennent les autres relents. D’où peut-il venir à l’idée du Français moyen que “les Anglaises sont moches” ou que “les Allemandes ne s’épilent pas”. Comment peut-il venir à l’esprit de l’internaute que les Françaises, apparemment “coincées”, “aiment les Noirs”. Que “les Algériens sont nerveux” et “les Italiens sont racistes”. Que les Chinois puissent à la fois être “moches” ET “jaunes”. Que “les Tunisiens aiment les blondes”.

Une somme grotesque de préjugés considérables qui enverraient même le Danemark directement aux meilleurs des cieux (“pourquoi les Danois sont-ils heureux”, “sont-ils si heureux”, “sont-ils plus heureux que les autres”). Pas mal pour un pays où les 50-54 ans se suicidaient quasiment deux fois plus qu’en Grèce, qu’en Espagne ou qu’en Italie en 2009.

Tout ceci est dans Google Suggest. Aussi certain que tous les Portugais s’appellent Manuel et tous les Vietnamiens se nomment N’Guyen.


Étude : Nicolas Patte – Carto : Julien Goetz /-)
Photo CC [by-nc-sa] Daniela Hartmann

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Top 20 des « La France vue par… » http://owni.fr/2011/06/12/top-20-des-%c2%ab-la-france-vue-par%e2%80%a6-%c2%bb/ http://owni.fr/2011/06/12/top-20-des-%c2%ab-la-france-vue-par%e2%80%a6-%c2%bb/#comments Sun, 12 Jun 2011 08:11:28 +0000 Topito http://owni.fr/?p=67390 L’émission « Le dessous des cartes » sur Arte n’en a jamais parlé, mais quoi de mieux que ces petites cartes toute simples pour mieux comprendre notre pays et surtout ses habitants. Avec une pointe de préjugés et de second degré, parce que c’est plus facile de se moquer des autres.

La France vue par les Toulousains :

La France vue par les Parisiens :

La France vue par les Bretons :

La France vue par les Nordistes :

La France vue par les Sudistes :

La France vue par un paysan isolé :

La France vue par un automobiliste lecteur d’AutoPlus :

La France vue par José Bové :

La France vue par un routier :

La France vue par un beauf de base :

La France vue par un Ardennais :

La France vue par un Normand :

La France vue par un Alsacien :

La France vue par les Américains cultivés :

La France vue par les Américains incultes :

La France vue par les Anglais cultivés :

La France vue par les Japonais :

La France vue par les Chinois :

La France vue par les Allemands :

Bonus : la France vue par CNN :

Billet initialement publié sur Topito, top de Soaringtiger

Image Flickr AttributionShare Alike garryknight

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Féminisme: pour en finir avec les clichés http://owni.fr/2011/02/19/feminisme-pour-en-finir-avec-les-cliches/ http://owni.fr/2011/02/19/feminisme-pour-en-finir-avec-les-cliches/#comments Sat, 19 Feb 2011 16:00:02 +0000 Stéphanie Lakh http://owni.fr/?p=47573

Ce billet a été publié sur Regardailleurs, sous le titre “Une certaine idée du féminisme” et repéré par OWNIpolitics

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Féminisme (nom, m.) : ensemble d’idées politiques, philosophiques et sociales cherchant à promouvoir les droits des femmes et leurs intérêts dans la société civile. C’est une idée que j’ai tendance à considérer dans la continuité de ma conception de la personne. Féminisme, je le justifie depuis toujours par le besoin de rétablir un équilibre volé injustement. Féminisme : une évidence parce que nous sommes tous nés « libres et égaux en droits », après tout. Une évidence, oui, mais pas tant que ça.

Un nouveau machisme renversé ?

Le premier reproche que l’on me fait quand je m’annonce féministe porte souvent sur le terme : le féminisme serait-il un nouveau machisme renversé ? Pour cela, argument très raisonnable, répondre sur le terrain de l’histoire : le féminisme n’est pas un « isme » comme les autres. Et puis si seulement le mot dérange, « soyons universalistes » (de toute façon le féminisme différentialiste a eu son temps, à présent révolu). Mais ce reproche est souvent émis par des personnes qui ont déjà réfléchi à l’égalité des sexes, pour qui c’est une évidence, une nécessité. Ce que j’entends derrière « universaliste » plutôt que « féministe » c’est la volonté de ne pas s’inscrire dans une démarche militante, mais davantage individuelle, un effet boule de neige.

