Watchmen, une uchronie visuelle
Le genre de l’uchronie au cinéma est généralement lié à la science-fiction (bien qu’il y ait des contre exemples nombreux, comme le récent Inglorious Basterds). Et c’est bien souvent l’élément de science-fiction (portail spation-temporel, machine à remonter le temps, etc) qui introduit le point de divergence, l’instant T où l’Histoire telle que nous la connaissons [...]
Le genre de l’uchronie au cinéma est généralement lié à la science-fiction (bien qu’il y ait des contre exemples nombreux, comme le récent Inglorious Basterds). Et c’est bien souvent l’élément de science-fiction (portail spation-temporel, machine à remonter le temps, etc) qui introduit le point de divergence, l’instant T où l’Histoire telle que nous la connaissons bascule et devient une Histoire alternative.
Dans Watchmen de Zack Snyder (2009), l’adaptation du roman graphique de Dave Gibbons et Alan Moore, ce point de divergence pourrait ainsi être l’apparition du Dr. Manhattan, scientifique devenu surhomme dans un accident nucléaire. Utilisé à des fins politiques, il permet aux Etats-Unis de remporter la Guerre du Vietnam et à Nixon d’être réélu sans discontinuer jusqu’en 1985, temps de notre récit. Mais il n’en est rien. L’Histoire diverge en réalité dans les années 40, lorsque des citoyens lambdas, déguisés en super-héros, forment les Minutemen pour combattre le crime…
Cette Histoire alternative, similaire à l’Histoire “réelle”, nous est racontée dans le générique d’ouverture du film. En une quinzaine de plans stylisés, nous reconnaissons l’Histoire contemporaine américaine, transformée légèrement par l’inclusion des fameux Minutemen, qui deviendront un jour les Watchmen. Mais soudain, surprise!
Au milieu d’un ensemble de plans qui évoquent clairement l’Histoire, apparaît cette image.
Son référent évident, La Cène de Léonard, n’est pourtant ni américain, ni contemporain, ni même à proprement parler historique.Cependant, en regardant le générique ce plan s’intègre tout à fait dans le récit qui se met en place. Et ce récit est celui, non plus d’une Histoire alternative, mais d’une Histoire visuelle alternative. L’uchronie dans Watchmen devient uchronie visuelle.
On regarde alors une seconde fois le générique. Et en effet, ici, la construction du récit uchronique se fait bien plutôt par des références à l’Histoire visuelle, qu’à l’Histoire évènementielle. En voici quelques exemples:
Ici, le personnage de Silhouette qui prend la place du marin de la photo d’Eisenstaedt publiée dans le magazine Life en 1945, transformant le couple héterosexuel de la photo d’origine en couple homosexuel. Et l’évocation de la victoire contre le Japon n’existe qu’à travers cette référence bien connue des américains.
Ailleurs un plan fait référence à une photo de Marc Riboud que tout le monde reconnaîtra…
Puis dans ce plan où l’on reconnaît Warhol, le personnage de Nite Owl a pris la place de Marilyn dans un tableau avec lequel tout le monde peut aujourd’hui s’amuser, détournement devenu un must du profil Facebook. La référence n’est pas ici faite à la Factory ou à la naissance du Pop Art, mais bien à cette image que nous partageons tous, que nous nous sommes appropriée.
Et ces références historiques ne sont pas uniquement constituées par des photographies ou des tableaux célèbres ou reconnaissables, mais aussi, et c’est là que cela me semble très intéressant, par des images animées faisant parties de cette culture visuelle partagée. Ainsi un des plans est une fidèle copie d’un extrait du Film Zapruder, enregistrement vidéo de l’assassinat de Kennedy.
Il y a dans Watchmen une uchronie visuelle, la construction d’un récit alternatif de l’Histoire autour d’un ensemble de références au visuel, qu’il soit photographique, pictural ou animé, compris comme un tout et mobilisé à une même fin.
Pour vous faire une idée, je vous conseille de voir ce générique, Watchmen Opening credits.
PS: J’ajouterai un post-scriptum pour conseiller à quinquonque le verra de compter le nombre de plans dans lesquels apparaissent des photographes. J’en compte 13.
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