AFP, Xinhua: même combat!
C’est fait, l’Etat français tombe le masque et va faire de l’AFP une société officiellement étatisée. Le fleuron de l’actu à la française va rejoindre Itar-Tass, Xinhua et Fars et devenir la plus grande agence de presse du monde financée par un gouvernement. J’ai essayé de montrer cette dynamique vers plus d’étatisation le mois dernier avec cette petite appli. Laurent Joffrin a [...]
C’est fait, l’Etat français tombe le masque et va faire de l’AFP une société officiellement étatisée. Le fleuron de l’actu à la française va rejoindre Itar-Tass, Xinhua et Fars et devenir la plus grande agence de presse du monde financée par un gouvernement.
J’ai essayé de montrer cette dynamique vers plus d’étatisation le mois dernier avec cette petite appli.
Laurent Joffrin a souligné les dangers de cette dérive vers une AFP porte-parole du gouvernement. Mais à aucun moment il n’aborde la question du financement de l’Agence (voir son édito), qui reste pourtant à mon sens la clé expliquant son comportement.
Les blogueurs média se trompent de problème quand ils font porter le chapeau de la faible qualité de l’info sur des rédactions trop rabougries ou trop âgées. Même constat chez les universitaires, où le problème est rarement abordé (ou alors j’ai de mauvais outils de veille).
Avec internet, la question du financement de l’info par les Etats est le plus important développement média des années 2000.
La résurgence de certains nationalismes pousse à une course à l’armement médiatique. C’est à quel gouvernement aura la plus grosse chaîne en langue arabe, à qui aura le plus d’abonnés à son agence.
On aurait tord de croire que ce combat est moins dangereux que lorsqu’ils jouent à qui pisse le plus loin à coup de missiles balistiques. En s’armant de médias, les gouvernements parviennent à modifier les opinions.
La célérité avec laquelle les médias français on récupéré le discours orchestré par la chaîne iranienne Press TV lors du procès de Clotilde Reiss montre bien que peu importe la source, pourvu qu’on ait les images à temps pour le journal.
Deuxième effet de cette surenchère médiatique : Les gouvernements ont décimé le journalisme. En faussant la compétition (mais que fait la Commission ?), l’AFP est en train de couler une agence indépendante du pouvoir, dpa. La France a fièrement fait perdre à l’agence allemande 3% de son chiffre d’affaire en lui ravissant son 2e plus gros abonné,WAZ.
En ces temps de crise de la pub et du lectorat, l’arrivée d’acteurs étatisés de plus en plus agressifs promet aux médias traditionnels de se faire sortir du circuit traditionnel de l’info. Le journalisme qui consistait à faire le lien entre un acteur institutionnel et son public, par le biais de conférences de presse et de communiqués, est mort.
Il faut arrêter de se poser la question du sauvetage du journalisme. La plupart des missions que le terme englobait sont désormais effectuées par des entreprises d’Etat, qui ne se gênent pas pour biaiser l’info en faveur de leur bailleur de fonds.
Il reste des journalistes qui travaillent pour leurs lecteurs. Il y en a moins qu’avant et ils n’ont toujours pas trouvé le moyen de se financer.
Côté pile: Plus besoin de payer pour la collecte de la plupart de l’info, ce sont nos impôts qui le font. Côté face: Il faut allouer plus de ressources à la vérification de l’info et à sa mise en perspective, ce qui n’est vraiment pas le point fort des rédactions d’aujourd’hui.
Pour faire ce travail, les journalistes qui restent n’ont pas d’autre choix que de faire appel à la communauté des citoyens pour enrichir l’information. Pour conserver une voix face aux mastodontes financés par les deniers publics, les journalistes n’ont d’autre choix que d’adopter une stratégie d’anti-défense dont parlait Umair Haque l’autre jour.
L’AFP utilise un mégaphone ? Les journalistes doivent disséminer l’information auprès des million de voix du réseau. L’AFP envoie 50 journalistes sur les lieux d’un accident ? Les journalistes doivent agréger les ressources des citoyens présents sur place pour présenter un rapport crédible de la situation.
La bataille pour la maîtrise de l’info ne se joue pas au plan technique. Si nous, journalistes, voulons éviter que le paysage médiatique se transforme en un combat de Pravdas aux couleurs de Paris, Londres ou Téhéran, il nous faut repenser entièrement les mécanismes de traitement de l’information.
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