Ce reproche, je l’admets tant qu’il ne cherche pas à parasiter le débat : tant qu’il ne focalise pas les idées féministes sur le terme qui les définit. Beaucoup de femmes ne s’affirment pas féministes, et parfois s’éloignent de cette appellation, mais inscrivent leur parcours dans une démarche que l’on pourrait qualifier de féministe (mais on ne le fera pas parce que chacun a le droit de choisir comment se définir).

L’autre critique assez répandue, notamment en France, s’appuie davantage sur le fond : les féministes ne seraient-elles pas des hystériques poilues et frustrées, probablement lesbiennes tant qu’on y est (considérant ainsi que l’on choisit sa sexualité) ? Là, peut-être touche-t-on le cœur du problème : qu’est-ce que le féminisme soulève pour valoir tant de reproches ? Ou plutôt : pourquoi veut-on cantonner les femmes à une place particulière ? Et si on déconstruisait méthodiquement les reproches faits (et entendus maintes fois) ?

L’homme canalise la femme par son phallus, c’est bien connu

La féministe est hystérique : on doit à Freud l’amalgame femme = hystérique, mais, aujourd’hui, dans les définitions médicales du terme (il s’agit bien d’une maladie), on ne trouve pas de référence précise au genre lié à cette maladie. Et puis l’argument est de toute façon vicié : pour tout profane, chaque militant est « hystérique » — surtout quand c’est une femme.

La féministe est poilue : à ça j’aimerais répondre « Et alors ? N’est-on pas libre de ses choix en matière d’épilation ? », mais je crains de passer pour une hystérique. Pourtant, l’épilation comme diktat est légion surtout en France : l’observation empirique permet de déterminer que n’être pas lisse dans les douches des piscines municipales n’est pas une tare à l’étranger. Par ailleurs, que signifie l’épilation ? Pourquoi la femme se devrait-elle d’être imberbe : pour l’homme ? pour la société ? La question de l’épilation divise beaucoup les femmes, on s’aime la peau douce. On nous a appris à nous aimer la peau douce. L’épilation est sans doute le symbole de la domination masculine le mieux intériorisé par les femmes. Sous-tendue par le « poilu », la question du laisser-aller des féministes : comme si une femme en jupe et en talons ne pouvait avoir des revendications égalitaires. Ou comme si un garçon manqué (écoutons les mots, ils parlent tout seuls) était automatiquement féministe. Syllogisme qui tombe dès qu’on l’établit.

La féministe est frustrée : « Elle est mal baisée » est sans doute mon expression préférée de la langue française. Un homme frustré doit « se vider », une femme frustrée doit « être baisée » : la passivité de la phrase est éloquente. Cela signifierait qu’une femme heureuse et comblée sexuellement ne pourrait avoir des idées féministes (ou des idées tout court… ?). L’homme, via son phallus, permet donc de canaliser la femme hystérique (qui s’est donc épilée pour l’occasion, si elle est délicate). Charmante conclusion. Je ne sais même pas s’il faut prendre de l’énergie pour la contredire…

La féministe est lesbienne : forcément. Frustrée de ne pas trouver d’homme parce qu’elle est négligée, la féministe doit se rabattre sur ses semblables pour trouver le bonheur. Sauf que le prémisse est déjà faux : la sexualité n’est pas choisie par l’individu, l’orientation sexuelle n’est pas un choix, plutôt une question d’ordre biologique. Par conséquent, non, toute féministe n’est pas lesbienne (et quand bien même : l’orientation sexuelle n’est pas un défaut ou quelque chose à poser comme reproche, quelle que soit la situation).

« La » féministe : certains n’envisagent pas qu’un homme puisse être féministe. J’en ai croisé lors de manifestations pro-choix, et pas qu’un. Et ils n’avaient pas le visage allongé de ces hommes qui attendent à la sortie d’un magasin que leur compagne en finisse enfin. Pour continuer dans le cliché, ils n’étaient pas tous homosexuels. Des hommes, sexuellement normés, prennent donc part au combat féministe. En effet, une féministe ne cherche pas à castrer les hommes, au contraire.

Pour finir, le reproche que je chéris sur le féminisme est celui porté par des femmes qui, bien qu’indépendantes après des études et un accomplissement professionnel certain, refusent de faire une croix sur la galanterie. Ainsi donc, il faudrait continuer à être fragiles face à ces messieurs qui sont heureusement là pour nous pousser portes et chaises. Il est également bienheureux que les hommes aient un travail, cela permet d’être invitées au restaurant. Sur ce point, il semble qu’il pourrait s’agir de choix personnels plus que de militantisme. Pourtant, je ne vois pas comment faire avancer la cause quand on se décrédibilise en se révoltant parce qu’un homme ne s’est même pas levé pour nous céder sa place dans le bus. Il y a là une incohérence nuisible.

