Manuel de survie 2.0 en cas de catastrophe nucléaire

Le 19 mars 2011

Que faire sur les interouèbes en cas d'hiver nucléaire ? Conseils pratiques de Boumbox à l'attention des survivants du réseau.

Bien sûr, on sait tous quoi faire en cas de catastrophe nucléaire grâce aux grandes campagnes de prévention sur le sujet financée par Areva, qui fait tout pour que nous soyons bien conscients des dangers. Donc quand l’alerte nucléaire retentira, nous saurons qu’il faut fermer les yeux et chanter Funkytown en pensant très fort à ce que nous serions sans le nucléaire : une population de paysans-esclaves à la merci de seigneurs barbares qui régneraient grâce à leur maîtrise de l’énergie éolienne et leurs chars à voile meurtriers.

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A supposer que vous ayez survécu aux premières déflagrations et tant que les radiations n’auront pas fait tomber tous vos doigts et yeux, il reste une chose à faire : aller sur Facebook et Twitter.

Repenser votre personal branding

Google Person Finder a permis de s’assurer de la position de milliers de Japonais ces derniers jours, à SXSW une conférence intitulé #911tweets parlait apparemment d’un service d’appel d’urgence via Twitter (c’est pas une blague) et tous les gens que je connais au Japon ont passé leur temps à nous rassurer sur leur mur Facebook. Les réseaux sociaux devraient donc vous permettre de retrouver votre femme, vos enfants, vos amis, ou même d’en trouver de nouveaux s’ils sont mort. La mort et la destruction créeront de nombreuses opportunités, remplissant les rues et les réseaux sociaux de célibataires émotionnellement vulnérables. L’apocalypse, ce sera un peu comme si c’était spring break toute l’année ! A l’inverse, ce sera aussi l’occasion parfaite pour vous de changer d’identité. Il vous suffira de ramasser un smartphone ou un laptop des mains raidies d’un cadavre pour usurper son identité, à supposer qu’il ne se soit pas déloggué de Facebook et Google en vue de l’apocalypse. Dans le chaos post-apocalyptique, mettez des photos de vous à la place des siennes sur son compte Facebook et les autorités débordées accepteront ça comme pièce d’identité à n’en pas douter.

Buzz atomique

Comme tout évènement, une catastrophe nucléaire est aussi une opportunité pour faire du buzz et travailler votre personal branding. Sortez de chez vous avec votre smartphone et prenez des photos : si vous avez un peu de chance, vous trouverez des images de destruction suffisamment frappantes pour être le contenu viral numéro 1 après le choléra. Surtout, essayez d’être le premier sur les lieux et d’utiliser les tags appropriés pour un max de visibilité. Evidement vous aurez de la concurrence sur ce créneau, alors n’hésitez pas à mettre un peu les choses en scène. Ajoutez un filtre chelou sur l’image pour le côté « radioactif ». Un cadavre de petite fille dans la rue ? Dites que c’est votre soeur. Si vous êtes loin des contrées les plus dévastées, il va falloir vous faire remarquer autrement. Mon conseil ? Pratiquez le LOL (c’est comme ça qu’on dit en français, parce que « le MDR » c’est ridicule, voyons). Le « LOL » est une forme d’humour particulièrement impactante sur les réseaux sociaux, qui se caractérise par un aspect « choc », déceptif puisque pas du tout segmentant dans la pratique. Personne ne rit vraiment, personne n’est vraiment offensé, mais tout le monde partage. Comme la probabilité que vous ET moi survivions tous les deux à la catastrophe, je vous offre en exclusivité quelques tweets ou statuts LOL. Garantis juste assez peu drôles et fausemment offensants pour vous valoir la gloire en faisant rire les uns et en « choquant » les autres :

Plein d’animaux radioactifs partout, j’espère me faire mordre par une araignée #nuclearcatastrophe #spiderman

J’espère qu’@JeanReno va bien parce que Godzilla arrive bientôt #nuclearcatastrophe #jamiroquai

Qui est le DRH qui a embauché Homer Simpson chez Areva ? #nuclearcatastrophe

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Bâtir une nouvelle civilisation

Une catastrophe nucléaire qui se respecte a au moins pour elle de ne pas faire de discrimination : elle tue les riches comme les pauvres, les noirs comme les blancs… elle a juste un petit faible pour les enfants, les personnes âgées et les fœtus. Une nouvelle classe dominante va naturellement s’élever et rebâtir le monde à son image. Dans nos société post-idéologiques, globalisées, post-raciales et post tout ce que tu veux, si la classe dominante capitaliste s’effondre, qui restera-t-il à part Google, Facebook et Anonymous, pour nous dire quoi faire ? Facebook a déjà créé sa propre monnaie, Anonymous a toutes les apparences d’une armée secrète, Apple a déjà tout d’une religion et Google est déjà un empire maléfique, non ? Qui d’autre pourrait prendre le contrôle ? La guerre va faire rage entre les barons du web, mais si vous voulez une bonne place dans le nouvel ordre mondial qui va émerger, ne choisissez pas de camp. Jouer sur tous les tableaux est votre meilleure chance. Partagez les vidéos YouTube d’Anonymous sur Facebook, créez vous des identités multiples pour être de chaque faction, accumulez les likes et les followers, dénoncez vos faux comptes aux hackers d’Anonymous, donnez pour héberger les soldats de WikiLeaks, vendez les mots de passes de vos faux comptes Google pour vous acheter des Facebook credits, échangez vos légumes de Farmville contre des vivres IRL. Dans cette nouvelle société, un bon community manager sera un chef de tribu, et un « influenceur » sera le shaman. Enfin, le pouvoir nous reviendra à nous, les bullshiters !

Article initialement publié sur Boumbox

Illustrations CC FlickR: Anders Ljungberg, Ian Myles

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