Et encore, je n’évoque pas l’idée reçue que « chez nous, c’est gagné, plus besoin de parler de féminisme, c’est dépassé ». J’aimerais bien en passer par les chiffres des violences conjugales, affligeants, ou bien par les différences de salaire, incroyables, ou encore par les publicités éminemment sexistes (femme à la cuisine, homme dans la voiture), pitoyables. Mais je pense surtout qu’aujourd’hui, avec toutes les informations disponibles que l’on a, si on refuse d’accepter que les femmes sont discriminées, c’est que les œillères sont trop enfoncées. Le féminisme touche à quelque chose de trop intime, de trop profondément ancré dans nos sociétés pour être discuté en toute objectivité. Certains refusent simplement d’accepter qu’il y a quelque chose à voir. Comme quand on croise un sans abri : on détourne le regard, c’est tellement plus simple.

Illustrations Flickr CC Yann Caradec, Le Monolecte et AudreyAK

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Le féminisme n’est pas un « isme » comme les autres http://owni.fr/2011/02/17/le-feminisme-n%e2%80%99est-pas-un-%c2%ab-isme-%c2%bb-comme-les-autres/ http://owni.fr/2011/02/17/le-feminisme-n%e2%80%99est-pas-un-%c2%ab-isme-%c2%bb-comme-les-autres/#comments Thu, 17 Feb 2011 09:50:33 +0000 Stéphanie Lakh http://owni.fr/?p=38074 Féminisme (nom, m.) : ensemble d’idées politiques, philosophiques et sociales cherchant à promouvoir les droits des femmes et leurs intérêts dans la société civile. C’est une idée que j’ai tendance à considérer dans la continuité de ma conception de la personne. Féminisme, je le justifie depuis toujours par le besoin de rétablir un équilibre volé injustement. Féminisme : une évidence parce que nous sommes tous nés « libres et égaux en droits », après tout. Une évidence, oui, mais pas tant que ça.

“Vous les femmes” …

Le premier reproche que l’on me fait quand je m’annonce féministe porte souvent sur le terme : le féminisme serait-il un nouveau machisme renversé ? Pour cela, argument très raisonnable, répondre sur le terrain de l’histoire : le féminisme n’est pas un « isme » comme les autres. Et puis si seulement le mot dérange, « soyons universalistes » (de toute façon le féminisme différentialiste a eu son temps, à présent révolu). Mais ce reproche est souvent émis par des personnes qui ont déjà réfléchi à l’égalité des sexes, pour qui c’est une évidence, une nécessité. Ce que j’entends derrière « universaliste » plutôt que « féministe » c’est la volonté de ne pas s’inscrire dans une démarche militante, mais davantage individuelle, un effet boule de neige.

Ce reproche, je l’admets tant qu’il ne cherche pas à parasiter le débat : tant qu’il ne focalise pas les idées féministes sur le terme qui les définit. Beaucoup de femmes ne s’affirment pas féministes, et parfois s’éloignent de cette appellation, mais inscrivent leur parcours dans une démarche que l’on pourrait qualifier de féministe (mais on ne le fera pas parce que chacun a le droit de choisir comment se définir).

L’autre critique assez répandue, notamment en France, s’appuie davantage sur le fond : les féministes ne seraient-elles pas des hystériques poilues et frustrées, probablement lesbiennes tant qu’on y est (considérant ainsi que l’on choisit sa sexualité) ? Là, peut-être touche-t-on le cœur du problème : qu’est-ce que le féminisme soulève pour valoir tant de reproches ? Ou plutôt : pourquoi veut-on cantonner les femmes à une place particulière ? Et si on déconstruisait méthodiquement les reproches faits (et entendus maintes fois) ?

Féministe: hystérique, poilu(e), frustré(e) et femme

La féministe est hystérique : on doit à Freud l’amalgame femme = hystérique, mais, aujourd’hui, dans les définitions médicales du terme (il s’agit bien d’une maladie), on ne trouve pas de référence précise au genre lié à cette maladie. Et puis l’argument est de toute façon vicié : pour tout profane, chaque militant est « hystérique » — surtout quand c’est une femme.

La féministe est poilue : à ça j’aimerais répondre « Et alors ? N’est-on pas libre de ses choix en matière d’épilation ? », mais je crains de passer pour une hystérique. Pourtant, l’épilation comme diktat est légion surtout en France : l’observation empirique permet de déterminer que n’être pas lisse dans les douches des piscines municipales n’est pas une tare à l’étranger. Par ailleurs, que signifie l’épilation ? Pourquoi la femme se devrait-elle d’être imberbe : pour l’homme ? pour la société ? La question de l’épilation divise beaucoup les femmes, on s’aime la peau douce. On nous a appris à nous aimer la peau douce. L’épilation est sans doute le symbole de la domination masculine le mieux intériorisé par les femmes. Sous-tendue par le « poilu », la question du laisser-aller des féministes : comme si une femme en jupe et en talons ne pouvait avoir des revendications égalitaires. Ou comme si un garçon manqué (écoutons les mots, ils parlent tout seuls) était automatiquement féministe. Syllogisme qui tombe dès qu’on l’établit.

La féministe est frustrée : « Elle est mal baisée » est sans doute mon expression préférée de la langue française. Un homme frustré doit « se vider », une femme frustrée doit « être baisée » : la passivité de la phrase est éloquente. Cela signifierait qu’une femme heureuse et comblée sexuellement ne pourrait avoir des idées féministes (ou des idées tout court… ?). L’homme, via son phallus, permet donc de canaliser la femme hystérique (qui s’est donc épilée pour l’occasion, si elle est délicate). Charmante conclusion. Je ne sais même pas s’il faut prendre de l’énergie pour la contredire…

La féministe est lesbienne : forcément. Frustrée de ne pas trouver d’homme parce qu’elle est négligée, la féministe doit se rabattre sur ses semblables pour trouver le bonheur. Sauf que le prémisse est déjà faux : la sexualité n’est pas choisie par l’individu, l’orientation sexuelle n’est pas un choix, plutôt une question d’ordre biologique. Par conséquent, non, toute féministe n’est pas lesbienne (et quand bien même : l’orientation sexuelle n’est pas un défaut ou quelque chose à poser comme reproche, quelle que soit la situation).

« La » féministe : certains n’envisagent pas qu’un homme puisse être féministe. J’en ai croisé lors de manifestations pro-choix, et pas qu’un. Et ils n’avaient pas le visage allongé de ces hommes qui attendent à la sortie d’un magasin que leur compagne en finisse enfin. Pour continuer dans le cliché, ils n’étaient pas tous homosexuels. Des hommes, sexuellement normés, prennent donc part au combat féministe. En effet, une féministe ne cherche pas à castrer les hommes, au contraire.

Pour finir, le reproche que je chéris sur le féminisme est celui porté par des femmes qui, bien qu’indépendantes après des études et un accomplissement professionnel certain, refusent de faire une croix sur la galanterie. Ainsi donc, il faudrait continuer à être fragiles face à ces messieurs qui sont heureusement là pour nous pousser portes et chaises. Il est également bienheureux que les hommes aient un travail, cela permet d’être invitées au restaurant. Sur ce point, il semble qu’il pourrait s’agir de choix personnels plus que de militantisme. Pourtant, je ne vois pas comment faire avancer la cause quand on se décrédibilise en se révoltant parce qu’un homme ne s’est même pas levé pour nous céder sa place dans le bus. Il y a là une incohérence nuisible.

Et encore, je n’évoque pas l’idée reçue que « chez nous, c’est gagné, plus besoin de parler de féminisme, c’est dépassé ». J’aimerais bien en passer par les chiffres des violences conjugales, affligeants, ou bien par les différences de salaire, incroyables, ou encore par les publicités éminemment sexistes (femme à la cuisine, homme dans la voiture), pitoyables. Mais je pense surtout qu’aujourd’hui, avec toutes les informations disponibles que l’on a, si on refuse d’accepter que les femmes sont discriminées, c’est que les œillères sont trop enfoncées. Le féminisme touche à quelque chose de trop intime, de trop profondément ancré dans nos sociétés pour être discuté en toute objectivité. Certains refusent simplement d’accepter qu’il y a quelque chose à voir. Comme quand on croise un sans abri : on détourne le regard, c’est tellement plus simple.

Billet publié initialement sur Regardailleurs sous le titre Une certaine idée du féminisme

Illustrations Flickr CC Yann Caradec, Le Monolecte et AudreyAK

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